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jeudi 26 septembre 2024

Extrait de "La petite algérienne"

Documentaire écrit

Récit inspiré de faits réels

Reconstitution historique

Août 1945. retour de Guy Mingam de son emprisonnement dans un Oflag.

Huguette Mingam en 1945

Les retrouvailles des époux ont lieu à la gare Montparnasse. Huguette Mingam patiente depuis plus d’1 h en arpentant fébrile le grand hall, là où s’enchevêtrent des inconnus, la plupart Bretons en partance vers leurs familles, tout au plus bariolés de soldats frénétiques à l’idée d’une permission prolongée, qui chavirent vers une destination lointaine et désirée, où indistinctement se dispersent et se mélangent les brides de conversations que Huguette Mingam confond avec un bourdonnement incessant. Elle détient deux billets retour pour la gare de La Rochelle qu’elle serre fortement dans les mains de crainte qu’ils s’envolent peut-être. Plus certainement, elle s’accroche à ces deux ridicules petits bouts de papier pour être certaine qu’elle ne se trompe pas, les choses sont bien réelles pourtant. Le train est prévu au départ quai 2 dans un peu moins d’1h30, ce qui devrait suffire. Pendant qu’elle attend son mari, elle se questionne longuement, taraudée par tant d’années de séparation : « A quoi va-t-il ressembler, et moi est-ce que je vais le reconnaître ? Serais-je encore assez belle à ses yeux ? ». Huguette Mingam s’est apprêtée du mieux qu’elle pouvait, en tout cas en fonction de ce que sa garde robe dégarnie lui exhibait de plus habile pour plaire à Guy Mingam. Elle exagéra le détail jusqu’à tracer un trait au crayon sur l’arrière de ses bas résilles. La seule fantaisie visible qu’elle s’autorisa, en d’autres lieux on aurait pu l’allier à de la coquetterie, est ce foulard léger en soie, souvenir d’Algérie, qu’elle noua autour du cou. Mais même avec très peu, il ne doit en aucun cas être rongé par la déception dès qu’il l’apercevra. Elle détient peu d’informations quant à l’arrivée de l’ex-prisonnier, tout juste une heure approximative et que c’est une jeep américaine qui le déposera. De taille plutôt moyenne, elle doit parfois se mettre sur la pointe des pieds pour s’extraire de ces toisons, de ces casques et de ces chapeaux qui lui entravent la vue. Enfin, sans le discerner vraiment, ne serait-ce que parce qu’elle s’est égarée dans de nombreuses minutes épépinées, elle distingue un véhicule militaire, correspondant au modèle américain annoncé, débouler à vive allure et venir stationner devant la gare. Le passager qui s’en extrait est bien son homme, la taille de l’individu ne fait plus aucun doute maintenant sur l’identité de celui qu’elle chérit. A son approche, Huguette Mingam ne peut contenir le chagrin qui l’a dérange depuis un moment. A son allure, elle se doute que l’état d’affaiblissement dans lequel il patauge et son amaigrissement visible au flottement de la chemise, signalent un bilan de santé général équivalent à une sorte d’abrutissement. Pourtant le large sourire arboré, qui s’élargirait au-delà du faciès s’il le pouvait, focalise toute son attention. La décence de leur milieu veut que leur étreinte soit brève et discrète mais elle est d’une telle intensité que l’ensemble des muscles de leurs corps se raidit à tel point que Huguette Mingam est saisie d’une crampe fugace dans le pied gauche puisqu’elle doit se redresser pour l’agripper par le cou. Guy Mingam n’a pas de mots pour décrire ce qu’il ressent à revisiter cette femme récompensée à ses yeux par une beauté sans pareille. « Ses traits sont tirés, son regard un peu effacé, mais cela ne nuit en rien à sa beauté naturelle. Ses lèvres sont tièdes, c’est agréable», se dit-il. Après cet instant savouré par le couple, Guy Mingam finit par parcourir la foule à la recherche de quelques visages connus en tout cas qui se rapprochent des souvenirs qu’il en a, les enfants ont grandi : « Tu es venue toute seule ? Yves et Anne-Marie ne sont pas avec toi ? Huguette Mingam est presque soulagée que ce soit lui qui brise le silence. Le prétexte des enfants est une raison bien accommodante,

    -  Non, comme tu le vois. J’ai demandé à Mme Mérand de les garder le temps qu’il faudra. J’ai préféré venir seule pour que nous soyons plus à notre aise pour échanger tous les deux. Notre départ pour La Rochelle approche, si tu le souhaites nous pouvons déjà nous asseoir dans le compartiment, j’ai réservé nos places,

  - Oui je veux bien Huguette. Je me sens quelque peu harassé. Et pourquoi la gare de La Rochelle ?

  Oh… Et bien la gare de La Roche-sur-Yon a été bombardée avec le départ des Allemands, donc pas de liaisons possibles pour l’instant. A La Rochelle un véhicule de l’armée doit passer nous prendre,

 -  Très bien alors, regagnons le train si tu veux bien. Je pense que nous aurons beaucoup de choses à nous raconter. » Tout en regagnant le quai 2, Huguette s’est accrochée au bras de son époux. Le pas défaillant de son mari lui permet de prolonger son étreinte et profiter pleinement de cet instant.

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