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samedi 12 novembre 2016

Le Jardin Baroque de Lindouar a de l'avenir

Dans une interview accordée au site "Reporterre", le chercheur François Léger, pronostique que les micro fermes représentent une alternative viable au modèle agricole dominant. Cette alternative a un nom, elle s'appelle la permaculture. https://reporterre.net/En-agriculture-les-micro-fermes-ont-un-tres-grand-avenir
Lieu cultivé de petite taille, avec une densité de végétation exubérante au m2, la permaculture encourage les associations de plantes, les soins naturels, bannissant de facto les intrants. La commercialisation des légumes est localisée afin de favoriser le lien social. L'intervention mécanique reste secondaire, voire anecdotique, suivant, selon des choix non clivants, le principe du "non intervenir". Autrement dit,  l'impact de la consommation d'énergie fossile est considérablement amoindri et comme la possession du dernier modèle de tracteur ne fait pas fantasmer, il n'y a pas nécessité à construire d'imposant hangar pour protéger le parc périphérique mécanisé.  
Sans revenir sur l'article de François Léger j'aimerai rajouter 2 points, à mes yeux, qui peuvent, en plus de la viabilité, garantir une pérennité à ce système agricole : l'accessibilité à la terre (ou le respect du lieu et du vivant) et le statut du paysan militant. A titre personnel, je rajouterai une notion qui, malgré moi, m'est précieuse : la résistance.
Après avoir connu un essor économique sans précédent, avec l'exploitation massive de la culture de fraises en plein champ, Plougastel-Daoulas concentre aujourd'hui sur son territoire une proportion conséquente de friches. Ce nouveau paysage conclue le déclin d'une activité qui autrefois s'octroyait l'espace, entraînant l'hyper concentration de production agro-industrielle sous serres (tomates et fraises), prisonnière de surfaces réduites, artificielles et énergivores (on compte quand même pas moins de 300 ha de serres à Plougastel !). 
Sans être exclusif, un autre phénomène peut expliquer l'explosion des friches sur la commune : la transmission de la ferme ou la succession des biens. Peu était enclin à reprendre l'exploitation familiale. Dépositaire d'un bien hérité d'un parent, les successeurs, détachés du monde agricole, n'ont comme option que la vente des parcelles, vente qui profite à un agriculture du secteur, ou qui viabilisés, deviennent constructibles. Sauf que pour être constructibles il est à espérer que les terrains n'apparaissent pas dans le périmètre défini par la loi Littoral, ou classées dans des zones sensibles à protéger. Ajouter à cela la multiplicité, parfois conflictuelle, de l'indivision, et Plougastel s'habille dans un vert décennal où règnent en maître la fougère et la ronce.
Que faire alors d'un bien invendable, parfois oublié depuis plus de 20 ans ? C'est la question que j'ai posée, en juin dernier, à une de mes amies, propriétaire d'une parcelle située sur le front de l'Elorn. "Je n'en fais rien. Si tu veux cultiver le terrain, vas-y ! Mais il y a du boulot : c'est en friche ! Tu peux même contacter une amie d'enfance qui possède la parcelle d'à côté." Je n'ai pas attendu que la petite aiguille ait fait le tour du cadran : en à peine 24 H l'accord était entendu avec la voisine. J'ai signé avec les propriétaires un contrat de prêt à usage (gratuité des terrains pendant 9 ans avec tacite reconduction). Cette entente me convient. Je ne me souhaite pas l'accès à la propriété individuelle. Je me retrouvais donc à entretenir 1 Ha de terre, couvert au 3/4 par 2 compagnons encombrants : la fougère et la ronce. Mais pas seulement. J'entrevois dans cette brousse bretonne quelques pommiers. J'apprends qu'autrefois, le terrain était couvert par un verger. A regarder de plus près La Rouge de Boskoop, le Pigeonné d'Armor, la Drap d'or ou encore la Rouge de Kersanton,  fleurissent discrètement derrière les murs de ronce. 
Le cormier mal mené
Une amie me signale également la présence d'un cerisier et d'un cormier. Le cormier est un arbre qui donne des petits fruits appelés "cormes", ressemblant à des poires. De plus en plus rare, il mérite notre attention. L'examen du dernier de Lindouar atteste d'une plaie béante sur l'épiderme du tronc. Dans un premier temps, je ne n'y prête guère attention car les marques d'un saccage récent me frappent : plusieurs arbres, dont peut-être des cormiers, mais plus certainement des pommiers, entassés pèle-mêle, exposent leur chevelure dépourvue de vitalité. Renseignements pris, le terrain en question devait revenir à des serristes pour y mettre du bétail à paître. Ignorants et incommodés par la présence d'arbres, les conducteurs d'engins ont congédié des Êtres Généreux, uniques sur ce lopin de terre. 

De l'infortuné sort réservé au sol endormi, surgira une olympiade verte. Seul le pas labourera la croûte vermicelle. A l'orée d'un désert breton, se niche déjà le Jardin baroque de Lindouar.  

Mais, en soi, c'est déjà une petite victoire : ralentir, voire contrarier, l'essor cannibale de destructeurs de la Nature, m'encourage à défricher durant l'été, seul avec une serpe, 500 m2 de verdure hostile. Plus tard, des chèvres m'aideront à contenir et à éloigner les ronces du jardin.  

Quand on commence à comprendre que le Tout nous emmène à rien : je m'exile dans un pays de ronces et de fougères pour découvrir un nouveau paysage. Défricher des figurines en feutrine ou cloutées de griffes.

Autre aspect du retour à l'entretien des terres : la dépollution du site. Même partielle, mon intervention permet de retirer du sol le plastique noir, utilisé naguère pour les cultures de fraises. Ce secteur de la commune n'échappe pas au phénomène observé ailleurs, le délitement en particule.
Que vais-je faire maintenant de ce lieu ? Quand bien même j'ai choisi de créer une entreprise agricole individuelle, je me lance dans la production de légumes sans les connaissances adéquates pour satisfaire au statut de maraîcher. En atteste la confusion que je fais entre une variété de fraises qui se nomme "Madame Moutot", que je teste déjà sur une petite butte, et cette Madame que je pense être productrice d'une variété de fraises ! Toujours est-il que progressivement les planches se tracent à la grelinette et s'engloutissent sous les couches successives d'engrais verts, de goémon, et de fumier bio. Grâce au soutien d'amies, le plan de culture s'affine et liste une première sélection de légumes. Situés au PLU en zone NS (Nature Sensible), cette classification au cadastre n'admet pas l'implantation de tunnels. De toute façon, ce n'est pas l'option que je projette pour héberger les variétés de tomate et autres semences de poivron et de concombre. Des pneus devront réchauffer les graines de courge à la réputation capricieuse. Au seuil de l'hiver, les buttes seront alignées, boursouflées par un millefeuille azoté et carboné, selon la méthode en lasagne : un sous bassement de branche et de tronc, asphyxié par du copeau, puis du goémon, puis encore un mélange de tonte et de feuilles, du fumier,... De nouveau du goémon, etc, etc, tout en prenant soin de finir de napper la butte par une capsule de terre. Le but réside à maximiser l'usage d'éléments végétaux présents sur place.
En vérité, même si le travail de préparation du sol semble primordial, avant de pouvoir répondre à la question récurrente : "Comment vas-tu commercialiser les produits ?" Je me garderai bien d'émettre un pronostic précis, à défaut de campagnes antérieures, sur les rendements escomptés. Je prends les évènements comme ils viennent, avec humilité, sans m'inquiéter du sort que me réservent les insectes gloutons, les limaces assassines et les maladies cryptogamiques. Je peux néanmoins prévoir sur 3 ans, des circuits diversifiés de vente : démarrer par des paniers pour une vingtaine de foyers, proposer une cueillette au kilo et en libre service pour les visiteurs, fournir des restaurateurs ou pourquoi pas s'installer pour un marché hebdomadaire à l'entrée du camping de St Jean durant la période estivale. Je ferai alors déguster ceux que je baptise d'ores et déjà : "les Chuloded* à dédé".
Et le bio dans tout ça ? Le fameux label AB. Sans remettre en cause le rôle des acteurs de la bio qui est d'assurer aux consommateurs un approvisionnement sain et respectueux de l'environnement, je préfère promouvoir la transparence à la traçabilité, je préfère l'engagement militant que la certification de plus en plus productiviste, provenant d'une industrie, putain du capitalisme. En attendant de pouvoir offrir toutes les garanties décrites dans leur charte, je me range du côté de l'indépendance de Nature et Progrès. D'ailleurs, cela sonnait chez moi presque comme une évidence, naturellement. 
Je vais à mon rythme, bien décidé à transformer l'ensemble du lieu sur les 2 prochaines années. J'encourage vivement une personne à me rejoindre, non pas trop pour soulager les courbatures de mon dos mais plus pour rendre hommage à la fraternité socialiste.

*Chuloded : nom donné à ceux de Plougastel qui se sont enrichis, d'abord par les fraises, puis dans l'immobilier,...accompagné d'un slogan ça pourrait donner :  "Mangez du chulod, c'est riche, c'est sain, c'est dépuratif. C'est mieux pour la Planète".

samedi 5 novembre 2016

Dépôt sauvage de serristes : ça se resserre

Afin de garantir un certain anonymat les noms ont été modifiés
A la suite des plaintes déposées contre x par l'association "A quoi ça serre", au sujet des dépôts sauvages agro-industriels, s'appuyant sur de nombreuses preuves, filmées ou photographiées, le Procureur de Brest a ouvert une enquête sur la situation des pollutions situées sur la route de roc'hannou à Plougastel-Daoulas. Les éléments ont été confiés à la gendarmerie et le contrevenant a été identifié. 
Avant de revenir sur ce dossier, je ferai une longue parenthèse concernant l'intervention des gendarmes : nous ne sommes pas à St Tropez mais pas loin... on m'avait prévenu : "N'attends rien des gendarmes sur l'environnement". Effectivement, le trait n'est pas tiré.
Après avoir reçu le message quasi incompréhensible de l'enquêteur, je me présente à la gendarmerie de Plougastel. Un agent sur place me remet le numéro de téléphone de Plougastel et me fait savoir que le gendarme Le Jeune est en poste à Daoulas. Si je veux le joindre je dois appeler à ce numéro et Plougastel transférera l'appel vers lui. Le gendarme me demande de communiquer mon n° de portable. Je lui signifie que Le Jeune a déjà mon portable puisqu'il a laissé un message. Ce n'est pas grave, je m'exécute. Sauf que l'interlocuteur suivant, un brin énervé, me fait savoir qu'il n'a pas de temps et que de toute façon cette procédure est inadéquate, "Donnez moi votre n° portable !". Non... Mais... Bon ce n'est pas grave... J'ai en vain attendu l'appel de Le Jeune qui n'est jamais venu.
Hier, Vendredi, je repère le véhicule du policier municipal en stationnement près de la mairie. J'ai un peu de temps, je m'arrête, sans avoir de rendez-vous. Alors que je l'aperçois assis derrière son bureau, je capte la teneur des échanges téléphoniques et comprends très vite qu'il parle avec un serriste ! Incroyable : il s'agit de Mathurin Le Franc, le dépositaire des tas d’immondice. Les échanges sont intéressants. Le policier argumente son appel : obligation de traitement des déchets, pollution par les effluents, responsabilité engagée du propriétaire du terrain, rappel de la charte Saveol,... Sur ce dernier point, le serriste donne l'impression de découvrir ses obligations, à savoir que le serriste peut épandre les résidus de production, à condition que les déchets soient broyés et enfouis dans les 24h.
Ici, la pollution est une infraction relevant du Règlement Sanitaire Départemental. Mr Le Franc assure qu'il interviendra dans les 15 jours pour retirer les déchets et que cela ne se reproduira pas. Pour autant, la gendarmerie devra le convoquer afin de l'entendre. Il aura plus de chance que moi... Au fait, des gendarmes se sont déplacés et n'ont pas trouvé les terrains concernés. J'ai cru comprendre qu'ils n'étaient pas très contents... Ils n'avaient peut être pas mon numéro de portable pour que je les accompagne ? Un gendarme FREE (Formateur Relais Enquêteur Environnement) de Landerneau estimerait que ces dépôts ne sont pas illégaux. Ce qui me fait réagir : la formation du FREE ne doit pas être complète !
En tout état de cause, l'intervention d'"A quoi ça serre" se justifie pleinement quand la justice, lorsqu'elle se saisit des dossiers sur l'environnement, légalise nos requêtes. A mes yeux c'est une étape importante car maintenant notre action est reconnue légitime !
La mobilisation et la patience sont payantes. Il reste des demandes en cours. Je finirai bien par rencontrer le gendarme Le Jeune, je pense qu'il n'a pas égaré mon numéro de portable.