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mardi 17 novembre 2015

L'abeille sauvage, la belle oubliée

Melitta leporina
Nichée aux abords du crépuscule, à tapisser de pollen les parois terricoles, l'abeille sauvage se meut dans l'étroitesse de sa galerie et s'émeut lors d'une ponte qu'affectionne l'instinct de conservation. La pudeur l'éloigne des ruches qui grouillent de nurserie bruyante. Ainsi épargnée par la fécondation in vivo de la reine utralibérale, elle se contentera de prodiguer une petite trentaine d’œufs encore tous indécis à se congestionner de la larve au cocon. Avant de se prêter à cette délivrance elle aura du s'extirper de la bousculade exhibée de corps poilus, cette horde de mâles assaillants la bienséance. Le tunnel sablonneux ou dégagé sous quelques brindilles devient alors un rempart pour la progéniture, dont l'opercule argileux garantit l'éclosion soulagée de toute agression.
A la différence de sa congénère à miel, la sauvage est nommée ainsi car elle ne soucie guère de son sort social ni de son rang au sein des siens. Certainement peu seule ni isolée elle chasse solitaire l'abondance des poussières florales. Elle en abuse même. Au point où sa quête se transformerait en perte sèche si, in fine, la récolte avait de la valeur capitalisable. En tout et pour tout, elle s’octroie à peine 10 % du pollen collecté. Sa tentative du magot s'éparpille d'une étamine à un autre pistil, faisant d'elle, et malgré elle, une remarquable pollinisatrice au point où la sauvage supplante la domestique qui affectionne davantage le nectar. Là où une armée d'ouvrières s'avérerait nécessaire pour polliniser un hectare de pommiers ou d'amandiers, quelques centaines d'abeilles maçonnes femelles de l'espèce Osmia Cortuna suffisent. Mieux. En leur présence l'assurance d'un haut niveau de production fruitière affole les pesées.
Osmia cortuna femelle
L'ignorance humaine, qui s'alimente du peu d'empathie à se renseigner sur la nature réelle de son environnement, orienterait ses réflexions vers un besoin vénal à amasser plus et toujours plus. Par contre l'enseignement attentif des agissements de l'abeille sauvage prescrit que son activité pollinique serait la conséquence des lois régies par la nature: les chapardeurs parasitaires veillent au grain de pollen !
Selon la saisonnalité elle pare son corps de métiers : maçonne, cotonnière, tapissière, charpentière...Elle extrait, découpe, broie, façonne une constellation de trous dans l'argile, dans du bois ou aux creux des dunes. Rien n'est conçu dans la précipitation au regard de l'empressement de la vie à la soustraire  de l'ouvrage. Car son existence dans les fleurs se limite à quelques semaines, voire à quelques jours pour les mâles. Serait-ce alors sa rareté qui infléchirait l'obsession catégorielle à la traiter comme une latine castafiore à trop saupoudrer sa tête de pollen ? Melitta leporina, Megaliche parietina, Heriades truncorumOsmia Cortuna. Des origines connexes et plus fallacieuses déchanteront les plus dévoués observateurs quant au maintien des populations.
Abeille solitaire mâle
En effet, à l'instar de la vedette apis meliffera, l'abeille sauvage connaît sans coup férir le déclin. L'agriculture intensive (monoculture), l'utilisation d'insecticides, le changement climatique et l’éradication des ressources alimentaires en sont la cause. L'Institut de recherche de l'agriculture biologique avance qu'en Europe centrale entre 25 et 68 % de l'ensemble des espèces* d'abeilles sauvages sont menacées. Une autre Institution est au chevet de l'abeille solitaire, l'Union Internationale pour la conservation de la nature : "Les abeilles jouent un rôle essentiel dans le maintien des écosystèmes et de la pollinisation des cultures. L'UICN appelle à des investissements urgents dans de nouvelles recherches sur les moyens d'inverser le déclin". Le commissaire de l'environnement de l'UE a qualifié les résultats de l'étude de l'UICN de "très inquiétants".
Inquiétant. Le mot est fidèle à sa réputation dans le cas des abeilles comme il peut l'être face à la multitude de déserteurs qui se parjurent dans la connivence des murs feutrés et les couloirs aphones de forteresses "cinq étoiles". L'état d'urgence est décrété. Ce petit monde est à protéger.

Informations complémentaires sur :

*750 espèces rien qu'en Europe

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