Chez Gérard les emballages plastiques côtoient dans l'évier la vaisselle ordinaire et s'entassent quotidiennement auprès des verres, comme un geste rendu banal. Sachet de jambons et assiettes font bon ménage dans les bulles du liquide vaisselle depuis presque 15 ans. Contrairement aux apparences, ce n'est pas une négligence de la part de la famille de mélanger les déchets plastiques alimentaires, autres tubes d'aspirine, aux couverts des repas. Bien au contraire. Gérard s'assigne consciencieusement à retirer tout type de matières plastiques et de déchets à base d'aluminium de la collecte des ordures en les soulageant de leurs souillures alimentaires. "Il s'agit de santé publique et de protection de l'environnement. A t'on le droit de ne rien faire ?" tonne l'ancien syndicaliste.
Car avant de consacrer une partie de son temps libre au nettoyage et à la récupération de ses propres déchets, Gérard, chaudronnier à partir de 1974 au sein de la DCN (Direction des constructions navales) n'en est pas à son coup d'essai sur la prévention des risques liés à la santé et prenait déjà le sujet très au sérieux. Au point où il élabora en tant que délégué au CHSCT (Comité d'hygiène de sécurité et des conditions de travail) un certain nombre de rédaction sur les réglementations de sécurité et de risques applicables sur les chantiers de la DCN de Brest. Il n'a d'ailleurs pas ménagé sa peine pour s'attaquer aux travaux de désamiantage des navires militaires (de surface ou sous-marins) et pour dénoncer les risques d'exposition à l'amiante des employés, créant en 1987, par sa seule initiative, une équipe s'attelant à la prévention et la sécurité au travail. C'est durant ce parcours professionnel que Gérard développe une forte sensibilité à la prévention des risques sanitaires, quelque soit le milieu et le type de toxicité.
Parvenu à la retraite en 1997, Gérard se penche alors sur le cas des déchets et notamment du plastique et de l'aluminium. "Notre mode de vie n'échappe pas au plastique. Je nous définirai même comme la civilisation du plastique" avance t'il. Les préoccupations de prévention sanitaire sont les mêmes qu'auparavant, rejointes rapidement par celles sur l'environnement. "Il émane de la combustion du plastique des éléments toxiques qui se répandent dans l'atmosphère". Gérard décide donc de retirer de ses ordures les déchets plastiques afin de ne pas polluer à son tour, avec une vision bien arrêtée sur le sujet : "Les déchets sont la partie visible d'une non maîtrise de la production industrielle. Un déchet a quelque chose de négatif, même dans le mot lui-même : on s'en débarrasse, on ne veut plus le voir. Or au départ la matière première n'est pas inépuisable, les processus de recyclage existent mais ne sont pas assez conséquents". C'est vrai que seul 20 % de l'aluminium est recyclé.
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Plus de 200 kg d'emballages sont stockés dans le garage de Gérard |
Pour Gérard pas d'alternatifs : "Les matières plastique et d'aluminium ne peuvent être récupérées et stockées que si elles sont nettoyées". Tout y passe, rien n'échappe à la vigilance du collecteur : du traditionnel pot de yaourt aux capsules expresso. "Je garde les tubes homéopathiques, les flacons de cosmétiques, desquels je décolle le papier. Les rasoirs sont inertes après avoir retiré les lames, je vais jusqu'à ôter l'opercule des boites de sel". Tout au long de ces quinze années les matières plastiques s'accumulent et viennent gonfler des sacs de la taille d'un enfant pubère. La place commence à manquer dans le sous-sol même si régulièrement Gérard parvient à éliminer une partie de ces encombrants (journaux, cartons, plastique) en les adressant à une association de réinsertion à Guipavas, "Terre en espoir papier". Cela ne suffit pas à soulager le garage car régulièrement d'autres emballages viennent rejoindre le stock des flacons de shampoing, même si Gérard a modifié depuis 2000 ses pratiques en privilégiant davantage de vrac et des conditionnements plus neutres.
C'est suite toutefois à la lecture d'un article de presse, mentionnant les activités militantes de l'association // Prod autour du plastique, que Gérard entrevoit une possibilité d'exploiter dans les domaines de la créativité le plastique accumulé, afin de sensibiliser le public à la pollution diffuse, au poids et à la place de ce déchet dans cette pollution. Des pistes sont dès lors déjà évoquées avec // Prod.
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Compositions avec un usage détourné de la matière plastique |
"On doit parvenir à bousculer les consciences. Sinon le consommateur doit en assumer les conséquences, et supporter les dangers qui menacent les écosystèmes; il existe des espèces qui n'ont pas encore été découvertes qui sont en train de disparaître" s'insurge Gérard. Il y a de quoi en effet.
Bravo Gérard et merci David pour cet article ! Je ne comprends d'ailleurs pas pourquoi, en France, tout ce plastique n'est pas recyclé. Dans d'autres pays européens cela se fait. Quant aux bouteilles et pots de yaourts, le verre était utilisé il y a quelques années et cela ne semblait pas déranger les gens. De toute façon, il faut réduire, voire supprimer les laitages mauvais pour notre santé. (Comme le dit Belpomme, pas de "yaya" (yaourt) sauf à la grand-mère la veille de sa mort ! ). Quant aux bouteilles d'eau ... CP
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