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samedi 21 septembre 2024

Extrait du manuscrit "La petite algérienne"

« La colonisation c'est des heures qui ont été noires, mais c'est aussi des heures qui ont été belles, avec des mains tendues. » Bruno Retailleau, Ministre de l'intérieur

Documentaire écrit

Récit inspiré de faits réels

Reconstitution historique

A.P. Pignol, deuxième homme à partir de la droite. 1930
Grâce à leur activité hôtelière, A.L. Pignol se fait un nom et compte bien consolider sa position de notable local. Pour y parvenir, le statut de personnage public est incontournable. A.L. Pignol l’a bien compris. En plus de devenir conseiller municipal à Tébessa, il se retrouve à la tête de la commune mixte de Morsott, d’où la multiplication de déplacements sur tout le secteur, en plus des réunions au conseil municipal de Tébessa et des obligations qui les régissent comme la supervision des chantiers communaux qui ne manquent pas pendant que l’on doit supporter l’état désastreux des routes régulièrement ravinées à cause des pluies. Le positionnement politique d’A.L. Pignol au début des années 20 paraît assez assumé et prend la forme d’une droite patriotique, profondément raciste, nécessairement antisémite, dans un contexte général extrêmement racisé et ostracisant du début de ce 20èmesiècle. Régulièrement il salue les initiatives de Jules Molle, maire antisémite d’Oran, encourage la multiplication de cellules de l’Union Latine sur L’Oranie et plébiscite même la création de l’une d’entre elle à Tébessa. Le passage à l’acte violent ne semble pas être considéré pour A.L. Pignol comme un geste désincarné de la fonction républicaine dont il est pourtant le représentant public. Après tout, il ne fait que soutenir en les reproduisant les agissements de Max Régis, ancien maire d’Alger. Plus que quelques ressentiments qu’il entretient, c’est une haine farouche envers les juifs qui l’anime, au point de tabasser certains d’entre eux lors de ratonnades qu’il commet de temps en temps en bande organisée, hors les murs de Tébessa. A la mairie c’est l’effervescence. De toute part, l’empressement guide le personnel administratif pour obturer par de larges plaques les fenêtres du bâtiment. De par sa position très centralisée, il échappe partiellement à la violence des Siroccos même si de minuscules tornades virevoltent dans l’étroit passage qui le sépare des bureaux du Génie Militaire. Les conseillers municipaux encore présents, ne sont pas en reste et contribuent à l’effort commun. On tente de rassurer les quelques administrés qui n’ont pas pu être exfiltrés par des attentions toutes particulières comme les inviter à se rendre dans la grande salle du conseil, là où ils pourront trouver un espace qui a été transformé à leur intention. Au pire, en cas de prolongation de la tempête, on pourvoira à leur inquiétude par des collations réconfortantes. Après avoir aménagé la salle du conseil situé au rez-de-chaussée, A.L. Pignol emprunte l’escalier pour le 1er étage qui lui permet d’accéder au bureau du maire, M. Fargues, situé dans le prolongement de l’escalier, sitôt saisi par l’importance centrale du rôle du magistrat, en tout cas celui que s’est adjugé M. Fargues, selon l’opinion falsifiée d’A.L. Pignol. L’homme fait entendre sa voix après le coup porté sur la porte. « Entrez ! Ah, c’est vous Pignol. Tout va bien en bas ? Nous avons terminé de barder les ouvertures ?". L’utilisation de la première personne du pluriel par le maire fit sourire le conseiller à constater que M. Fargues n’avait eu de cesse de besogner depuis la levée du Sirocco. Etrange spectacle que d’exhiber cet homme derrière son bureau entouré d’un halo de lumière que seul l’éclairage d’une lampe à pétrole déposée à la vite parvient à pénétrer l’obscurité, laquelle a comblée une pièce si insignifiante au départ qu’elle en devient, tout d’un coup, éclaboussant. A l’exposer ainsi, les lunettes rivées sur le nez, ourlé d’une barbe touffue large gris-bleu, précieusement taillée dans son extrémité la plus évasée, avec la paume de la main droite posée sur le front tel un pilier pendant que l’autre a saisi un crayon finement ciselé, on supposerait un érudit ou bien un diacre figeait éternellement sur le même ouvrage, sur la même page, dans une posture pour la postérité, nullement perturbé par le souffle qui harcèle les deux battants de la fenêtre, comme si la vaste lumière voulait s’engouffrer dans cette scène résolue à désagréger ce type en mille morceaux. A.L. Pignol sort de sa semi torpeur, avance prudemment et prend appui sur une des chaises jusqu’alors invisibles à son regard. 
- Oui, nous avons les choses en main M. le Maire, tout le personnel de la mairie ainsi que les conseillers se sont activement mobilisés pour respecter les consignes d’urgence,
- Très bien Pignol, M. Fargues n’a pas dédaigné lever la tête de la pile de documents pour lui répondre, ce qui pique au vif  A.L. Pignol, dont l’agacement se manifeste par une quinte de toux,

- Dites-moi M. le Maire, pourrais-je obtenir 5’ de votre attention ?

- Bien entendu Pignol, bien entendu. Le crayon dans sa main parcourt, continuellement, de gauche à droite, les lignes d’écriture, que puis-je faire pour vous ?

- Ecoutez, je n’en suis pas à ma première demande et comme je constate que les choses n’évoluent pas, je me permets d’insister… ce mot semble irriter le maire lequel pressent qu’il sera encore accusé de ne pas intervenir au point de couper son interlocuteur,

- Insister sur quoi Pignol ? Reprend-t-il hautain pour bien signifier que c’est lui qui dirige cet échange,

- Et bien, il y a encore de jeunes juifs qui déambulent dans la cour Carnot. Alors, en plus de vendre des dattes de façon illégale, ils importunent les piétons, qui sont potentiellement des clients de l’Hôtel et tout ceci est fâcheux pour le commerce, le nôtre comme ceux de nos collègues, renchérit A.L. Pignol appuyant sur la dernière phrase pour insister sur le fait que d’autres se plaignent et que son intervention ne relève pas de la lubie d’un seul individu,

- Oui… J’ai bien conscience du désordre que cela peut vous causer à vous et votre épouse, mais que voulez-vous de plus ? Nous avons déjà rayé les familles juives des listes d’aides sociales suite à une insistance de votre part qui vous caractérise d’ailleurs fort bien Pignol. Cette vente, même illicite, pourvoit tout de même à une rentrée d’argent, même minime pour les familles et de surcroît, je n’ai plus les femmes qui viennent geindre dans mon bureau ! Et croyez-moi, leur insistance m’aurait obligé à camper dans mon bureau ! Cette fois-ci le maire a levé la tête anticipant la réaction de l’hôtelier, pose son crayon et lui répond, très bien Pignol, je ne peux pas interdire la vente à la sauvette, parce que cela est bon pour le tourisme, surtout si ces marchands haranguent les visiteurs de notre belle cité en criant que ce sont d’authentiques dattes de la région de Tébessa. Par contre je peux faire intervenir les forces de l’ordre avec l’appui du Commissaire et exiger que ce… désagrément se réalise en dehors des murs de la ville, Quand pensez-vous ? Au goût d’A.L. Pignol cette question ressemble fort à une sommation à seule fin d’écourter leur conversation,

- Très bien, procédons selon vos souhaits. Je me rends moi-même au Commissariat ?

- S’il vous plaît, faites ceci pour moi. M. Fargues a repris la lecture de son dossier. Profitez de cette pause inopinée pour vous restaurer, je crois qu’il y a de quoi se sustenter. Je vous rejoins plus tard. A bientôt Pignol,

- A bientôt M. le Maire.» Après avoir fermé la porte derrière lui, A.L. Pignol maugrée de toutes ses forces pendant qu’il dévale l’escalier «Je vais t’en faire bouffer des dattes, tu vas voir ! » Peste-t-il intérieurement. Mais son animosité s’éteint généralement instantanément à l’encontre du maire, ce dernier plaidant en la faveur des Pignol pour les adjudications trisannuelles concernant les lots d’alfas, ce qui sous-entend des contreparties implicites de la part d’A.L. Pignol en la direction du Maire, enfin en apparence. Après quelques heures d’isolement, l’éloignement du Sirocco permet à tout chacun, au bout de quelque temps, de reprendre l’activité à laquelle il se consacre d’ordinaire. Avant de rentrer à l’Hôtel, A.L. Pignol décide de bifurquer vers la rue Caracala, endroit où réside dans un appartement presque insalubre son ami Khelal Bachir que son épouse emploie pour la récolte d’alfa, la visite à la gendarmerie attendra demain. 

2 commentaires:

  1. Bien David ! Je constate que tu as de saines references ! Tu te mets bien avec notre flic en chef...JaCo

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  2. Je te suis extrêmement reconnaissante du travail d'auteur que tu accomplis. J'ai tjrs cru que tu étais fait pour cela. Je ne lis pas tes blocs pour avoir le plaisir quand tu auras fini ton écriture de la Petite Algérienne. A.M.

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