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dimanche 24 septembre 2023

Mesures écologiques. Le miroir aux alouettes de la compensation

Pour contrecarrer la nécessité d'amoindrir voire d'aliéner l'expansion urbaine, le législateur a mis à la disposition de l'aménageur un arsenal de contre-mesures qui lui garantit de parvenir à ses fins, tout en lui prodiguant l'image dévoyée d'un politique soucieux de l'environnement. Concernant un élément de cet arsenal, on peut lire pour la séquence "éviter-réduire-compenser"  sur le site de l'Office française de la biodiversité (OFB) :

"La séquence "éviter-réduire-compenser", dite ERC, est une déclinaison technique et opérationnelle des engagements internationaux, communautaires ou nationaux pris par la France en matière de préservation des milieux naturels. Elle vise à concilier développement économique et enjeux environnementaux, en constituant le fil conducteur d'intégration de l'environnement dans les documents de planification et les projets d'aménagement du territoire. Pour ces derniers, il s'agit d'éviter toute atteinte aux milieux naturels et aux services associés; à défaut de les réduire; et, en dernier lieu, de les compenser.

Introduite en droit français en 1976, la séquence ERC vise depuis 2016 une absence de perte nette de biodiversité dans la conception puis la réalisation de plans, de programmes ou de projets d'aménagement du territoire. Elle est l'une des actions phares du plan "Biodiversité. Tous vivants" du ministère de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires."

Face à la recrudescence des oppositions autour des enjeux d'aménagement urbain et par voie de conséquence de leur impact néfaste sur l'environnement, la mise en application de cette séquence s'est fortement accentuée depuis 2016. L'aménageur-bétonneur politique, qu'il se nomme Dominique Cap ou François Cuillandre, a bien compris l'utilité d'un tel dispositif et le brandit dorénavant comme un Totem pour justifier le nécessaire essor économique ou le besoin de l'offre en logements. Car, en effet, si au départ ce triptyque technocratique semblait temporiser certains engagements "hectarivores", l'aménageur a très sournoisement effacé les deux premiers objectifs "éviter" et "réduire" pour ne conserver que la compensation comme moyen de supercherie. A titre de comparaison, on retrouverait le même détournement abusif dans les dérogations accordées par la Préfecture du Finistère pour la destruction des espèces protégées. 

Le énième effacement d'une zone humide de 800 m2 pour l'agrandissement du chemin de Kerneval sur Plougastel-Daoulas en est la parfaite illustration. L'organe administratif qui chapeaute les dossiers sur la gestion des zones humides est la Commission Locale de l'Eau, au sein du Sage de l'Elorn. En 2017, un des points à l'ordre du jour de la réunion concerne la mesure de compensation accordée pour les travaux de Kervenal. Les premières investigations sur Plougastel-Daoulas ayant échoué, il est décidé d'un emplacement sur la commune de Guipavas, d'un terrain appartement à Brest Métropole située entre la rue de Kerdanné et le Boulevard F. Mitterand, en plein cœur d'une zone fortement urbanisée. D'une superficie de 1750 m2, cette parcelle, cadastrée au départ comme une zone humide, a disparu progressivement sous des remblais accumulés pendant des décennies et dont on ignore encore la nature. 6 ans après cette décision de la CLE, le chantier de déblaiement a débuté à la mi-septembre de cette année. Sauf que durant les cinquante dernières années la nature a repris ses droits et a développé une végétation, dont des espèces invasives, que le technicien du Pôle Ecologie Urbain qualifierait de peu d'intérêts écologiques, des commentaires qui s'ajouteraient au peu de présences avérées d'animaux sauvages, ce qui pourrait se comprendre au regard de l'emplacement enclavé de la parcelle. Et d'ailleurs, à qui la faute si la Renouée du Japon ou le Dalhia ont pris leur aise à défaut d'entretien ?

Tout défenseur de l'environnement devrait se réjouir d'une telle opération de réhabilitation d'une ancienne zone humide qui jouait parfaitement son rôle en terme de corridor écologique et d'habitat naturel pour des espèces associées à sa fonctionnalité. Pourtant ce ne sera pas le cas pour de nombreuses associations de protection de l'environnement sur la région brestoise (AE2D, Costour Poumon Vert, la LPO, le Groupe national de surveillance des arbres, A quoi ça serre) qui s'insurgent contre l'abattage d'arbres en pleine croissance et qui avaient investis les lieux. Il existe effectivement des zones naturelles qui méritent d'être réhabilitées, à la seule condition encore une fois que l'aménageur ne rime pas avec perturbateur, sachant que pour ce cas de figure, aucune garantie n'est apportée quant à la repopulation par les espèces d'une parcelle  coincée dans un secteur densément artificialisé et sous la contrainte de pollutions urbaines

Photos : P. Le Roux

2 commentaires:

  1. Vu ; merci !

    Le Forum des Marais Atlantiques, qui siège à Rochefort, entre autres, a récemment étudié ce sujet. À suivre !

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