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dimanche 4 février 2024

A quoi ça serre sur radio pikez

Emission radiophonique de radio pikez à propos des serres industrielles de productions hors-sol. Intervenant : David Derrien pour le compte de l'association environnementale "A quoi ça serre" de Plougastel-Daoulas (illustration de l'émission du pain et des parpaings)


https://hearthis.at/radiopikez/dpedp13planeteserres/




vendredi 24 novembre 2023

Abattage d'arbres: on atteint des sommets !

L'association de protection de l'environnement "A quoi ça serre" a été saisie (au propre comme au figuré), par les propriétaires de la parcelle n°48, située au lieu-dit "kerallioù" à Plougastel, sur un litige qui les oppose à des voisins bien installés, autour de l'implantation d'arbres sur leur talus bocager. Qu'en est-il réellement ? Un petit historique s'impose avant tout. 
Au début des années 60, comme l'atteste la photo aérienne ci-dessus, la parcelle n°48 était déjà ceinturée par une haie d'arbres principalement composée de chêne et de châtaignier. Toujours sur cette photo, le pont Albert Louppe fait office de jonction entre les deux rives qui séparent Plougastel de Brest. En plus d'assurer une fluidité du trafic qui s'intensifie, l'ouvrage routier fait l'objet d'un classement défini comme "site classé pittoresque", élargi à sa périphérie comme l'atteste l'Atlas des sites classés et répertoriés par la DREAL de Bretagne : http://www.bretagne.developpement-durable.gouv.fr/IMG/pdf/localisation_cle73caca.pdf
Il est donc question de protéger les "abords" du Pont Albert Louppe, la priorité, louable, étant  "au développement harmonieux et maîtrisé" (sic) de l'étalement urbain devenu inéluctable et prolongé tout au long des décennies qui suivent les années 60. 

En 1982, la parcelle n°48 fait l'objet d'un permis de construire pour y construire la maison que l'on retrouve encore aujourd'hui. Comme l'atteste le témoignage d'une des membres de la famille des premiers propriétaires : "Les talus étaient à cette époque plantés d'arbres, déjà bien développés, qu'ils (les parents) devaient conserver selon les termes du permis de construire de la maison, précisant même qu'elle est située dans un "site pittoresque classé". Et aussi : "Ils (les parents) n'ont procédé à aucune plantation d'arbres sur les talus encadrant leur propriété, ceux-ci étant déjà en place." (Témoignage de Mme L'H. en date du 15 novembre 2019)

En 1997, la maison change de propriétaires. Le nouveau couple élit domicile au 90 rue de keralliou et continue à respecter les clauses initiales du permis de construire, à savoir conserver en l'état le talus bocager situé au sud comme à l'ouest de la propriété. Malgré tout, l'abattage de certains arbres, atteints par la maladie devient nécessaire afin de sécuriser la zone, sachant que la pression urbaine s'accentue avec la construction de nouvelles maisons. Mr R. ne procède pas au remplacement des arbres mal en point. Il prévoit régulièrement l'entretien des arbres restants, en s'assurant notamment que la hauteur des arbres s'aligne sur le faîtage de sa maison.  La dizaine d'arbres encore présents continue à jouer un rôle central en hébergeant une biodiversité menacée, composée d'une faune ornithologique exceptionnelle (pèle-mêle on trouve des verdiers, des sittelles torchepots, bouvreuilles et autres mésanges), sans oublier les écureuils roux qui fréquentent les lieux. Voilà pour l'historique.

En parallèle, il devient difficilement incontestable que les arbres situés sur ce talus bénéficie de la prescription appelée trentenaire. En l'espèce il est prouvé, notamment par la photo ci-dessus, que les arbres ont bien plus de 30 ans et qu'ils avaient atteint la hauteur de 2 m, il y a bien plus de 3 décennies (La croissance moyenne d'un chêne enraciné sur un talus ancien est inférieure à 10 cm par an). Mais c'était sans compter sur la volonté inique des voisins de défigurer définitivement un abord pourtant classé, en exigeant l'abattage de ces arbres, protecteurs de la biodiversité.

Roger Boisramé, adjoint de Dominique Cap pendant 13 ans
En effet, 20 ans plus tard, un consorts, constitué de 3 propriétaires, dont l'ancien adjoint aux finances de Dominique Cap, Mr Roger Boisramé, jouxtant la parcelle n°48, font injonction au couple R. de procéder, au motif que quelques branches empiètent sur la partie engazonnée de leur copropriété, à l'arrachage de certains arbres et à la réduction de 2 m (!!) de certains autres. Ils prétextent qu'en hiver des "feuilles viennent se déposer sur la partie engazonnée (!!)", bien distante de chacune des propriétés respectives, partie qui n'a comme intérêt qu'un intérêt paysager urbain. 

Afin de satisfaire leur velléité dans découdre avec leur voisin, le consorts consulte le Conciliateur de justice. A ce titre, il lui est demandé d'intervenir auprès de Mr R. afin qu'il procède à l'élagage ou à la coupe des arbres bordant leur propriété. Le Conciliateur fait la déclaration suivante : "Je me suis transporté sur place et ai pu constater en effet que des branches empiétaient sur le domaine voisin. J'ai demandé à Mr R., en vertu de l'article 673 du code civil, de procéder à l'élagage des branches concernées. Il m'a répondu qu'il allait faire le nécessaire et plus au besoin, ce que j'ai pu constater lors d'une deuxième visite sur les lieux". (Témoignage de Mr Omnès du 06 novembre 2019) 
Un autre témoignage vient corroborait le premier, il s'agit de celui du paysagiste : " Dans le cadre de mon entreprise de création de jardins, j'ai eu l'occasion de travailler chez Mr et Mme R. à maintes reprises pour des travaux divers. J'ai pu constater que les talus bocagers étaient (...) de toute évidence implantés depuis des années. Les époux R. ont toujours pris soin de ces arbres et du talus, y compris du pied du talus, pour conserver la qualité esthétique paysager de l'endroit. L'abattage de ces arbres "âgés" ne permettrait pas de contribuer au maintient de la biodiversité et à l'équilibre des écosystèmes déjà bien atteint". (Témoignage du 14 novembre 2019). Mr R. respecte scrupuleusement ses obligations paysagers, au point de toujours maintenir la hauteur des arbres sur le point le plus haut de leur maison et le talus sous sa forme initiale. Car il s'agit bien d'un talus "naturel" et non pas d'un muret comme l'affirme les accusateurs de Mr R..

Selon toute vraisemblance, le consorts abuse d'une position dominante afin d'agir favorablement sur leur désir inassouvie de jouir de la vue sur la Rade de Brest. Au demeurant, on s'interroge sinon sur leur motivation profonde, du moins sur le peu de cas qu'ils font du respect à la biodiversité. A leur décharge, la question qui se poserait alors, est de savoir si le "droit de vue" est un droit acquis ? D'après différentes sources juridiques, les actions intentées devant les tribunaux ne leur donnent aucunement gain de cause. Par contre le "droit de nuire" n'est pas un droit naturel ou juridique que pourtant des notables, certains profitant de leur statut d'ancien élu, s'octroient en toute illégitimité.

Roger Boisramé déclarait dans le Ouest-France du 17 décembre 2013 que pour Plougastel "La priorité est au développement harmonieux et maîtrisé, presqu'île où il fait bon vivre".  A la condition de se débarrasser des arbres puis des oiseaux, puis des écureuils,... et pourquoi pas de ces voisins soucieux de respecter les règles inscrites dans les permis de construire et non pas de détruire, ce qui s'apparente à une falsification éhontée du droit. 


Propriété parcelle n°48 - kerallioù - rade de Brest



























mardi 21 novembre 2023

Non, la Bretagne n'est pas un territoire

On assiste en Bretagne depuis une dizaine d'années à un exercice volontaire de dénivellement de ses particularismes nationaux, à moins que l'objectif inavoué soit celui de l'effacement complet d'une ethnie séculaire au nom de la sacro sainte républicaine "une et indivisible" ou celui plus étonnant du dogme du modernisme de la communication par la fibre optique. Les deux à la fois peut-être. 



Dans notre Pays, les exemples de destruction de son identité ne manquent pas, qui plus est, sortis des contextes de maintien en pointillé des langues du breton et du gallo. On pourrait commencer par les panneaux de lieu-dit que La Poste voudrait davantage franciser car Hent a loc'h ou Traoñ liorzh comportent un certain nombre de difficultés pour l'acheminement du courrier toujours plus connecté. C'est vrai que loch (sans le "apostrophe h") qui signifie "loche" serait plus adapté aux habitants qui apprécieront la comparaison avec une limace, et le "traon liorz" (sans ñ tilde) ajouterait à la fantaisie de la toponomie bretonne, et dans bien des cas, qui souffre déjà d'un affichage nettement improvisé. Sans compter les variantes qui épuisent la lecture numérisée des colis, d'où une productivité contrariée; Toull ar blei ou Toull ar bleiz ? Dans certaines communes il serait même question de tout gommer et remplacer ces lieux-dits historiques par des noms de fleurs ou d'oiseaux : la rue du Muguet ou des Bécasses, au choix et selon la composition du conseil municipal qui vire à gauche ou qui penche à droite. A moins de "Villeneuve" qui pullule en substitution à "Kernevez". 

Autre cas de figure, le ñ sur le prénom Fañch. L'affaire du premier petit Fañch, qui occupa les médias régionaux dès 2017, sera suivie d'un nouvel éclat du Procureur de la République de Lorient cette fois-ci en 2023, dans une opération similaire de refuser aux parents la possibilité de faire apparaître dans l'état civil le "n tilde" sur le prénom qu'ils avaient choisi pour leurs garçons. Entre temps des parlementaires, dont Paul Molac, député du Morbihan et ex-Lrem, tentaient de légiférer sur le droit à inscrire dans l'état civil des signes diacritiques tel que "n tilde". En dépit des recours devant les Tribunaux en la faveur des parents des Fañch, les députés de la Macronie rejetaient en 2021 l'article concernant les signes diacritiques, se référant, en autre et de manière malhonnête, à l'article 2 de la Constitution française. Malhonnête parce que le rappel à ce que "la langue de la République est le français" reste d'abord et avant tout la résultante de réactions épidermiques des linguistes hypocondriaques qui s'opposaient à l'introduction massive des anglicismes dans le jargon quotidien des Français. La langue française était déjà particulièrement menacée par l'invasion anglo-saxonne. Il est donc fort aise aux législateurs et aux représentants de la Justice de discriminer une langue parce que justement le but premier de cet article ne visait pas les langues minorisées de France.

Dans un autre registre, mais qui consiste également à lisser les différences nominales, la notion de "territoire" a rayé de la carte toute la richesse topographique admise depuis des siècles à désigner telle ou telle contrée en Bretagne. Il n'y a pas de territoires en Bretagne, il y a 9 pays regroupés sous un seul drapeau, ce qui en l'occurrence est assez unique en Europe. On peut discuter de l'origine épiscopale de ce découpage, quoique en lien étroit et pertinent avec la nature de la géographie bretonne, mais on peut pas s'accommoder d'un discours normatif qui consisterait à rendre équivalent le Penthièvre avec le Périgord, le pays Bigouden avec la Beauce. L'usage de cette nomenclature administrative d'une âpreté absolue, apparaît comme une norme d'unification d'un ensemble d'habitants concernait par les mêmes origines. Ce qui, en réalité, ne peut pas être le cas, car ce n'était déjà pas le cas entre un Léonard et un Trégorois. Et allez demander à un Trégorois ce qu'il pense des Léonards, la réponse ne changera pas d'un iota : "Ils sont près de leurs sous !", ce qui revient à avancer que les Trégorois, non, car ils n'en n'ont pas. 

Le pire dans tout ça c'est que certains abusent dans leur descriptif du terme de "territoire" (et ça en devient insupportable, surtout si le journaliste le prononce à son tour). Pour appuyer ce propos, je retiendrai l'interview de Benjamin Keltz dans le journal "Bonjour Bretagne" de Tebeo du lundi 20 novembre 2023. Il est invité sur le plateau pour présenter son livre sur le sujet des maisons secondaires en Bretagne. Du coup, il a utilisé presque une cinquantaine de fois le mot "territoire" tout au long de son laïus. Au secours quoi ! Pourquoi ne pas dire "Pays de Saint-Malo" ou dans le "Vannetais" ? Du coup, ça me fait penser à la nouvelle génération qui se débarrasse des termes relatifs aux liens de cause à effet pour les remplacer par "du coup". Tiens, j'ai écrit laïus avec un "i tréma", et là, ça va de soi ?

dimanche 24 septembre 2023

Mesures écologiques. Le miroir aux alouettes de la compensation

Pour contrecarrer la nécessité d'amoindrir voire d'aliéner l'expansion urbaine, le législateur a mis à la disposition de l'aménageur un arsenal de contre-mesures qui lui garantit de parvenir à ses fins, tout en lui prodiguant l'image dévoyée d'un politique soucieux de l'environnement. Concernant un élément de cet arsenal, on peut lire pour la séquence "éviter-réduire-compenser"  sur le site de l'Office française de la biodiversité (OFB) :

"La séquence "éviter-réduire-compenser", dite ERC, est une déclinaison technique et opérationnelle des engagements internationaux, communautaires ou nationaux pris par la France en matière de préservation des milieux naturels. Elle vise à concilier développement économique et enjeux environnementaux, en constituant le fil conducteur d'intégration de l'environnement dans les documents de planification et les projets d'aménagement du territoire. Pour ces derniers, il s'agit d'éviter toute atteinte aux milieux naturels et aux services associés; à défaut de les réduire; et, en dernier lieu, de les compenser.

Introduite en droit français en 1976, la séquence ERC vise depuis 2016 une absence de perte nette de biodiversité dans la conception puis la réalisation de plans, de programmes ou de projets d'aménagement du territoire. Elle est l'une des actions phares du plan "Biodiversité. Tous vivants" du ministère de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires."

Face à la recrudescence des oppositions autour des enjeux d'aménagement urbain et par voie de conséquence de leur impact néfaste sur l'environnement, la mise en application de cette séquence s'est fortement accentuée depuis 2016. L'aménageur-bétonneur politique, qu'il se nomme Dominique Cap ou François Cuillandre, a bien compris l'utilité d'un tel dispositif et le brandit dorénavant comme un Totem pour justifier le nécessaire essor économique ou le besoin de l'offre en logements. Car, en effet, si au départ ce triptyque technocratique semblait temporiser certains engagements "hectarivores", l'aménageur a très sournoisement effacé les deux premiers objectifs "éviter" et "réduire" pour ne conserver que la compensation comme moyen de supercherie. A titre de comparaison, on retrouverait le même détournement abusif dans les dérogations accordées par la Préfecture du Finistère pour la destruction des espèces protégées. 

Le énième effacement d'une zone humide de 800 m2 pour l'agrandissement du chemin de Kerneval sur Plougastel-Daoulas en est la parfaite illustration. L'organe administratif qui chapeaute les dossiers sur la gestion des zones humides est la Commission Locale de l'Eau, au sein du Sage de l'Elorn. En 2017, un des points à l'ordre du jour de la réunion concerne la mesure de compensation accordée pour les travaux de Kervenal. Les premières investigations sur Plougastel-Daoulas ayant échoué, il est décidé d'un emplacement sur la commune de Guipavas, d'un terrain appartement à Brest Métropole située entre la rue de Kerdanné et le Boulevard F. Mitterand, en plein cœur d'une zone fortement urbanisée. D'une superficie de 1750 m2, cette parcelle, cadastrée au départ comme une zone humide, a disparu progressivement sous des remblais accumulés pendant des décennies et dont on ignore encore la nature. 6 ans après cette décision de la CLE, le chantier de déblaiement a débuté à la mi-septembre de cette année. Sauf que durant les cinquante dernières années la nature a repris ses droits et a développé une végétation, dont des espèces invasives, que le technicien du Pôle Ecologie Urbain qualifierait de peu d'intérêts écologiques, des commentaires qui s'ajouteraient au peu de présences avérées d'animaux sauvages, ce qui pourrait se comprendre au regard de l'emplacement enclavé de la parcelle. Et d'ailleurs, à qui la faute si la Renouée du Japon ou le Dalhia ont pris leur aise à défaut d'entretien ?

Tout défenseur de l'environnement devrait se réjouir d'une telle opération de réhabilitation d'une ancienne zone humide qui jouait parfaitement son rôle en terme de corridor écologique et d'habitat naturel pour des espèces associées à sa fonctionnalité. Pourtant ce ne sera pas le cas pour de nombreuses associations de protection de l'environnement sur la région brestoise (AE2D, Costour Poumon Vert, la LPO, le Groupe national de surveillance des arbres, A quoi ça serre) qui s'insurgent contre l'abattage d'arbres en pleine croissance et qui avaient investis les lieux. Il existe effectivement des zones naturelles qui méritent d'être réhabilitées, à la seule condition encore une fois que l'aménageur ne rime pas avec perturbateur, sachant que pour ce cas de figure, aucune garantie n'est apportée quant à la repopulation par les espèces d'une parcelle  coincée dans un secteur densément artificialisé et sous la contrainte de pollutions urbaines

Photos : P. Le Roux

mardi 5 septembre 2023

A quoi ça serre dans le Canard

Jean-Luc Porquet, écrivain et journaliste du "Canard Enchaîné", traite du sujet de la pénurie locale de main d'œuvre dans les serres industrielles et le recours à celle notamment subsaharienne comme à Plougastel-Daoulas(29). L'association "A quoi ça serre" est mentionnée, on ne va pas bouder son plaisir, c'est presque une consécration. A quand un article sur les bourdons d'élevage ?




jeudi 31 août 2023

Les bourdons d'élevage polluent depuis 30 ans

L'avènement de l'agriculture industrielle depuis le début des années 90 a vu l'apparition de nouvelles pratiques qui ont densifié les rendements au m2 générés par l'expansion de serres à production notamment de tomates et de fraises. La Bretagne, et plus particulièrement le Finistère, terre agricole par excellence, n'ont pas échappé à des phénomènes de changements dans la conduite des cultures avec l'introduction de la biotechnologie.

Présentation au public d'une ruche de bourdons Saveol

Pour parfaire leurs techniques culturales, les apprentis sorciers que représentent les dirigeants des coopératives les plus mercantiles ont modifié la façon dont les opérations des plus naturelles de pollinisation s'effectuaient par les butineurs dans la nature, en recourant massivement et à une échelle industrielle, au Bombus terrestris, le bourdon terrestre d'élevage, ou encore surnommé le "cul blanc". Ainsi cette abeille des plus performantes, au génome probablement modifié afin surement de la rendre moins vulnérable aux pathologies, assurait à l'agro-industriel une production dès plus conséquente, conforme à des normes de calibrage sensées répondre aux besoins du consommateur. Mais pas seulement. La collaboration active d'un auxiliaire vivant redorait l'image quelque peu ébréchée de l'industriel et pouvait dès lors l'associer à une vision naturelle d'une production généralement confinée et hors-sol.

Oui mais voilà, il serait vain de croire que le bourdon d'élevage limite sa recherche de pollen aux seuls plants de tomates. Sa vocation est toute autre et sa voracité, ainsi que son adaptabilité, l'entraînent en dehors des rangées bien ordonnées pour s'égarer dès que les trappes sont ouvertes, jusqu'à 3 km à travers une flore sauvage qu'il explore parfois bien avant les populations locales sauvages. Ce bourdon d'élevage se retrouve donc aux contacts répétés de congénères dont l'existence est sérieusement bouleversée par une telle concurrence. Si comme le rapporte Jacques Le Gall, producteur de fraises chez Saveol, les premiers bourdons sont libérés dès la mi-janvier jusqu'à approximativement la fin août, avec une production de 15000 ruches par an, c'est à un véritable tsunami sans fracas auquel sont confrontés depuis plus de 30 ans les autres pollinisateurs endémiques, dans leur besoin vital d'extraire leur subsistance. Pire, la répétition annuelle d'une cohabitation indésirable a sûrement falsifié les caractéristiques innées d'individus s'établissant dans la circonférence des serres industrielles. Benoît Geslin, professeur agrégé à l'Université de Rennes, ne dit pas autre chose : "Ces populations d'élevage "polluent" très certainement les populations locales et doivent "gommer" certaines de leur adaptation". Il y a pas d'autre terme pour qualifier ces changements préjudiciables à la biodiversité que celui de pollution génétique. S'ajoute à cela, la probable substitution de populations de butineurs sauvages par celle issue de couvains industriels. C'est à dire qu'à force de concurrence exacerbée, les autres espèces de bourdons finissent par abdiquer. N'aurions nous pas alors affaire à une double peine avec l'effondrement des espèces dans ces lieux exposés à l'implantation des serres ?

Devant un tel phénomène et à ce stade de la commercialisation des ruches de bourdons, on s'attendrait à découvrir un discours à charge ou tout du moins une littérature scientifique abondamment consacrée à ce sujet depuis 30 ans. Mais force est de constater que l'on doit se contenter d'une portion bien mince dans la recherche scientifique française, à l'instar des travaux écologiques d'interactions des pollinisateurs publiés en janvier 2017 à travers des études de cas, même si elles ne font toutefois pas état de l'incidence du Bombus terrestris d'élevage utilisé dans les serres sur le milieu naturel dans l'hexagone*. Au contraire même. L'enthousiasme des rédacteurs de sites sur l'utilisation des bourdons d'élevage vient sournoisement détourner l'attention que mérite indéniablement ce traumatisme que vivent, dans l'indifférence quasi-générale, les populations de pollinisateurs sauvages.

Il est donc fort à parier, vue l'ampleur de la catastrophe que la parcelle de lindouar du Dreff à Plougastel-Daoulas, située à 800 m des premières serres implantées au Cosquer Saint-Jean, n'échappe pas à la visite de bourdons sponsorisés "Saveol". La haie de consoudes, plante dont raffolent ces intrus, a été installée par un adhérent de l'association "A quoi ça serre" afin que ces légumes profitent avant tout de la complicité de pollinisateurs sauvages, et non de bourdons "Saveol". Par conséquent, le préjudice environnemental subi par cet adhérent est avéré. Il va s'en dire que cet adhérent ne se contentera pas de constatations. Une des premières étapes, et non des moindres, sera d'exiger auprès des autorités ministérielles ou du législateur, que les serres soient reconnues comme ICPE : Installation classée protection de l'environnement. Mais ce ne serait qu'une première étape.

*On apprend à la lecture du document que le marché mondial des colonies du Bombus terrestris atteint plus de deux millions de colonies échangées par an. Suite à ce commerce massif de colonies, de nombreux pays ont signalé des cas d'invasion comme en Nouvelle-Zélande, au Japon ou encore en Isarël. Et rien en France ? Lire aussi : https://www.lesbelleshistoires.info/le-bourdon-terrestre-une-espece-invasive/Auteur: S Delorme)

Deux vidéos sont à la disposition des lecteurs. La première montre la présence turbulente du bourdon terrestre sur les fleurs de consoude (mai 2023). Dans la seconde vidéo, le bourdon terrestre a disparu. Cela peut s'expliquer par la fermeture des trappes des serres à cause d'une météo peu clémente et/ou de l'interruption de l'usage des ruches par les serristes (fin août 2023).

https://www.youtube.com/watch?v=u07YbeA-PZk&feature=youtu.be

https://www.youtube.com/shorts/QSI_D8UGVQM