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mardi 21 novembre 2023

Non, la Bretagne n'est pas un territoire

On assiste en Bretagne depuis une dizaine d'années à un exercice volontaire de dénivellement de ses particularismes nationaux, à moins que l'objectif inavoué soit celui de l'effacement complet d'une ethnie séculaire au nom de la sacro sainte républicaine "une et indivisible" ou celui plus étonnant du dogme du modernisme de la communication par la fibre optique. Les deux à la fois peut-être. 



Dans notre Pays, les exemples de destruction de son identité ne manquent pas, qui plus est, sortis des contextes de maintien en pointillé des langues du breton et du gallo. On pourrait commencer par les panneaux de lieu-dit que La Poste voudrait davantage franciser car Hent a loc'h ou Traoñ liorzh comportent un certain nombre de difficultés pour l'acheminement du courrier toujours plus connecté. C'est vrai que loch (sans le "apostrophe h") qui signifie "loche" serait plus adapté aux habitants qui apprécieront la comparaison avec une limace, et le "traon liorz" (sans ñ tilde) ajouterait à la fantaisie de la toponomie bretonne, et dans bien des cas, qui souffre déjà d'un affichage nettement improvisé. Sans compter les variantes qui épuisent la lecture numérisée des colis, d'où une productivité contrariée; Toull ar blei ou Toull ar bleiz ? Dans certaines communes il serait même question de tout gommer et remplacer ces lieux-dits historiques par des noms de fleurs ou d'oiseaux : la rue du Muguet ou des Bécasses, au choix et selon la composition du conseil municipal qui vire à gauche ou qui penche à droite. A moins de "Villeneuve" qui pullule en substitution à "Kernevez". 

Autre cas de figure, le ñ sur le prénom Fañch. L'affaire du premier petit Fañch, qui occupa les médias régionaux dès 2017, sera suivie d'un nouvel éclat du Procureur de la République de Lorient cette fois-ci en 2023, dans une opération similaire de refuser aux parents la possibilité de faire apparaître dans l'état civil le "n tilde" sur le prénom qu'ils avaient choisi pour leurs garçons. Entre temps des parlementaires, dont Paul Molac, député du Morbihan et ex-Lrem, tentaient de légiférer sur le droit à inscrire dans l'état civil des signes diacritiques tel que "n tilde". En dépit des recours devant les Tribunaux en la faveur des parents des Fañch, les députés de la Macronie rejetaient en 2021 l'article concernant les signes diacritiques, se référant, en autre et de manière malhonnête, à l'article 2 de la Constitution française. Malhonnête parce que le rappel à ce que "la langue de la République est le français" reste d'abord et avant tout la résultante de réactions épidermiques des linguistes hypocondriaques qui s'opposaient à l'introduction massive des anglicismes dans le jargon quotidien des Français. La langue française était déjà particulièrement menacée par l'invasion anglo-saxonne. Il est donc fort aise aux législateurs et aux représentants de la Justice de discriminer une langue parce que justement le but premier de cet article ne visait pas les langues minorisées de France.

Dans un autre registre, mais qui consiste également à lisser les différences nominales, la notion de "territoire" a rayé de la carte toute la richesse topographique admise depuis des siècles à désigner telle ou telle contrée en Bretagne. Il n'y a pas de territoires en Bretagne, il y a 9 pays regroupés sous un seul drapeau, ce qui en l'occurrence est assez unique en Europe. On peut discuter de l'origine épiscopale de ce découpage, quoique en lien étroit et pertinent avec la nature de la géographie bretonne, mais on peut pas s'accommoder d'un discours normatif qui consisterait à rendre équivalent le Penthièvre avec le Périgord, le pays Bigouden avec la Beauce. L'usage de cette nomenclature administrative d'une âpreté absolue, apparaît comme une norme d'unification d'un ensemble d'habitants concernait par les mêmes origines. Ce qui, en réalité, ne peut pas être le cas, car ce n'était déjà pas le cas entre un Léonard et un Trégorois. Et allez demander à un Trégorois ce qu'il pense des Léonards, la réponse ne changera pas d'un iota : "Ils sont près de leurs sous !", ce qui revient à avancer que les Trégorois, non, car ils n'en n'ont pas. 

Le pire dans tout ça c'est que certains abusent dans leur descriptif du terme de "territoire" (et ça en devient insupportable, surtout si le journaliste le prononce à son tour). Pour appuyer ce propos, je retiendrai l'interview de Benjamin Keltz dans le journal "Bonjour Bretagne" de Tebeo du lundi 20 novembre 2023. Il est invité sur le plateau pour présenter son livre sur le sujet des maisons secondaires en Bretagne. Du coup, il a utilisé presque une cinquantaine de fois le mot "territoire" tout au long de son laïus. Au secours quoi ! Pourquoi ne pas dire "Pays de Saint-Malo" ou dans le "Vannetais" ? Du coup, ça me fait penser à la nouvelle génération qui se débarrasse des termes relatifs aux liens de cause à effet pour les remplacer par "du coup". Tiens, j'ai écrit laïus avec un "i tréma", et là, ça va de soi ?

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