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mercredi 22 janvier 2020

Ecrire est une malédiction

Ecrire est une malédiction. S'il s'agissait juste d'une maladie virale, passagère, contrainte par les phénomènes de saisons à nous plier juste le temps de son fardeau, il y aurait des remèdes. 
Non, écrire d'abord c'est déloyal. Parce que déjà, les vôtres, ceux de votre niveau social, ne vous regardent plus comme l'un des leurs et que votre mère aimante ne vous comprend pas. Elle a pourtant chaussé ses lunettes, pris une respiration, se rappelle de son certificat d'études avec un français scolaire parfait, elle ne vous comprend décidément pas. Elle tente pourtant, elle aimerait soulager son fils, savoir ce qui le tourmente, et dans un dernier soupir désabusé, elle abdique : "Mais où vas-tu trouver tout ça ?". 
Chez nous autres, en lieu et place du stylo et de la phrase c'est la truelle ou un rouleau qui s'agitent dans les cerveaux. On ne peut pas échapper à sa condition de travail manuel, on ne bâtit pas sa vie avec des mots. Des mots étranges, étrangers même. Des mots griffés, mal aimés, même. Des mots qui contestent et de rage ! Des mots salis et des mots bleus. On préfère les mots de tous les jours qui parlent du temps, des faits divers, du dernier-né et des loisirs. Ils sont plus simples car on ne les écrit plus ou alors dans des hiéroglyphes sans syllabes, sans queue ni tête. 
A force, ils ne vous lisent plus, si tant est qu'ils aient voulu le faire. C'est d'un ennui ! C'est impossible à lire. C'est inutile. Vous emmerdez presque ! On ne se nourrit pas avec des mots, les mots ne remplissent pas le réfrigérateur ou le garage, non, on n'échappe pas à sa condition natale. On s'en extirpe, c'est tout. Ou alors il ne vous reste rien. Et tout comme ces mots, qui ne servent à rien, démuni, sans truelle ni rouleau, vous finissez comme eux, sans rien car vous n'avez pas appris à faire autre chose de vos mains et que l'ouvrage cimenté de vos mots n'a pas trouvé des anonymes pour donner du sens à leur bien-fondé. Combien sont morts dans les mots sourds des réfractaires ? Miséreux avant d'être misérables, ensevelis avant d'être enterrés. Et même, des brillants comme Armand Robin, Milig ar Skañv ou André Laude qu'il faut s'empresser de découvrir pour couvrir le malentendu qui suit. 
Ecrire est une malédiction, car l'écriture est doublement subversive. Elle ne coule pas de sources officielles ni du conformisme pompeux mais bien d'un cheminement individuel qui défie l'autorité des esthètes du mot. Il faut lire la définition donnée par le Larousse du mot "subversion" pour le croire. Subversion : "qui vise à saper les valeurs et les institutions établies".  La prouesse académique est l'unique rempart au style hasardeux de ceux qui voudraient en découdre avec les penseurs institutionnalisés. Est-ce en cela qu'ils sont Immortels ? De préférence, il vaut mieux se retrouver sur les barricades pour savoir ce que le mot VIVRE veut dire !
Ils n'ont que faire de votre verbiage d'autodidacte et de dissident. Il faut être Agrégé des lettres ou philosophe comme Luc Ferry pour s'allonger au Panthéon, ou bien être opportunistes, savoir renifler comme des hyènes l'air du temps, ce qui revient au même pour Luc Ferry ! Parce que pour percer il faut être corrompu ! Auprès des réseaux confessionnels, auprès du législateur qui subventionne, auprès des Maisons d'éditions pour fournir une littérature qui rapporte, surtout dans des séries de rose et de noir, avec des auteurs de tête de gondole et de plateaux télé. Ils n'ont que faire de vos guenilles littéraires qui empestent la liberté d'exprimer une autre vision, éclairée par une autre poésie dite sulfureuse. La leur suffit à la civilisation. car ils SONT la civilisation et tiennent à le rester. Ils se fichent au bas mot de votre existence de masse et se fourvoient dans le verbe haut ! L'écriture est doublement subversive car elle sert à signaler l'inavouable, le délit, l'atteinte à la nature. Elle rappelle ô combien, il faut se faire violence pour décrire la rudesse humaine et ses anomalies sociales. 
Enfin écrire est une malédiction car les mots sont empreints de désamours et de dépit supplétif. Ce sont des ancolies transgressives, baignant dans une eau pourtant fortifiée, mais qui fanent en râlant et finissent en poussières sur le rebord de la souffrance. Ce sont les feuilles d'un arbre. Assoiffées, pleines d'encre de juillet, aussitôt rabougries sur un linceul brunâtre en novembre. Ecrire, encore une fois, ça comble l'ennui du jour, et l'absence des nuits.

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