"Dans ce ruisseau, la coloration de l'eau était rouge, à priori, suite à un rejet accidentel des serres de plants.
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Eau de ruisseau rouge. Les serristes ne sont pas tenus à un plan d'épandage |
Mais ce qui l'est moins c'est cette eau mousseuse suspecte qui sort des tuyaux pour s'écouler dans le bassin de rétention". Ces propos sont tenus par Jean-Claude Berrou, paysan de Cléder. "J'ai prévenu le maire, Gérard Danièlou, que le bassin était construit sur une source, mais je n'ai pas été entendu."
Jean-Claude représente la 3ème génération d'agriculteur, installée au lieu-dit "feunteun ar c'hefeleg" (la fontaine de la bécasse) à Cléder. Il assure la relève à partir de 1990 sur cette exploitation de 12 ha. Depuis plusieurs décennies, culture d'artichauts et culture de choux fleurs se succèdent sur la ferme, au gré des ventes au marché au cadran de la Sica. Quelques crises cycliques des cours des prix des légumes viennent secouer cette terre léonarde insipide et sans aspérités, au cœur de ce qu'on appelait auparavant "la ceinture dorée". Ces crises se manifestent de façon pacifique, soit par un embouteillage, aux rond point à l'entrée de Saint Pol de Léon, d'un amoncellement putréfiant de choux fleurs, ou de façon plus spectaculaire, par un embouteillage aux abords du pont du viaduc de Morlaix, par le barrage de plusieurs tracteurs.
Le début des années 90, c'est aussi l'apparition des premières serres autour de feunteun ar c'hefeleg. Celles-ci totalisent, 25 ans après, plus de 15 ha de surface en verre, ce qui fait réagir Jean-Claude : "cette promiscuité des serres avec des habitations et des points d'eau (ruisseaux et source) posent problème".
Entretemps, l'exploitant agricole fait le ménage dans ses pratiques agricoles "On a le même rendement sur l'artichaut avec ou sans traitements, et j'ai remplacé le chou fleur par ce qu'on appelle des légumes "anciens", rutabaga, navet et radis noir". Chaque culture subit un seul traitement de désherbage, puis est recouverte d'une bâche blanche pour se prémunir de l'assaut des mouches. Quant à l'artichaut, le traitement est ciblé (puceron) ce qui évite un épandage total et excessif sur tout le champ. Pour assurer la rotation des cultures, Jean-Claude prévoit des céréales et plante un peu de maïs pour l'ensilage.
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Emplacement de la source. Avant... |
En connaissance de cause, Jean-Claude assume un changement raisonné et tourne le dos à plus de 50 ans de productivisme agricole. Dans le paysage du Haut-Léon, hormis quelques îlots en agriculture biologique, le paysan se retrouve isolé, car l'extension des serres est le signe d'un expansionnisme agro-industriel en campagne, garantissant de l'emploi local, et fixant des familles dans ces communes rurales. Les élus ont bien compris ces enjeux. A tel point que le sacrifice d'un cours d'eau ou d'une source en vaut bien la chandelle et que de toute façon l'impact écologique ils en ont cure, tout comme des serristes qui, de surcroît, violent les règles en matière de construction.
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...Après, au même endroit le bassin de rétention. |
Car c'est bien ce qui se passe en 2007. Se considérant dans son bon droit, un producteur de plants entreprend d'agrandir ses serres sans attendre l'autorisation du permis de construire. Averti de l'aménagement d'un bassin de rétention en lieu et place d'une source, le maire de l'époque, Jean-Luc Uguen, refuse le permis de construire. Qu'à cela ne tienne. L'année suivante, le résultat des élections municipales déboute Jean-Claude Uguen de ses fonctions, remplacé par Gérard Daniélou, dont un de ses co-listiers n'est autre que... le serriste fautif. Le nouveau maire se presse alors de légaliser le permis de construire du serriste, siégeant lui comme conseiller municipal. Le tour est joué. Politiquement couvert, le producteur de plants peut utiliser le bassin de rétention pour recevoir les eaux s'écoulant des toitures. Sauf que les observations régulières de Jean-Claude font apparaître la présence d'une mousse, à la sortie des tuyaux, dont l'origine reste encore inconnue. Impossible de rester en faction toute la journée derrière la grille pour connaître l'ampleur du phénomène. Tout comme il est devenu inutile de s'adresser aux élus. L'agriculteur émet toutefois l'hypothèse suivante : les cagettes en plastique, utilisées pour les plants sont désinfectées dans une laverie attenante aux serres. L'accès limité au local et le soin apporté à la protection des salariés font penser que le désinfectant n'est pas anodin (à base d'ammoniaque ?).
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Bâtiment de Technosem |
"Ce qui fait que ça mousse c'est qu'on a mis un "moussant" qui permet de
vérifier qu'on a bien rincé les outils et qu'il n'y a plus de produit
initial indésirable explique un militant, donc une eau contenant un moussant signifie qu'il y avait un produit non
comestible et que tant qu'il y a de la mousse, c'est que la
concentration de ce produit peut être nocive" prévient-il. Comment alors expliquer la présence de mousse dans ces eaux d'évacuation ?
La laverie est-elle équipée d'une cuve de récupération des eaux usagers ? Est-elle suffisamment volumineuse ? Difficile de se prononcer à défaut d'avoir des renseignements obtenus de l'intérieur. En tout cas, une certitude, cette solution n'a pas sa place dans un bassin de rétention, encore moins lorsque celui-ci se trouve au-dessus d'une source qui voyage jusqu'au rivage pour se jeter dans la mer, et, avec elle, une suspicion de pollution que les autorités locales tentent de camoufler.
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Près du corps de ferme une zone humide |
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a été transformée en terrain d'entrepôt du matériel |
Ci-dessous le lien vers la vidéo montrant le terrain avec le matériel (enregistrement en date d'avril 2014)
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