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samedi 24 octobre 2020

Petit détour sur l'intérêt d'une butte

Avant de m'exprimer sur un sujet quel qu'il soit, et surtout s'il s'agit d'une activité nouvelle, qui plus est agricole, je prends le temps nécessaire à la pratique, à son cortège de tâtonnements, aux expérimentations et à leurs observations recueillies. Je ne les décortique pas tel un ingénieur ou un technicien en quête de règles agronomiques ; je fais plutôt appel, et surement avec intuition, à mon bon sens paysan (pendant longtemps les paysans se sont passés de techniciens ou d'ingénieurs, et ils s'en sortaient très bien). Dans le cas présent, m'excluant des débats contradictoires, voire passionnés, lors de l'effervescence récente autour de l'apparition de la permaculture en France, et n'étant pas à mon aise face à la multitude de formations aux coûts exorbitants, j'ai monté au cours de ces 4 derniers années 7 buttes maraichères (avec une pause en 2019), car j'estimais que cela pouvait correspondre à la fois à une cohérence de sobriété et une nécessité d'adaptabilité au milieu semi-sauvage dans lequel j'allais évoluer (d'autres éléments viennent accompagner l'agencement de la parcelle en permaculture, que je ne développe pas ici, même si je considère la butte comme l'épine dorsale de mon aménagement).  
D'abord et avant tout, sans y parvenir totalement, il fallait se débarrasser de l'usage de produits de synthèse comme les phytosanitaires et de l'énergie fossile. Dans le premier cas de figure, la question a été vite réglée car plus qu'évidente. Dans le second cas, et même si je n'y suis pas arrivé complètement j'ai réduit significativement la consommation de carburant, brûlé lors de l'utilisation d'une tondeuse ou de la débroussailleuse (à titre indicatif j'utilise environ 1l d'essence pour 1 butte, en moyen mécanique).
Ensuite il a fallu s'adapter au milieu qui me reçoit : hygrométrie élevée (versant nord, parcelle bordant la rivière de l'Elorn) et assez prolongée dans la journée, sol tassé avec une flore sauvage persistante (la fougère par exemple), avec une forte densité de variétés de graminées donnant à la parcelle de lindouar un aspect de prairie permanente. Quelques plantes indicatrices (eupatoire chanvrine par exemple) m'indiquent que la parcelle se trouve en "état humide" (lindouar se caractérise par sa légère inclinaison, ce qui ne la classe pas en "zone humide"). 

J'ai donc compris que si je voulais être en accord avec quelques principes de départ et si je souhaitais entretenir ce terrain pour ne pas qu'il retourne à la friche, je devais procéder autrement. La butte a été une réponse évidente à ma recherche d'une pratique respectueuse du milieu naturel. Pour accompagner mon argumentaire, je vais m'appuyer sur les écrits de Christophe Gatineau, qui démonte, et c'est son droit, le principe de la butte de permaculture. (reprise de ses propos dans https://jardinonssolvivant.fr/le-mythe-de-la-butte-de-permaculture-par-christophe-gatineau/).
"La butte de culture ou la culture sur buttes est devenue une figure de la permaculture en France, comme un signe de reconnaissance et d’appartenance à une tribu ; un symbole si fort que beaucoup d’adeptes croient que la culture sans but, c’est cultiver contre la nature !" 
je ne sais pas à qui il fait référence, mais je ne me sens nullement rattaché à une communauté de ce genre. Le mot "adepte" vient signifier que nous aurions affaire à une croyance méthodiquement déployée par des forces sectaires. Personnellement je me suis volontairement écarté d'un apprentissage programmé dans des formations onéreuses qui, à mes yeux, ne se justifient pas.

j'ai une grande sympathie pour le couple d'agronomes, les Bourguignon, connu pour leurs recherches sur les phénomènes généraux liés à la vie du sol. Christophe Gatineau utilise les commentaires de Claude Bourguignon pour compléter son réquisitoire contre les buttes dont ils ne sont pas partisans :
"Les buttes, c’est beaucoup de travail. Alors pourquoi faire compliqué quand on peut faire simple en déposant la matière organique à la surface… C’est plus reposant !
Non, les buttes n'obligent pas à beaucoup plus d'efforts. Pas plus ni moins qu'un jardinier ordinaire dans son potager. Peut-être que parce que j'avais presque toute la matière à ma disposition, je n'ai pas le sentiment d'avoir fourni un travail démesuré. Certes, le montage d'une butte requiert à sa naissance quelques efforts physiques surtout quand on dispose les tronçons de bois sur le sol, parce que oui, j'ai fait le choix inverse de ne pas enfouir le bois qui profite alors d'un milieu oxygéné, ni d'entasser les couches de matières comme c'est si souvent colporté, mais de les superposer en les couvrant le printemps suivant d'une terre végétale récupérée ailleurs, lors de l'excavation de la terre pour une mare par exemple (inconvénient majeur : les adventices se réveillent alors, je conseille de réaliser un faux-semis pour s'en débarrasser, désherber une première fois puis être généreux dans l'apport en paille ou en foin). 

Faire des buttes, c’est bien en zone sahélienne, mais chez nous, il faut vraiment avoir envie de se casser les reins pour rien…"
Pourquoi ne pas importer des méthodes africaines qui sont efficaces chez eux ?

Je lis aussi ailleurs que la culture sur butte est une culture hors-sol. Pour ma part, je constate le contraire, je parlerais d'une surélévation du sol. En se dégradant la matière mobilisée (goémon, herbe fraîche et feuilles, sciure ou copeaux de bois, foin) génère de l'humus, grâce au concours de la vie microbienne, des insectes détritivores et de l'air, se glissant dans les interstices du bois. Il y a donc un contact direct avec le support originel. 
De plus je constate l'effet bénéfique du bois en décomposition. Sans pouvoir les décrire, à chaque automne surgit une colonie de champignons à la surface des buttes (favorisés par la lignine ?). 
Certaines fois je n'échappe pas à l'amateurisme, comme la fois où j'étais trop généreux dans mon apport en compost. Même mélangé au 1/3 avec de la terre, les plants légumiers ont véritablement souffert. Je pense avoir retrouvé un certain équilibre une année plus tard en laissant les buttes concernées en "jachère", à voir la production de blette et de haricots verts de cette année. Le compost je le réserve pour la culture de pommes de terre... sur terre.
Enfin j'y trouve un certain confort dans l'acte de jardiner, du fait de la surélévation et je pense que je ne suis pas le seul être vivant à en tirer des bénéfices, quand je vois la croissance des légumes et de plantes aromatiques comme le thym. Les purins d'ortie et de consoude venant en complément pour certains légumes.
 



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