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dimanche 12 mai 2013

L'Etat au service de l'Agriculture écologiquement intensive

L’Agriculture Ecologiquement Intensive ou l'AEI se présente comme la 7ème transformation en profondeur de la technologie de l'agriculture, avec comme objectif de produire en masse des produits de qualité. Cette nouvelle propagande productiviste, dont la France est précurseur, a pour enjeu de pouvoir nourrir d'ici à 2050 les 9 milliards d'habitants, ancienne doctrine oligarchique qui consiste à admettre que les agriculteurs occidentaux ont pour mission (d’intérêt général il va s'en dire) d'assurer les besoins alimentaires d'une partie des habitants de cette planète. Le bilan ne tient pas face aux différentes crises alimentaires qui se succèdent et aux famines qui ébranlent des populations entières. La nouveauté est que cette production alimentaire inaccessible sera de meilleure qualité, et toc les affamés !
Mais d'où sort cette combinaison improbable qui masque en vérité une logique de genèse d'une agriculture scientifique ? Promue par les chambres d'agriculture et donc de la Fnsea qui y voit peut-être un nouvel Eldorado, par de grosses coopératives (Triskalia en Bretagne), et par le Crédit Agricole, elle se détermine comme une opposition aux principes de l'accès souverain à la terre, de la répartition équitable des richesses produites, du maintien et de l'échange des ressources intemporelles de la biodiversité, de la diversité de l'agriculture paysanne, de la création d'une valeur ajoutée revenant aux producteurs, de l'autosuffisance alimentaire pour tous...
C'est Michel Griffon, honorable directeur général adjoint de l'Agence Nationale de la Recherche, qui se
trouve être à l'origine de ce curieux concept à travers son association du même nom. Ce monsieur, formé à l'Institut National Agronomique à Paris, pur produit de l'intelligence agronomique française, ne peut être accusé de conflits d'intérêt pour une quelconque industrie agro-chimique. Non. C'est manifestement un élément zélé de l'Etat français qui se met au service de l'intérêt supérieur de la Nation, de l'exception scientifique française et du modèle agricole intensif.
Lors d'une conférence de décembre 2012, Mr Griffon brosse la situation, définit l'AEI et entrevoit des perspectives technologiques agronomiques. Il explique que :
- face aux contraintes intenses que subies l'agriculture, à commencer par les changements climatiques et environnementaux, qui soit dit en passant, sont pour partie dues aux dernières transformations technologiques agricoles (explosion exponentielle de l'élevage de bête à viandes),
- face à l'obligation de protéger la biodiversité, on le voit bien avec les ravages de la concentration des exploitations agricoles, de la disparition des écosystèmes locaux, de la pollution chimique de l'eau et de la place du système hors sol,
- face à l'usage de phytosanitaire qui n'en est qu'au début d'un long, très long même, processus de transformation, car la France n'est que le 3ème pays au monde consommateur de pesticides "qui sont considérés comme à risque" (appréciez le considérés, la part du constat rationnel disparaît dans ce cas) et que l'agriculture raisonnée n'en est qu'une étape, 
 Application de l'AEI : photo avant ou après ?
- face à la raréfaction des énergies fossiles, dont l'agriculture mondiale en est un des premiers pourvoyeurs,
- face à la nécessité d'adapter les pratiques vétérinaires, qui restent systématiques, etc, etc...il existe des opportunités économiques à saisir en lien avec les évolutions techniques et scientifiques. Lesquelles ? Il faut tout d'abord, d'après cet ingénieur, orienter la production alimentaire à l'export. Quid du bilan carbone, avion et cargo ? Il faut produire de l'énergie de 2ème voire de 3ème et des générations énergétiques futures, c'est à dire des agrocarburants qui provoquent des crises alimentaires, polluent davantage et émettent plus de gaz à effet de serres que les carburants fossiles...
LE MEILLEUR : la finance carbone doit s'intéresser à l'agriculture en séquestrant sa pollution ! Il peut même y avoir "une finance de la diversité" (sic) : la spéculation dérégulée et immatérielle au service des abeilles ! Bravo, il fallait y penser !
L'agronome soutient, sans se détourner de sa mission, qu'il faut poursuive le haut niveau de production : "produire même éventuellement plus", tout en respectant l'environnement et à moindre coût. Pour cela il faut utiliser toutes les fonctionnalités utiles du système productif (photosynthèse, les capacités du sol...). 
Il préconise que les politiques publiques suivent ces risques d'innovations, et se mettent en ordre de marche pour accompagner les investissements nécessaires à la "mutation des exploitations agricoles", la science écologique payée par le contribuable au chevet de l'agriculture intensive; on est loin des principes de la permaculture, et même de l'AB avec ses 2 à 3 % de surface agricole utile.
Et les ogm ? Améliorer les fonctionnalités naturelles en modifiant génétiquement les plantes constitue également une voie à explorer pour les partisans de l'AEI, même si pour Michel Griffon cela doit s'accompagner de prudence : "par définition, il s'agit d'introduire une fonctionnalité naturelle d'une plante dans une autre plante. Scientifiquement, il n'y a donc aucun tabou", pécuniairement non plus cher Mr Griffon.
Différentes expérimentations sont en cours qu'il faudra réunir. En attendant, la formation à l'AEI offre de nouvelles perspectives d'emplois. Déjà des Grands Établissements scientifiques, comme l'Agrocampus ou Oniris, tous deux sous la tutelle du Ministère de l'Agriculture, dispensent des programmes pour former les prochains ingénieurs qui, n'en doutez pas un seul instant, en seront les prochains conseillers techniques, de véritables défenseurs de l'environnement et de son développement économique durable, autrement dit de la croissance supposée verte.

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