L'arrivée du phénomène "bonnets rouges" en Bretagne a eu le mérite de décomplexer le discours des producteurs agricoles envers un certain nombre d'intervenants, responsables à leurs yeux, de leurs tracas administratifs dictés par l'application de règles environnementales. Un coup c'est la faute de l'Etat, un coup c'est l'Europe, un coup ce sont les écologistes. Ces derniers ont toutefois la faveur de leur matraquage, car il semble à l'évidence, que ceux-ci ne leur garantiront pas, contrairement à l'Etat (pacte d'avenir en Bretagne), une écoute favorable à leurs doléances menaçantes et seraient plutôt perçus comme des nuisibles voire comme des "extrémistes", selon Olivier Billon de la CDJA 29.
Ces producteurs pourraient se modeler sur un certain Nicolas Sarkozy, qui en son temps, avait déjà favorisé le terreau de la parole libérée sur des thèmes défendus, en apparence seulement, par le Front National, trouvant un écho retentissant auprès des adhérents de l'UMP, favorables aux thèses de l'extrême droite, sur l'immigration, sur le fonctionnaire, sur le chômeur; même principe, même punition : "c'est la faute de l'autre, que l'on me débarrasse d'eux !". Dès lors, l'électeur du Front national, ancien communiste, comme roturier, ne se cachait plus dans son isoloir et s'extasiait publiquement de son choix pour la France d'un vote "bleu marine".
Si en Bretagne les producteurs agricoles, majoritairement de droite , se sont gardés, de ne pas collaborer à l'essor du FN dans la région, leur ras-le-bol fiscal s'est bien niché chez les Bonnets rouges. Surement parce qu'ils ont bien compris aussi que leur intérêt d'économique productiviste, vouée aussi à l'export, se conjuguait à merveille avec d'autres intérêts, tel que l'emploi dans l'agro-alimentaire, vital pour le socle politique des socialistes en Bretagne. Dernière exemple en date de cette connivence étroite, l'intervention de Noël Le Graet, baron socialiste dans les Côtes d'Armor, à l'AG de l'association "Agriculteurs de Bretagne" qui par son :"vous devez être fiers" leur assure son soutien d'industriel et de politique. "Le poulet premier prix, ça va se terminer" analyse encore Noël Le Graet, à qui il est fortement conseillé de visionner la dernière enquête sur la filière volaille de "Capital" sur M6. Ici la biotaupe fonctionne bien, quitte à fermer les yeux sur la destruction de matériel de voirie ou sur les menaces contre des activistes écologiques. Après tout, l'ordre républicain veille au grain, renforcé de surcroît par les discours offusqués des socialistes. On peut donc dormir tranquille.
Que reprochent les producteurs-pollueurs exactement aux écologistes bretons, éluEs ou pas, et à certaines associations ? Tout. Avec excès et sans exceptions. Grosso merdo, pour aller de haut en bas dans leur organigramme, rendons ici hommage à leur golden agro-business boy, ils font barrage à "la compétitivité", sous entendu au progrès technologique comme les cultures OGM, cher à Xavier Beulin, patron de Sofiprotéol, actionnaire de la holding Glon-Sanders et à la tête de la Fnsea.
"Ils chassent en meute" selon le porte parole de la Fdsea 29, Thierry Merret, leader des Bonnets rouges. Ce message s'adresse tout particulièrement à "Eaux et Rivières", ou "Bretagne Vivante", auxquelles il reproche d'être des donneurs de leçon et surtout de ne rien comprendre à l'agriculture qui reste un métier de connaisseurs. "Les paysans ont un niveau de formation et de compétence élevé, ils se
forment tout au long de leur carrière professionnelle. De qui se
moque-t-on ? Les ingénieurs agricoles, conseils de nos organisations,
vont aussi apprécier d’être "disqualifiés" !" dixit Thierry Merret, chacun son métier et les vaches seront bien gardées. Conspuant toute forme d'intégration environnementale, lui préférant certainement celle des éleveurs de Doux, il prévient : "Cette intrusion des associations dans la gestion même de notre outil de
production ne pourra rester sans réaction de notre part : la ligne rouge
est franchie". Les menaces se précisent, reste maintenant à savoir sur quel terrain de chasse.
"Toutes ces associations de défense de l'environnement sont des destructeurs de l'économie et de l'emploi", déclaration d'Olivier Billon, jeune président de la CDJA 29. "Elle n'ont jamais rien crée. Jamais de profit ou de la Valeur ajoutée". Point d'agriculture productiviste et polluante, point de salut dans l'offre d'emploi en Bretagne. Enfin tout dépend à qui s'adresse cet emploi très attractif. Parce que si ce principe s'applique à la main d’œuvre étrangère, présente dans les champs d'échalotes, à défaut de candidature locale, à fortiori la question se pose de savoir si ces employeurs ne seraient pas à leur tour accusés d'être les fossoyeurs des acquis sociaux et du nivellement vers le bas des conditions de travail en France, sans parler de la santé de ces salariEes ; le dumping social n'a pas la même saveur quand il est "produit en Bretagne", que lorsqu'il profite à l'Allemagne et à ses abattoirs.
L'ensemble de ces protagonistes a obtenu un mandat de représentativité syndicale et d'exposition dans les médias. L'influence qu'ils exercent sur leurs adhérents peut générer des débordements. Et plus on descend dans cet organigramme et plus la vindicte est pesante. Les prises de position des défenseurs de l'environnement ne sont pas seulement préjudiciables à leur intégrité physique, par des éventuels passages à l'acte, en soi perturbant déjà leur vie sociale. Elles prennent un tout autre caractère sur leur droit à l'expression publique quand ils relèvent l'impact de la toxicité des activités agricoles sur tous les organismes vivants, appuyé en cela par de plus en plus d'études de toxicologie à charge ou sur des témoignages d'anciens salariés de l'agro-industrie. De fait, leur propos est encore plus grave s'il porte atteinte à ce droit de pensée et d'agir. En tant qu'écologiste breton et pour éviter le pire, ne pourrions nous pas alors les qualifier de danger public ? N'assistons-nous pas là à la naissance d'un corporatisme inquisitoire, imposant son modèle ?
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