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lundi 23 février 2015

le naufragé de Sieck

     https://www.youtube.com/watch?v=nfwWKCRth_A&index=28&list=RD22hEbOyWr3U

merci à Tiersen

     Juste une aquarelle en miroir de toi. Je n’ai rien d’autre dans le baluchon de mes souvenirs. Je n’ai besoin de rien d’autre d’ailleurs. Ce n’est pas tant la toile qui me pèsera, de petite taille est le format. Tout est là, tes cheveux, ton sourire, ta voix. Ce qui me pèsera est le reflux du destin que nous aurions dû dessiner ensemble. Je n’ai pas fini de t’aimer.

     La charge, accablante, laissera durablement des traces sur ce plateau de sable. Car je parviens à Sieck, ou plutôt sur son fronton dunaire. J’ai besoin d’une Ile. Même imaginaire. N’est ce pas le meilleur refuge pour les naufragés ?

     Ma longue attente fait une pause devant ce nouveau péril. Une Ile, un souffle ultime. Je tends les mains en offrande et m’agenouille enfin. Je ferme les yeux. Tu es là, je suis serein. Ce sont les filles de l’océan qui s’entrelacent dans mes doigts, ces algues laminaires et brunes à n’en plus finir. Tentaculaires, elles me saisissent par la taille et m’attirent vers Sant Lec et son repère. Le chemin en lacet est ouvert.

Par le passé je venais déjà ici, naviguer, sous l’apparence d’un aïeul, modeste pêcheur côtier. Je le sens trimer au passage de l’ilot Golhédec, où s’entassent les goélands. Puis surement abritait-il son navire dans l’anse du port, protégé par le dôme offert aux caprices de la mer. Il a souvent peiné pour amarrer sa marée du jour, encore gorgée des eaux salines et du bleuet des sardines. Tous ces efforts ont fini échoué sous la forme d’une épave à l’ombre des futaies qui balisent la crique.

      C’est là que je vais, rejoindre cette épave, squelettique et pavée de mollusques. J’errerai tel ton exilé sans trésor. Entre les rochers de Calhic et de Vengam j’entends déjà la plainte des noyés du Wilfred, le 3 mâts anglais qui se fracassa sur les mâchoires de Sieck. Mais la patience fleurit dans les prés tardifs et j’aime à m’attarder dans les contours ombrageux de leur lamentation, elle ressemble à la mienne, née de ta gestation.

     Ce n’est pas encore cet hiver, ni celui qui reviendra après les maintes raisons de vivre, mais sans un amour pareil au tien je finirai par me sacrifier à la chapelle de Saint Hyec, et tout comme elle, disparaître au son de la lyre des ténèbres, sans lendemain.

       En attendant, je n’ai pas fini de t’aimer. Je n’ai pas fini de souffrir.

DD

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