Vous voulez de l'info ? Suivez l'Abeillaud !

Vous voulez de l'info ? Suivez l'Abeillaud !

vendredi 24 janvier 2020

Maasaï et autres massacres du vivant

Qu'il est difficile de débuter un article en évoquant un massacre ! Et même si cette fois-ci il ne s'agit, ni plus ni moins, d'un animal qui n'est autre que l'humain. Qu'il est douloureux de ne pouvoir s'y soustraire. Car enfin, qu'est ce qui caractérise, anthropologiquement décrit, le mieux notre diversité ethnique, culturelle, originelle si ce n'est que nous avons les mêmes structures génétiques, les mêmes organes vitaux, les mêmes facultés à s'émouvoir et que, malgré cela ou grâce à cela, l'espèce humaine a défié toute logique d'adaptabilité dans cette "Nation-Monde" à disposer d'une ingéniosité remarquable à faire corps avec la nature, étant elle-même un élément intrinsèque et manifeste de cette nature, telle qu'elle se comporte en fonction de sa latitude terrestre et de l'influence de forces physiques et imperceptibles.
Bidonville de Nairobi
N'en déplaise aux vegans ou anti-spéciste mais comment peut-on remettre en cause, ou en péril, le mode de vie des Massaï ou des peuples indigènes d'Amazonie, basé, pour les premiers sur l'élevage pastoral et sur une consommation riche en viande et de sang, et pour les seconds sur la chasse de petite mammifères, partant du principe que l'espèce humaine dominerait l'ensemble de la chaîne alimentaire ? Et même s'il faut condamner les éleveurs industriels et les souffrances animales liées à leur modèle économique capitaliste, il serait bien restrictif de croire que ces peuplades ont les mêmes desseins !  Il est certainement indéniable que leur civilisation antédiluvienne a un effet bénéfique sur leur biotope pour n'évoquer que les Maasaï. Il n'y a qu'à prendre comme exemple la cohabitation de leur bétail domestique et de la faune sauvage, car quand l'un broute une certaine végétation, celle qui subsiste est accessible et réservée à l'autre. C'est cela que l'humanité dite "civilisée" est en train de détruire. Après tout, attirés comme les autres par notre modèle de consommation, il est certain qu'il vaut mieux les voir être dépossédés de leur territoire pour accueillir des touristes avides de "grands espaces sauvages", les poches remplies de dollars US, et pour les plus désillusionnés, qu'ils finissent dans un bidonville de Nairobi ! Car oui, les peuples indigènes ou peuples premiers, on les nommera comme on veut, en tout cas, ceux qui survivent dans des traditions séculaires en lien avec leur environnement, sont en danger ! Ils sont pourtant la mémoire de l'Humanité toute entière et par extrapolation de la Nature elle-même. Loin de faire dans l'angélisme paralysant, ils sont imparfaits, avec des rites qu'il convient de décrier, certes, mais ce n'est pas pire que certaines des déviances terribles constatées dans nos sociétés (viol, pédophilie, etc, etc). Les politiques (ENFIN) sous la pression d'une partie de la société civile et de ses ramifications militantes ou judiciaires, commencent à prendre en considération la détresse des femmes violentées, la pédophilie de curés, d'une élite pervertie et de l'inceste des médiocres. Qu'en est-il alors de nos capacités à nous mobiliser quand une part de l'humanité, donc de la nature, vient à être contestée ? Est-il suffisant d'être offusqués par la déportation, sciemment orchestrée, des Maasaï ou de signer une pétition pour demander l'arrêt de la déforestation en Amazonie, pour que le sort des indigènes que l'on assassine change ? Que l'on soit Vegan ou pas, l'une comme l'autre des réactions s'apparentent à de la résignation, et voient mourir les siens par leur seule détermination à sauver notre nature.  
On nous expliquera que les Etats et la gouvernance mondialisée, telle que l'ONU, ne peuvent s'immiscer dans des affaires intérieures de pays comme le Brésil ou le Kenya, soulageant pourtant leurs bienveillances hypocrites dans des réceptions médiatisées. On oublierait de préciser que la justice de l'humain pour l'humain, au niveau international, primerait sur les politiques intérieures de pays, dès que ces Etats bafouent le droit de la Nature. Il reste donc à inventer ces droits supranationaux et qu'il faut qu'à chaque fois qu'une société humaine est menacée, qualifier cette menace de "Crime contre la Nature" !
Pour répondre, à l'abomination du nazisme, ou de génocides sanglants, perpétrés sur différents continents, à différentes époques, qu'ils soient ethniques ou politiques (Cambodge, Bosnie, Rwanda...), et même si elle ne prend pas en compte l'antériorité de massacres d’Amérindiens, par exemple, car instauré par des Institutions supranationales après la seconde guerre mondiale parce que guidée par l’impérialisme américain, la juridiction pénale internationale a défini ces horreurs de "Crime contre l'humanité" et non de "Crime contre la nature", embourbée dans une domination en lien avec la gérontocratie. A l'instar d'actes de terrorismes, commis par des fanatiques religieux, mobilisant militairement, et parce que la communauté internationale l'a aussi engendré, la nature ne peut plus être la variable géopolitique des compassions diplomatiques feintes et de protocoles avec des effets supposés réversibles. Sinon nous verrons s'éteindre des histoires naturelles, en nous indignant impuissant devant notre ordinateur. 
Il est à craindre que nous ne soyons pas globalement préparés, car tout comme nous avons montré notre impuissance à juguler l'apparition de génocidaires, il en sera de même pour nos semblables. 

A lire sur les Maasaï, de Xavier Péron: 
- "Maasaïtis"
- "Je suis un Maasaï"
- "Retour à la vie"
- "L'Etre à voir" avec la collaboration de Marc Bernol

mercredi 22 janvier 2020

Ecrire est une malédiction

Ecrire est une malédiction. S'il s'agissait juste d'une maladie virale, passagère, contrainte par les phénomènes de saisons à nous plier juste le temps de son fardeau, il y aurait des remèdes. 
Non, écrire d'abord c'est déloyal. Parce que déjà, les vôtres, ceux de votre niveau social, ne vous regardent plus comme l'un des leurs et que votre mère aimante ne vous comprend pas. Elle a pourtant chaussé ses lunettes, pris une respiration, se rappelle de son certificat d'études avec un français scolaire parfait, elle ne vous comprend décidément pas. Elle tente pourtant, elle aimerait soulager son fils, savoir ce qui le tourmente, et dans un dernier soupir désabusé, elle abdique : "Mais où vas-tu trouver tout ça ?". 
Chez nous autres, en lieu et place du stylo et de la phrase c'est la truelle ou un rouleau qui s'agitent dans les cerveaux. On ne peut pas échapper à sa condition de travail manuel, on ne bâtit pas sa vie avec des mots. Des mots étranges, étrangers même. Des mots griffés, mal aimés, même. Des mots qui contestent et de rage ! Des mots salis et des mots bleus. On préfère les mots de tous les jours qui parlent du temps, des faits divers, du dernier-né et des loisirs. Ils sont plus simples car on ne les écrit plus ou alors dans des hiéroglyphes sans syllabes, sans queue ni tête. 
A force, ils ne vous lisent plus, si tant est qu'ils aient voulu le faire. C'est d'un ennui ! C'est impossible à lire. C'est inutile. Vous emmerdez presque ! On ne se nourrit pas avec des mots, les mots ne remplissent pas le réfrigérateur ou le garage, non, on n'échappe pas à sa condition natale. On s'en extirpe, c'est tout. Ou alors il ne vous reste rien. Et tout comme ces mots, qui ne servent à rien, démuni, sans truelle ni rouleau, vous finissez comme eux, sans rien car vous n'avez pas appris à faire autre chose de vos mains et que l'ouvrage cimenté de vos mots n'a pas trouvé des anonymes pour donner du sens à leur bien-fondé. Combien sont morts dans les mots sourds des réfractaires ? Miséreux avant d'être misérables, ensevelis avant d'être enterrés. Et même, des brillants comme Armand Robin, Milig ar Skañv ou André Laude qu'il faut s'empresser de découvrir pour couvrir le malentendu qui suit. 
Ecrire est une malédiction, car l'écriture est doublement subversive. Elle ne coule pas de sources officielles ni du conformisme pompeux mais bien d'un cheminement individuel qui défie l'autorité des esthètes du mot. Il faut lire la définition donnée par le Larousse du mot "subversion" pour le croire. Subversion : "qui vise à saper les valeurs et les institutions établies".  La prouesse académique est l'unique rempart au style hasardeux de ceux qui voudraient en découdre avec les penseurs institutionnalisés. Est-ce en cela qu'ils sont Immortels ? De préférence, il vaut mieux se retrouver sur les barricades pour savoir ce que le mot VIVRE veut dire !
Ils n'ont que faire de votre verbiage d'autodidacte et de dissident. Il faut être Agrégé des lettres ou philosophe comme Luc Ferry pour s'allonger au Panthéon, ou bien être opportunistes, savoir renifler comme des hyènes l'air du temps, ce qui revient au même pour Luc Ferry ! Parce que pour percer il faut être corrompu ! Auprès des réseaux confessionnels, auprès du législateur qui subventionne, auprès des Maisons d'éditions pour fournir une littérature qui rapporte, surtout dans des séries de rose et de noir, avec des auteurs de tête de gondole et de plateaux télé. Ils n'ont que faire de vos guenilles littéraires qui empestent la liberté d'exprimer une autre vision, éclairée par une autre poésie dite sulfureuse. La leur suffit à la civilisation. car ils SONT la civilisation et tiennent à le rester. Ils se fichent au bas mot de votre existence de masse et se fourvoient dans le verbe haut ! L'écriture est doublement subversive car elle sert à signaler l'inavouable, le délit, l'atteinte à la nature. Elle rappelle ô combien, il faut se faire violence pour décrire la rudesse humaine et ses anomalies sociales. 
Enfin écrire est une malédiction car les mots sont empreints de désamours et de dépit supplétif. Ce sont des ancolies transgressives, baignant dans une eau pourtant fortifiée, mais qui fanent en râlant et finissent en poussières sur le rebord de la souffrance. Ce sont les feuilles d'un arbre. Assoiffées, pleines d'encre de juillet, aussitôt rabougries sur un linceul brunâtre en novembre. Ecrire, encore une fois, ça comble l'ennui du jour, et l'absence des nuits.

mardi 14 janvier 2020

Un serriste condamné, ça ne suffit pas

"Un serriste de Plougastel-Daoulas (tomates) a été condamné, ce mardi, par le tribunal correctionnel de Brest, pour abandon et dépôt illégal de déchets sur sa commune. Agissant après un signalement, l’association « À quoi ça serre » avait porté plainte contre X.
Les faits auraient été commis du 15 mars au 14 décembre 2016. Les enquêteurs ont constaté la présence de déchets verts issus de la production et de divers matériaux plastiques abandonnés. Le tribunal a prononcé la culpabilité du producteur, qui dispose d’un délai de douze mois pour faire évacuer les déchets et remettre en état le site. Il devra symboliquement verser un euro à l’association à l’origine de la plainte." Le Télégramme, le 14.01.20
Cet extrait du quotidien régional est loin de relater une réalité écologique bien plus impactée par les fameux "enjeux économiques". Il faut bien prendre conscience que ces comportements ne sont pas inédits et ce serait une erreur de vouloir isoler un contrevenant indéniable, à des fins de stigmatisation. Tels ne sont pas les objectifs de l'association "A quoi ça serre". La Justice a pris une décision qui, ENFIN, souligne à la fois, le caractère incontestable de pratiques industrielles délictueuses mais également fait passer les actions de l'association de stade de légitimes à légales
Pour autant, elle ne doit pas rester exceptionnelle. Car ignorer en sus la part de responsabilités des coopératives ferait de cette condamnation un coup d'épée dans l'eau. Comment alors ne pas citer l'emblématique SAVEOL, dont plusieurs de ses adhérents se retrouvent dans le même cas de figure, avec des proportions variables selon les situations d'abandon de déchets industriels.
Il serait probable que le serriste incriminé fasse appel de cette décision de justice, afin surement de gagner du temps et d'élaborer un plan d'évacuation auprès d'un bureau d'études. Soit. Mais sans faire dans le triomphalisme, la condamnation est historique et actée. En revanche, ce qui est à prendre en compte dès à présent, est que l'association sur les prochains dossiers examinés en justice ne se contentera pas de l'euro symbolique. Il appartient à ces pollueurs de se conformer à leurs obligations de traitement de leurs effluents et de recyclage des déchets industriels. Il faudra donc compter sur "A quoi ça serre" pour les contraindre financièrement à rendre tangibles les dommages qu'ils occasionnent sur l'environnement.
N'oublions pas de souligner avec insistance l'absentéisme complaisant des collectivités locales et des administrations rattachées à l'écologie urbaine de BMO, munies pourtant de personnel rémunéré par les contribuables, laissant une seule association locale de protection de l'environnement, faire leur travail sur ces dérives industrielles, dans un certain dénuement et à cet égard dans un certain mépris.



Municipales à Plougastel, les candidats attendus sur l'environnement

Elections municipales de 2020 – Plougastel-Daoulas

Les membres de l’association « A quoi ça serre » profitent des prochaines échéances électorales pour interpeller les différentes listes constituées sur les volets environnementaux et de santé publique.
Les questions ci-dessous sont en lien avec des préoccupations relevées par l’association, qui paraissent essentielles pour affirmer être véritablement engagé sur la voie du respect dû à l’environnement et sur celle d’un contrôle des nuisances.

Le questionnaire sera délivré dans le courant de la semaine 03 aux listes annoncées et menées par :
- Dominique Cap
- David Moan
- Gilles Grall
- Stéphane Péron

La restitution est réclamée sur papier libre pour la semaine 08 avec un retour du questionnaire par courrier ou directement au siège social de l’association, à savoir : Astérie, avel vor – Rue de la fontaine Blanche – Plougastel-Daoulas. « A quoi ça serre » communiquera ensuite, sur tous les supports d’informations à sa disposition, les réponses ou l’absence de participation des candidats en lice.


Abandon bâches plastiques agricoles
Constat. Pendant plusieurs décennies, Plougastel a profité de la production pleine-terre de fraises pour à la fois asseoir une économie agricole et exporter l’image d’une particularité locale qui fait la fierté de ses habitants. L'essor de cette production  a été accompagné de l'usage massif de films plastiques agricoles. A défaut d'une filière de recyclage organisée, les producteurs n'avaient d'autres choix que de brûler leur plastique sur place ou pire, de les abandonner dans les talus ou sur les bords de rivage. Ces gestes répétés se traduisent dorénavant par une pollution diffuse, généralisée à toute la presqu'île, déclenchant une calamité écologique du fait principalement du délitement du plastique qui se confond de façon inesthétique dans le paysage.

Des volontaires chez les candidats pour le ramassage de ces déchets ?
Question. Quelles mesures pourriez vous prendre pour mettre en application la méthodologie avancée dans le cadre de la gestion du passé, définie au sein des grands principes des démarches de gestion (extraits des textes du 11 avril 2011, mis à jour en mai 2014) qui reconnaît que « la maîtrise des sources de pollution est fondamentale car elle participe à la démarche globale d’amélioration continue des milieux » que « lorsque une pollution est identifiée la priorité consiste à extraire les pollutions » qu’un plan de gestion intégrant les obligations de « nettoyage des milieux pollués » doit être mis en place pour « traiter les sources et dépolluer les milieux » ?

Installation des compteurs linky
Constat. A juste titre, l'installation des compteurs linky, s'accompagne d'une certaine inquiétude auprès des habitants. Le déploiement des compteurs à Plougastel débutent véritablement en 2020. Outre l'application d'une directive européenne à géométrie variable d'un pays à l'autre, la pose des compteurs peut provoquer chez certaine personnes des désagréments majeurs à cause d'une exposition à un environnement électromagnétique saturé. De surcroît se pose la question de l'utilisation potentielle des données récoltées par Enedis. 

Question. Quelle attitude allez-vous adopter si vous vous retrouvez en fonction durant cette première année de mandat afin de répondre à l’inquiétude des habitants ?

Assainissement
Constat. Les programmes passés pour les élections municipales entraînent sont florilèges de propositions pour freiner ou éradiquer le rejet dans la nature et dans la rade de Brest, des eaux grises ou des eaux usées. Du fait d'une géographie particulière en presqu’île et d'un morcellement de l'habitat, l'Assainissement Non Collectif (ANC)  a été généralisé, entraînant des installations privées qui sont aujourd'hui hors normes, inefficaces voire défectueuses. De nombreuses collectivités, Communauté de commues, communes rurales, ont opté pour des stations en phyto-assainissement avec des résultats encourageants quant à la maîtrise des rejets d'effluents domestiques.

Question. Pensez-vous que la commune pourrait expérimenter à l’échelle de villages ou hameaux ce type d'installation soit en phyto-épuration, soit par un système de lagunage ?

Industrialisation de la presqu'île
Constat. Imperméabilisation artificielle des sols, extension des surfaces de production, intensification de passage de poids lourds dans les villages, infrastructure industrielle énergivore, avec un impact direct et préjudiciable sur l'environnement, la production hors-sol sous serres, n'est pas sans conséquences sur la vie au quotidien des habitants et sur le milieu naturel.

Question. Pensez-vous qu'il soit justifié d'implanter de façon aussi prégnante une telle activité à la campagne ? Est ce que ces installations ne devraient pas être cantonnées à des zones spécifiques ?

Transparence administrative
Constat. A quoi ça serre est confrontée à l'opposition de l'équipe municipale actuelle, et dans une proportion quasi égale, de la Communauté de communes, pour accéder à des documents administratifs, consultables par tout à chacun selon des règles bien établies.
L'obtention de permis à construire s'apparentent parfois à des conflits d'intérêts, les travaux d'aménagements industriels et urbains peuvent être litigieux, l'opacité dans certaines décisions communales défie les règles environnementales et en premier lieu la loi littoral.


Question. Quelles garanties pourriez-vous apporter quant à la transparence sur les données administratives et notamment sur l’obligation faite de ne rien dissimuler ?

jeudi 9 janvier 2020

Quel avenir pour cet enfant en 2050

Cet enfant, c'est mon garçon, le dernier d'une fratrie, né Breton en 2010. Cet enfant pourrait être le vôtre. Je suppose que comme tout parent, je fais de mon mieux, et même dans mes erreurs, pour l'accompagner dans la vie, protéger voire défendre la sienne,  l'élever selon quelques règles établies, et surtout, pour lui faire rappeler à quel point je l'aime. Il a 10 ans ce mois-ci et c'est une douceur pour moi de penser qu'il est bien sa peau. 
Comme tout parent, je lui envisage un avenir meilleur que le mien, ce qui en l'occurrence ne saurait être inaccessible. Quand j'entends par meilleur, ce n'est pas forcément dans le sens commun qui qualifie de "meilleur" tous ceux et celles qui veulent faire de leurs enfants, élevés dans le mythe de la réussite et de la compétition, des enfants champions de la carrière professionnelle et des placements au CAC 40. Je lui envisage un avenir où il évoluerait dans un environnement protégé qu'il pourrait choisir en s'extirpant de la recherche à tout crin, du réconfort matérialiste. Mais ça, ce sera à lui aussi de choisir. Pour ma part je priorise le maintien d'un environnement tenable au détriment d'une hypothétique réussite professionnelle, car il est de ma responsabilité de parent de protéger cet enfant; au fond, pourquoi vouloir le projeter dans une vie d'accumulation de biens et/ou de richesses, si son environnement se trouve saturé par le carbone et les particules fines ? Par contre ce qu'il ne peut pas choisir et qu'il devra subir inéluctablement est la modification engagée et accélérée du milieu dans lequel il grandira. 
A ce stade, il est reconnu par une multitude de publications scientifiques indépendantes que le dérèglement climatique est entamé. Il est avéré, et même visible que nous assistons à l'extinction en masse d'espèces animales (les derniers méga-incendies australiens auraient asphyxié plus de 500 millions d'animaux (!), sans compter la disparition d'une myriade d'insectes). Contrairement à ce que l'on entend encore parmi les commentateurs : on ne va pas à la catastrophe, on y est déjà ! Ça viendrait à considérer sinon, que l'effondrement de la biodiversité serait détaché de notre mode de vie, ce qui en vérité n'est malheureusement que son corollaire. Comme le rappelle une devise pleine de bon sens qu'il revient d'appliquer : " Nous ne défendons pas la nature, nous sommes la nature qui se défend", à force d'agressions et d'exploitations. 
Certains prédisent que "la fin du monde" est éminente. Pas dans 1 siècle ou deux mais à peine dans une ou deux décennies. De quel monde s'agit-il ? De notre civilisation "thermo-fossilisée", bien entendu, et de celui de mon enfant. Qui sont ces affreux jojos, ces prophètes de malheur qui mettent en pointillé l'existence précieuse de cet enfant ? En France, on les retrouve essentiellement au sein de l'Institut Momentum. Il est consacré, en autre, à la décroissance et à la collapsologie. 
Rassemblement en 2004 contre le projet d'une centrale à gaz - Landivisiau- Stop aux projets inutiles et imposés

Je vous arrête tout de suite ! Déjà que le correcteur orthographique du blogger n'identifie pas ce mot, j'ai bien peur que mon fils le confonde avec un terme lié au pipi/caca ! Il m'est donc inenvisageable de lui expliquer les caractéristiques précises de ces phénomènes. Oui parce qu'il faudrait lui apprendre que, à l'horizon 2050, la catastrophe "éco-anthropologique", dans une société "post-carbone" va le priver, d'après Yves Cochet (ancien ministre de l'environnement), des besoins de bases (eau, alimentation, habillement, logement, énergie, etc, etc). Aïe ! Plus de cola ni de bonbons, plus de sweat à marque, ni d'électricité pour jouer à fornite !
Parmi les autres hurluberlus de son espèce, on peut citer aussi Pablo Servigne (agronome), Raphaël Stevens (agronome), Agnès Sinaï (enseignante à sciences po). Des diplômés avec une très bonne qualification. Serait-ce alors à reconsidérer leur état : font-ils dans la spiritualité et l'incantation prophétique comme voudraient les enfermer certains ou bien, et en plus, posent-ils un regard éclairé et constructif sur une situation prospective ?
Encore une fois s'impose la question de l'inertie et la duplicité des politiques. Car quand bien même nous identifions la cause à cet emballement infernal, qui n'a pas d'autre nom que le capitalisme, ce sont bien aux décideurs de favoriser un monde où nos enfants puissent être protégés. Et s'ils ne le font pas, c'est aux parents de montrer à leurs enfants qu'un autre monde est possible. 
Nous savons bien que les politiques se prémunissant dans des variables d'ajustements, heurtées à l'inefficacité de leurs mesures emphatiques (irrespect des accords de la Cop 21 sur la diminution du rejet de gaz à effet de serre, augmentation des ventes de produits phytosanitaires, diminution de la biodiversité,...) se contentent d’adaptabilités indéterminées, au lieu de s'exercer à l'anticipation conjoncturelle dans la gestion des risques.
Après tout, l'Etat ne voyait-il dans la famille un "petit état" ? A l'évidence, je suis bien plus inspiré d'anticiper un monde dans lequel mon fils devra évoluer car cela lui permettrait d'avoir les outils et les connaissances pour s'adapter. Je pense que la transmission de savoirs philosophiques (exemple la permaculture) est bien plus adaptée que de conseils en placement financier.
Aurélien Barrau (astrophysicien), un autre affreux personnage, pense que nous sommes dans un "état d'hébétude". Je crois, indépendamment de sa vision éclairée sur l'état du monde, que nous n'y sommes pas encore. De son côté, Glenn Albrecht, philosophe australien, avance l'idée d'un stress pré-traumatique nommé la "solastalgie". Là encore je vais me contenter de digérer tout ça, faire barrage et laisser du temps à mon enfant pour jouer aux billes ou regarder des vidéos "youtube" de fornite. Il aura suffisamment d'années par la suite, quand je ne serai plus là, pour supporter tout ça et s'en sortir comme il pourra.
Photo : Antony Rouxel

lundi 6 janvier 2020

Au revers de la fougeraie

Tapie dans la mousse gorgée d’humidité péninsulaire, la fougère des chênes jouit de l’aire de Bretagne pour satisfaire la souche épaisse de ses rhizomes qui s’immiscent au pied de ces mastodontes séculaires. Bien peu sont ses sœurs qui se hasarderaient dans l’Armorique diluvienne pour s’enraciner dans une proximité aussi massive. Cependant, semblable à un envahisseur déployant sa crosse, Dryopteris aemula tient à honorer de ses frondes la famille dont elle porte le nom, les Filicinées.
Dryopteris aemula
Venir se frotter à l’écorce du puissant, revêt une toute autre manœuvre pour la fougère : si le polypode impétueux dévoile avec si peu de pudeur ses prothalles c’est, prétendument, dans la seule présomption d’égaler le chêne pédonculé, faire de lui un émule devant ses premières émulsions en forme de triangle. A défaut de floraison et d’abeilles pour la courtiser, ce subterfuge de flagornerie se conçoit, « S'il n'y a pas de rival, l'amour languit » louait Ovide.
En tout état de cause, l’apparence gracile du pétiole de  pteris se prête plus à une parade, afin qu’aucun infortuné ne se dresse devant elle. A ce stade, rien ne l’obligera à s’astreindre de sa lubie invasive. Attendri, l'arbre ne peut que se soumettre à cette effervescence en arborescence. Dès lors, sous la chape bienveillante de la chênaie, la fougère peut dérouler, sans flétrissure, sa tige grêle, croissant au rythme de la préfoliaison circinée.
Force est de constater que la fougère en impose dans l’originalité quand il s’agit de faire valoir son mode de reproduction pour fructifier la fougeraie. Sur la face cachée des segments fixés au rachis, au revers des feuilles pennées, éclot une excroissance, un amas de sphères, les Sores. Ces citadelles amoncelées, embastillées de tâches abandonnées à l’inclusion, ou, accouplées selon une science suivant la sinuosité du segment, abritent des granules ou sporanges qui, à leur tour, protègent un peuple orgasmique unicellulaire, les spores. Les sporanges, sensibles à la variation de l’humidité, s’assèchent et expulsent les occupants de la forteresse en déchirant leur anneau. Soixante quatre sujets, pas plus ni moins, batifoleront au gré des courants d’air, courtisés par l’espoir sans conscience de parvenir à s’extraire du silence funeste du granit.
Prothalle
Mais l’espoir est une trahison. Parmi les millions de fidèles dévouées à célébrer leur inébranlable prolifération, rares sont celles qui parviendront dans un lieu idyllique, frais, humide et ombragé. La spore numéro quarante cinq, elle par contre, peut se réjouir du tirage au sort. L’anfractuosité du mur dans laquelle le souffle l'a poussé, convient à sa posture prostrée de protozoaire. Après quelques jours, parfois quelques mois de vie ralentie, elle germera et produira un filament microscopique pourvu de chlorophylle. Petit à petit ce filament s’allongera et s’élargira jusqu’à donner naissance à un minuscule organisme ayant les contours d’un cœur. De nouveau, une touffe de prothalles s’exhibera sous le regard ému du grand chêne. 
De proche en proche, d’une toiture au talus, d’une rue à un ru, d’autres l’imiteront dans le seul souci de procréer une parcelle de vie et répandre, à l’âge venu, leur effluve de foin. 

jeudi 2 janvier 2020

L'ophrys fantasmatique

Dans les viscères obscurs du sol, au milieu de l’agrégat de boyaux microscopiques, uniquement fissurés par le silence du schiste, croît une occlusion tuberculeuse, pareille à deux testicules, l’orchis, ou de façon plus raffinée appelée l’orchidée.
Voici donc que l’une des espèces les plus évoluées du monde floral se voit engourdie du genre masculin qui calamine son aura fantasmagorique. Étrange attribut que celui de bouffir une beauté absolue par un insignifiant sac génital, ballotté par des croyances qui lui confèrent des vertus bien trop précieuses de fertilité. Il en faut une dose d’abnégation pour expulser de ces bulbes androgènes la magnificence d’une tige accrescente, dès l’aurore gonflée de ferveur. Dociles, les buissons mellifères et les quelques arbustes hybrides, abrutis par les bons soins promis aux pelouses acryliques, se sont écartés pour que s’éventre, dans l’allégorie des croûtes, cette grossesse craquelée aux forceps végétalisé.
A sa base, pour dégriffer ces globules régénérant, se pose un geyser de feuilles à la forme de langues languides. A moins que la pudeur n'exige un semblant de diplomatie pour tresser, devant l’indécente virilité, à la fois courroucée et calfeutrée, une culotte caulinaire.
Déjà, à ce stade, l’instinct d’émancipation du cloaque coagulé d’un coït issu de grumeaux grenus agit comme un spermicide, car le subterfuge de mimétisme de l’orchidée abeille, dès lors systémique, se dresse sans vergogne, pour bourdonner à son sommet des bourgeons d’eucères. L’ophrys apifera peut alors disséminer cette duperie dans une inflorescence orgasmique, graduée d’autant d’orgie que de bourdons bernés par l’originalité de cette contrefaçon sexuée.
Qu’en est-il vraiment ? En soupirant, l’ophrys déploie son berceau voilé de sépales rose-pourpre et sa nasse en labelle dont deux aisselles latérales, au soutien en gibbosité, gorgées de poils tactiles. Le lobe médian, lui, fanfaronne dans la candeur ponctuée de jaunes éteints et de marrons cramoisis. Ainsi pourvue, l’orchidée s’affuble d’une toilette féline, à l’affût du moindre dépourvu. Quant au gynostème, sa coiffe en alcôve attache une vague où se noient démêlés les pollinies et le stigmate qui s’effleurent à peine.  
Au fond, a-t-on bien agité les coupelles du surnaturel ?  A-t-on apprivoisé la connaissance à quelques cendres de certitudes ? Car l’assemblage fantasmatique de la capsule se frotte à la vision d’un être spatial, moitié animal, moitié végétal.
Grâce à la mutation sempiternelle de ses gènes, maintes fois combinés,  le leurre de l’orchidée est presque parfait. La fascination du bourdon pour cet extravagant alliage s’égare dans l’hypnotique opulence des odeurs aphrodisiaques, maintenant qu’il s’approche. La secousse frénétique de l’insecte, agrippé à l'ongle incarné par Eros, segmente le léger filament des pollinies, larguant les nombreuses facettes fécondes. Exclues de l’étroitesse des orbites capitonnés du dulcicole, elles prolongeront l’énigmatique facétie de tromper l’œil hagard du visiteur.

mercredi 1 janvier 2020

L’if et la chauve-souris



« Non… Non…». La douleur de Teysh, orpheline d’un écho, s’étrangle face à la virulence du vortex, vociférant telle la voix du vilain. Le vent assassine même, sans assignation ni distinction, les maudits de la nuit : ce n’est surement pas une vulgaire chauve-souris qui efflanquera sa furie. Il a déjà fait peu de cas d’arbres qu’il affale sans discernement d’espèces ou de hauteur de cimes. C’est à se damner si la pente du bocage vers la rivière et l’appétence du bétail du béotien pour les écorces n’ont pas pactisé, à leur tour, pour décharner l’encolure de l’estran, à voir le carnage consacré dans cet abîme. « Je t’avais bien prévenue pourtant que tu t’égarais dans l’imprudence de ce tourment nocturne et que de t’entêter à t’aventurer hors de ces lieux contenterait ta mauvaise fortune». Le sonar soubresautant de Teysh tangue sur les tragus de la souffreteuse, tellement le chambardement s’époumone à escournifler leur connexion nerveuse. Muris le sait, elle succombera à la saignée qui n’est pas surfaite ; les phalanges du patagium gauche se sont ébréchées, suite à la chute d’une branche. Malgré la frayeur provoquée par la force du choc et le foudroiement dû à la fêlure mortelle, Muris est parvenue à se frayer un passage entre les franges, et se faufiler à travers la faille du rocher. Après que le tissu vasculaire de l’aile déchirée a répandu irrémédiablement l’hémorragie du vampire, le chiroptère suinte dorénavant ses sens, sucés par le pire.
 « Oh… Teysh…Teysh ? Tu es là ? Teysh, où es-tu ?
- Je suis là…près de toi mon amie, sanglote-t-il, je suis là, répète-t-il, craignant que le souffle ne couvre son sonar et que l’obscurité ne soit déjà un corbillard.
- Oh Teysh…je me meurs…je m’éteins dans la nuit…n’est-ce pas là une magnifique mort pour un myotis ? Je te l’accorde, c’était une folie de plonger dans ce torrent. Mais tu le sais toi que je suis impétueuse, que le vol crépusculaire au-dessus du plan d’eau exalte notre condition d’êtres menacés…La toux saccadée dévore la chauve-souris, l’obligeant à s’interrompre,
- Ne minimise pas le rôle qui est le nôtre. Nous n’avons peut-être pas les faveurs des conteurs mais notre prédation régule un certain nombre d’insectes comme les moustiques.
- Mon brave Teysh, me saisir par tes leçons serait vain. Une scélérate s’affaire déjà à festoyer mes obsèques…ironise Muris, et enlève ce masque du tourment que tu portes comme une gargouille, tu m’effraies presque…
- Oui…Excuse-moi. Je n’ai eu de cesse de t’adresser mon gourou pour dompter ta raison…
- Teysh, avise-toi d’en découdre avec la tienne. Inutile d’agresser ta conscience. Tu n’as pas failli à la faiblesse. Ne confonds pas le compagnon prévenant avec l’œil d’un intrus. D’ailleurs, à propos de raison et de folie, je peux maintenant me décharger d’un fiel secret. Je crois que ce que tu entendras tarira, sitôt dit, ta tristesse. Au fond, je forgeais, fougueuse, ma propre fatalité afin de te révéler la nature de cet enchantement qui nous subordonnait.
- Que dis-tu ? Qu’y a-t-il de si détestable pour s’en remettre au sort ? Qu’est ce qui pourrait me dégoûter d’honorer notre amitié ?
- Si, jusqu’à présent, je ne t’ai rien dévoilé, c’est bien par seule nécessité de lâcheté. Je devais me prémunir du risque de me noyer dans la folie. Au moment où la mort m’étreint, je me soulage de ce souci. Tu n’auras pas à te morfondre longtemps…apprends ceci… tu es victime du sortilège d’une sorcière…tu n’es pas une chauve-souris.
- Quoi ? Que m’émets-tu là ? Mais c’est la folie qui te gagne en cet instant ! », s’exclame Teysh. Muris, agonisante, ne discerne plus les paroles de son ami.
-  En vérité, tu es un ovate. Après avoir été séduit, tu soupçonnais les agissements de celle qui se dissimulait sous une beauté charmante et qui se vouait aux jeux de la mystification. Confondue, elle ne pouvait fourvoyer son âme à la moindre déconvenue. Elle a donc assiégé ton sommeil profond pour magnifier à ton malin des incantations maléfiques qui te muaient en murin. Mais cet aspect n’est pas irréversible …l’acte qui fait de toi un malfaisant n’est que simulacre,
- De quelle sorcière parles-tu ? Où parade-t-elle ? Moi un ovate ? Un homme ? Teysh, déjà choqué par l’état de Muris, suffoque après une telle confession.
- Voilà ce que tu feras. Les sons se traînent maintenant, pénibles. Tu peux lever cet envoûtement. Il suffit pour cela que tu soudoies les baies d'un if, du nom d’Ivos.
-…Un if ?
- Oui, un if… toutes les substances de l’arbre sont toxiques sauf l’arille rouge entourant la graine. Pour soulager tes louanges il faut à la fois que tu ronges cette enveloppe et que l’usurpatrice soit intoxiquée par la graine. Dès que tu auras agi ainsi tu recouvriras ton apparence d’homme,
- Et qu’adviendra-t-il de la traîtresse ? demande Teysh.
- Ses dents. Elle est obnubilée par ses dents. L’effet de la graine les fera pourrir jusqu’au cœur de la racine. Leur éclat est subordonné à sa propre source narcissique. Le poison insidieux caressera l’émail de sa vilénie, sans fin. Et si tu veux la débusquer, suis le bois riverain. Sa demeure est sur cette berge, isolée, au loin…les râles reprennent plus forts. Muris périt.
- Une dernière chose. Quand tu rencontreras l’if, n’oublie pas de t’annoncer…les ifs peuvent être taciturnes avec l’âge… Ne perçois-tu rien venir ? s’inquiète Muris, ses globes se closent sur une catacombe. Je m’endors…
- M'annoncer ?
- …Me pardonneras-tu ?
- Tu…tu es déjà pardonnée…
- Bien…Je suis soulagée…Préserve-moi dans ta mémoire…Adieu poète ».
La risée n’a pas suffit, cette fois-ci, à insonoriser les cris stridents de Teysh.

La longévité de l’if, contrairement à ses confrères, les conifères, le confine dans l’étrangeté. On prétend, en effet, que sans sépulture, tous les bannis de la contrée s’accommodent dans le ventre de sa sculpture. Seraient-ce alors des réfugiés l’ayant reconnu comme dernier recours pour l’immortalité ? En échange de sa piété, le bois de l’if se serait durci contre la bêtise, tendu comme une corde, se chamboulant imputrescible, difficile à évider pour en dérober des cordes. On raconte aussi, sur la foi de témoins, que plus d’un animal du troupeau aurait trépassé après avoir savouré sa sève vénéneuse, meurtrissure secrétée par ces pécheurs. L’abattre inviterait la mort dans l’année aux dépens de quiconque se prétendrait sciemment bourreau. Quoiqu’il en soit, l’isolement, au côté d’un houx à la mine miséreuse, l’absence de musicalité au passage du vent qui peigne sa crinière épineuse et la persistance des feuilles qui résistent à celle de la rumeur, ne font qu’enraciner son impopularité sulfureuse.
Bien peu de voyageurs, à l’instar des superstitions, se posent sur l’if et, pour soulager leur périple, profitent du logis offert par le trou dans son tronc. C’est donc avec une certaine nonchalance que l’arbre vit s’agiter vers lui le vol du vespertilion. Tout du moins au début, car la chauve-souris respectait, a priori, une trajectoire rectiligne, guidée par la seule rectitude de le saisir. L’if fut ensuite bien plus choqué sur la manière d’être interloqué, « Je suis ton obligé. Je viens secouer ta méditation millénaire. Seras-tu celui qui pourra soulager ma galère ? » L’interroge Teysh, s’agrippant la tête vers la terre. L’if, disposé à prolonger sa léthargie, mit un moment avant de répondre aux propos brusques et impétueux de cette bestiole, « Que me veux-tu freluquet ? Que prétends-tu m'apprendre avec tes frasques ? Toi qui ose courroucer ma carapace ? Mugit'il,
- Je recherche un if nommé Ivos. Après quelques espoirs, aussi rares qu’infructueux, je m’enquiers des vertus du fruit qui décore de rouge son âpreté.
- Des vertus ? Soit tu as été mal renseigné, soit tu t’es égaré dans la folie. Ceux de mon espèce portent en eux le signe de la désaffection. Cherche ailleurs ton remède !
- Oui…la folie… murmura Teysh, abattu. J’endosserai alors sans faillir les remords de Muris…
- Halte-là, petite chose ! Quel nom as-tu avancé ? Muris ? Tu connais Muris ?
- Oui…enfin je la connaissais…mon amie a été fauchée à cause des fourberies d’une femelle félonne…A propos, je ne me suis pas présenté, je m’appelle Teysh.
- Teysh ? Chagriné par la nouvelle, l’if adopte un ton dès lors bienveillant, Teysh, veux-tu me retracer le récit qui t’emmène, car je suis Ivos, celui que tu ambitionnes». Attentif au drame qui drape la douleur de Teysh, Ivos réfléchit longuement avant de s’exprimer : « Hum, fit-il dans un soupir, ce que tu sollicites là suppose de soustraire une suite. Sache que chaque arille, chapardé par des chenapans, charrie un nouvel élan vers l’éternité. Même si la graine est toxique cela ne suffit pas à garantir sa pérennité. Le soutien que je t’apporte s’abreuve de l’empathie de Muris à mon égard, car elle fut indifférente à l’austérité de mon attrait. Elle a très souvent évoqué ton nom au retour de ses pérégrinations, avant de sombrer dans mon tronc pour l’hibernation. Hum…je sens que l’emprise est puissante…il te faudra collectionner plusieurs baies. Comment, selon toi, aliéner l’illusion?
- Adossée à la maison se trouve une réserve d’eau. Cette eau sera infectée quand je les jetterai en dépôt.
- A ta guise ! Je t’aiderai. Je n’ai qu’une parole. Mais n’agis pas dans l’immédiat. Repose-toi ici en prélat. Laissons mûrir l’avenir ».
Et c’est ainsi qu’il fut fait. Teysh se capitonna dans sa capsule jusqu’à ce que la cage capitule au contact de la caresse estivale. Comme Ivos l’avait signifié, dès lors que ses arilles se convertirent à la maturité, il accorda à Teysh le privilège de ces fruits charnels. Après avoir salué Ivos pour son don, Teysh, comme il l’avait manigancé, à l’insu de la canaille, goba les germes et les gerba dans l’eau grouillante de grisaille.
Puis, il se suspendit à un arbre, près de la maison. L’action du poison fut quasi instantanée. Il comprit, aux hurlements démentiels, que la toxine avait exécuté sa besogne, exacte aux bons conseils. Quand il s’éloigna, le poète ne se retourna pas. Il allait de nouveau pouvoir marcher dans la vie.