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mercredi 17 octobre 2018

Les vicissitudes d'une abeille sauvage, suite I

Retrouvez l'ouverture du récit ici

http://ddlabeillaud.blogspot.com/2018/10/les-vicissitudes-dune-abeille-sauvage.html

L’activité frénétique de l’Abeillaud combla les trois années qui suivirent. Entre les foires et les salons, les improvisations de rue perchées sur une ruchette où il clamait à qui voulait bien l’entendre son discours pour les élections « pesticilentielles » écrit à deux mains avec la complicité de Marcel de la gare, les actions « coup de gueules » des apiculteurs, les intrusions citoyennes comme au parlement européen ou chez Castorama pour dénoncer la vente du Round Up, le ralliement au procès des faucheurs volontaires de Colmar, l’organisation de Marches contre Monsanto,… Chaque journée se remplissait telle l’alvéole dans un cadre, d’un sentiment onctueux et liquoreux, et pouvait l’emmener loin dans ses démarches. Au moins jusqu’à Bruxelles au siège de la Commission européenne et à Strasbourg au cœur du Parlement européen, pour faire part, auprès des eurocrates et des députés, de son inquiétude liée à l’agression que subissent les abeilles.

Bruxelles, mardi 27 septembre 2011. 10h30 rue de la loi.
Didier est serein. Il enfile le déguisement de dédé l'Abeillaud dans une rue étonnamment calme, adjacente à l’avenue où se situe le bâtiment de la Commission européenne. V., sa logeuse bruxelloise, lui a fait savoir que ce mardi était pour  les francophones une journée chômée. La ville elle aussi est au repos. Quelques passants, incrédules du spectacle qu'offre  la transformation au cul de la voiture, une autre logeuse improvisée, viennent interrompre l’immobilisme des lieux.
Didier est à Bruxelles depuis la veille. Après avoir quitté la Bretagne en début de matinée, il traverse la France durant la journée. Il décide d'emprunter l’autoroute pour  gagner 2 heures de conduite car une douleur lui tiraille le bas du dos, depuis quelques semaines, quand il roule plus d'une heure. Il a fini par aller voir mon toubib mais le traitement anti-inflammatoire qu'il lui a prescrit lui donne des maux d'estomac. Donc pas de médocs. Tant pis. Didier supportera les lancements de ce nerf vicieux. Il faut d’ailleurs qu’il n’y pense plus quand il arrive en Belgique, car la « 4 voies » manque sérieusement de confort. Le macadam est jonché d’ornières plus ou moins entretenues. Les panneaux « ornières fréquentes » l’amusent follement car installer des indicateurs pour des trous lui fait penser qu’ils seront là encore pour  un bout de temps ! De chaque côté de cette route rectiligne, une rangée d’arbres ininterrompue l’emmènera jusqu’à Bruxelles. Il arrive au bon moment. Il est 18 h. La circulation est à son summum et il n’a pas réussi à joindre V. car Didier ne m’en sort pas avec les indicateurs téléphoniques. « Bip bip bip bip… », « Allo V. ? Ah non ce n’est pas V. », me répond la voix d’un homme. La nuit s’installe et les clignotants de la voiture ont décidé à ce moment là de faire le service minimum. Pas de panique Didier a le GPS. Il finit par se prendre au jeu en se comportant comme un bruxellois, enfin il essaye. Une queue de poisson, parfois deux. Ah merde ! Le feu était rouge… Et il est passé, il se faufile et se défile. Le tram traîne en longueur.  Il dandine, à gauche puis à droite. Il s’arrête lui au feu rouge. Il prend son temps pendant que l’obscurité s’agglutine inéluctablement. Pas de panique, Didier a le GPS. 19 h. Il parvient enfin à ma destination, rue … Chez V..
V. est une jeune bruxelloise qu’il a croisée quelques semaines auparavant dans les Hautes-Alpes. Ils ont échangé quelque peu en évoquant la Bretagne et ses séjours chez un cousin des Côtes d’Armor. Didier lui suggère de noter son adresse au cas où le périple à pied l’emmènerait au pays. Elle promet de lui adresser une carte postale dès qu’elle arrive sur Nice. Ce qu’elle fait. Sans la connaître Didier a alors senti qu’il pourra compter sur elle lorsqu’il organisera son voyage. Après lui avoir expliqué ses intentions par internet elle accepte de le recevoir chez elle. De visu, il s’aperçoit en fait qu’ils partagent un certain nombre de valeurs et d’engagements. Ces 2 jours sur Bruxelles ont été denses grâce à sa disponibilité.
Mais au fait, pourquoi dédé l'Abeillaud est-il à Bruxelles en ce début d'automne ? Replay. Didier ne m’attardera pas sur le passage de dédé l’Abeillaud, fin avril à la Cecab de St Alouestre, dans une action de désobéissance civile orchestrée par les faucheurs volontaires, mais Didier découvre que son intervention improvisée a marqué les esprits, notamment celui de Marcel de la gare. Pourtant Didier pressent qu’il ne sens pas complètement armé pour soutenir l’abeille devant la commission car c’est de cela dont il s’agit. On lui pose souvent maintenant la question : « Tu es apiculteur ? », il répond « Entre apiculteur et abeille j’ai choisi abeille ». Ainsi Didier pense pouvoir garder son libre arbitre et peut plus aisément se présenter comme individu de la société civile, sans partie prix, en tout cas visible, pour interpeller sur le sort de l’abeille. Donc pour préparer ses entretiens de septembre il convainc la Ffap (Fédération française des apiculteurs professionnels), de lui apporter un appui technique (argumentaires sur les pesticides,…). Il sollicite un soutien politique d’élu(e)s de la région Bretagne qu’il obtient. L’adhésion militante est quasi immédiate. Plus inattendu, et inespéré, est le soutien financier que lui apportent l’association des dessin’acteurs et le Comité breton de soutien aux faucheurs volontaires. Dédé l’Abeillaud a maintenant une espèce de légitimité et il se sent pousser des ailes !
Alors que l’entretien qu’il sollicite auprès d’un membre du cabinet de John DALLI, en charge des questions de santé au sein de la Commission européenne, est assez rapidement acté,  il a plus de difficultés à rencontrer des députés européens du groupe « les verts/ALE » au Parlement. Didier a donc rendez-vous, enfin, on devrait plutôt préciser, dédé l’Abeillaud a rendez-vous avec Mr Vassallo, collaborateur  du commissaire. Il a à peine quitté la rue où stationne le véhicule que des gens, fumant la clope sur le trottoir, l’apostrophent et le soutiennent dans sa démarche. Il prend. Il prend leurs sourires et la sympathie qui se dégagent de ce bref échange. Il prend car il doit lever la tête pour apercevoir le sommet du bâtiment. Il n’a pas sa ruche aujourd’hui. Elle m’aurait été bien utile pour se sentir à la hauteur ! Dès l’entrée des regards amusés, indifférents, interloqués se posent sur dédé l’Abeillaud. Il essaye de les oublier pour se fixer sur son seul objectif : l’accueil !
« Dédé l’Abeillaud ?
- Oui ?
- Vous êtes attendu. Je vous prépare votre accréditation ».  Le type à l’accueil engage la conversation.
- Vous savez mon frère est apiculteur et il a énormément de perte d’abeilles. Ca devient vraiment problématique ! Souligne-t-il. Je vous souhaite bon courage ».
Didier est ravi de ce premier contact. Il doit patienter. Toujours  les mêmes regards. il fixe son attention sur un écran géant  qui diffuse les débats de députés au Parlement européen. Il n’a pas vraiment regardé car il  de se concentrer. C’est Catherine Saermans, secrétaire de Mr Vassallo, qui vient me chercher. Son empathie lui est agréable et c’est en plaisantant qu’ils  déambulent dans un dédale de couloirs jusqu’à la salle où l’attend l’eurocrate.
Didier n’est pas venu les mains vides et lui remet une bouteille de vin bio, transportée par bateau à voile et un bel ouvrage sur l’art en Bretagne. Après ces premiers instants déconcertants pour eux trois, la conversation s’engage. A leur demande il ne filmera que la première partie des échanges. Quel contenu pour quel objectif ? L’entretien dure ½ heure. Les sourires sont de circonstance quand Didier fait dédé, toutefois les positions sont clairement définies. Ca ne fait rien, il a obtenu ce premier rendez-vous. Catherine le raccompagne jusqu’à la sortie et lui confie ; «C’est bien ce que vous faites. C’est une jolie cause que vous défendez là ». Il suppose qu’elle sait ce qu’ils  savent. Arrivé dans la rue dédé se sent bien. Vivant. Souriant. Détendu. Il n’a plus qu’à redevenir Didier pour l’embarquer jusqu’à la prochaine étape, Colmar pour le procès de faucheurs volontaires, mais avant il a un crochet à faire à Strasbourg au Parlement européen, pour présenter dédé l’Abeillaud. Cette fois-ci il ne devrait pas être seul car, Zabeille en costume, arrivée sur Colmar pour le procès de faucheurs volontaires, lui confirmera sa présence.
Didier quitte Bruxelles au petit matin du jour suivant. Il vient à peine de traverser le Luxembourg qu’il reçoit un appel de Zabeille pour m’indiquer qu’elle prend le train pour rejoindre Strasbourg.  Il sent que ça va être phénoménal même s’il ne sait pas ce qui les attend là-bas. Il y a des émotions euphorisantes à vouloir se confronter à l’inconnu,  surtout quand il s’agit de se présenter dans un autre espace pour une cause qui paraît juste. Et il ne le fait pas seul cette fois-ci. Arrivé à Strasbourg j’embarque Zabeille qui attend à la gare. Ils élaborent très vite l’intervention de chacun, toi sur ton entretien de Bruxelles et les pesticides, toi sur la question des OGM. Il est déjà 11h00 et il faut faire vite car « on » a fixé un rendez-vous à 11h30, sans avoir de rendez-vous…. Le « on » en l’occurrence c’est Michel Dupont, attaché parlementaire de José Bové. Courant septembre ilss échangent par téléphone et, lui semble-t-il, ils arrivent à se mettre d’accord pour un entretien le mercredi 28 septembre à 11h30. Il s’agit de choper les parlementaires en séances à Strasbourg. L’actualité est, qui plus est, brûlante autour de la question de la trace de pollen OGM retrouvé dans du miel en Allemagne et la décision de la Cour de justice européenne d’émettre un avis défavorable à la commercialisation de produits contaminés.
Ils arrivent à destination. Cette fois-ci il sort la ruche et son chariot. Il les sent animé d’une volonté ardente. A l’entrée  la sécurité les voit arriver. Il faut improviser quelque chose. Tant pis Didier bluffe. « Bonjour. Nous avons rendez-vous à 11h30 avec Michel Dupont, attaché parlementaire de Mr José Bové.
-  Attendez ici un instant. Allo ? J’ai des abeilles qui ont rendez-vous, je les laisse passer ? … Ok. C’est bon vous pouvez y aller !
-  Ah ! Vous avez quoi dans votre ruche ?
-  Oh quelques accessoires, des autocollants…, vous voulez que je l’ouvre ?
-  Non, non, ce n’est pas nécessaire ». Didier aurai pu très bien dissimuler une bombe….
Ils passent sans encombre le premier niveau de sécurité. Pendant ce temps Zabeille, à son habitude, a déjà sympathisé avec un gars de la guérite. Première observation : les berlines sont légion et mieux traitées que les vélos que l’on a entassés en vrac à l’entrée. Ils pénétrent dans l’enceinte du Parlement. C’est un bâtiment cylindrique avec une énorme cour intérieure. Il doit bien s’élever sur 15 étages. Il faut maintenant trouver l’accueil, pendant que le kazoo fait des siennes et que les deux abeilles virevoltent. Porte C leur annonce-t-on finalement. Les attendent 4 à 5 vigiles dans leurs vestons identifiables. Même topo qu’à l’entrée. Cette fois-ci dédé ne peut pas se soustraire aux obligations d’usage et passe la ruche sur le tapis de détection. Il doit rapidement repérer l’accueil pour gagner du temps. C’est fait.
« Bonjour. Nous avons rendez-vous à 11h30 avec Mr Michel Dupont. Un homme consulte une liste ». « Quel nom vous m’avez dit ? Didier D. pour dédé l’Abeillaud ? Je ne vois nulle part votre nom… Attendez, je vais appeler ». Il décroche le téléphone et attend. « Ça ne répond pas » Le prévient-il, « oui ça c’est normal » Pense-t-il. « On va patienter un peu ? » Lui dis Didier. Ils profitent d’être là pour faire le show. Pendant ce temps ça tergiverse à la sécurité. Oui puis « Non vous ne pouvez pas passer ». Et puis « C’est bon à la condition que vous enleviez les déguisements ». Il ne sait pas ce qui est convenu mais il est obligé de ressortir et laisser Zabeille qui a gardé ses vêtements sous son costume. Didier ne sent pas découragé car de toute façon ils n‘avaient pas de rendez-vous. Il revient dans la cour pour s’amuser en attendant ma comparse. Sourires. Poses pour        les photos. Bourdonnement au kazoo dès qu’il croise un groupe, jusqu’au moment où je suis interpellé par un certain Roucou, attaché parlementaire du député Alfonsi pour le groupe « les verts/ALE ». Tiens ! Ca commence à bouger. Didier explique sa présence quand arrive Michel Dupont, suivi de près par un autre attaché parlementaire Bruno Le Clainche : 3 pour le prix d’un ! Je pense à Zabeille qui cherche en vain un contact. S’en suit une conversation avec ces messieurs. La séance est quelque peu chahutée. « Ca se prépare une intervention comme la tienne ! Et puis il ne faut pas oublier les médias !  Et puis on a des tas de dossier à gérer ! » Et puis et puis…. « Je ne comprends pas qu’un citoyen ne puisse pas obtenir un entretien avec un député. On est ici au cœur de la démocratie européenne avec des représentants élus par les peuples… Je voulais te parler de mon passage à  Bruxelles et Zabeille des OGM… Et puis tu es en train de me donner des informations importantes que je ne suis pas en état d’entendre… Tu te rends compte que la ½ heure que je demandais, tu la passes ici dans la cour avec moi… Je n’ai pas besoin te faire rappeler qui est ton patron ?... Tu as des tas de dossiers à traiter ? Tu veux que je te parle de ma vie ? Je suis au RSA. La voiture que j’utilise est celle de mon père décédé il y a quelques mois ! Elle n’est pas en bon état ! Tu veux que je continue ? ». Didier est obligé d’en arriver là pour que l’atmosphère tombe d’un cran. C’est incroyable… Zabeille est revenue et improvise un débat avec eux. Elle s’adresse à Michel : « Le procès a commencé à Colmar ? Tu nous rejoins demain ?
- … J’ai des dossiers en cours… Mais je tâcherais de venir. ». Il est venu. C’est bien.
Tout s’enchaîne très vite à Strasbourg. Zabeille essaye l’acoustique du lieu et son chant fait résonance. Une dame d’une soixantaine d’années avec un fort accent anglais demande à dédé si elle peut prendre en photo. Il accepte volontiers, quand ils sontt apostrophés par 1 femme et 3 hommes, dont le responsable de la sécurité, le grand chef quoi ! C’est sérieux pour le coup.
« Je vais vous demander de quitter les lieux. Les gens se plaignent car vous faites du bruit … Non, non ! Ne discutez pas ! Veuillez nous suivre s’il vous plait !
- Attendez s’il vous plait ! Intervient la dame à l’accent, ces personnes sont avec moi maintenant, ils vont sortir, je les accompagne ».
Lui baisse d’un ton et change d’attitude. Il sait à qui il a affaire. Pas eux. Dédé et zabeilles sont ravis et apprennent à l’extérieur que leur protectrice est une députée du nord-est de Grande Bretagne, Fiona Hall, en charge des questions… sur les abeilles. Le sort leur est extrêmement favorable. Les coordonnées sont échangées.
Direction ensuite Colmar où se déroule depuis ce mercredi matin le procès d’une soixantaine de faucheurs volontaires. C’est Zabeille qui conduit car Didier a gardé son déguisement de faux bourdon. Après un passage au Tribunal d’assises, où se sont retrouvés plus de 300 personnes en soutien aux prévenu(e)s, Didier enquille pour 3 journées de représentation de dédé l’Abeillaud. Aux quatre coins de la ville il installe la ruche pour le discours aux élections « pesticilentielles », il distribue des tracts, et « kazouille » de jeunes filles en jolies fleurs. Elles l’invitent même dans un lycée privé où, malgré l’accueil exalté d’adolescentes, le mitraillant avec leur portable, dédé se fait virer par un professeur parce que « Monsieur, vous n’avez rien à faire ici, c’est illégal ! ». Tant mieux si c’est illégal Madame, dédé voulait seulement prendre quelques minutes pour expliquer ce qui se passait au tribunal.

L’expédition de dédé l’Abeillaud s’arrête là. David lui a continué son chemin vers la Franche-Comté puis Genève pour la vigie devant l’OMS. Au retour en Bretagne Didier a rendu visite aux occupants du site de ND des Landes. Toutefois, le summum de son butinage virevoltant fut, sans conteste, l’épopée de l’élection présidentielle de 2012. 

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