S'il y a un sujet qui cristallise les tensions à Plougastel, c'est bien celui des voies d'accès et plus particulièrement le chemin. Autant l'affirmer dans un porte voix, c'est plutôt la croix et la bannière de faire entendre raison aux partisans de l'écartèlement et du déracinement qui revendiquent le droit à la fluidité du trafic, au déferlement de véhicules aussi lourds que leurs arguments glanés dans la boue du "sentier des douanes" de Penalein. Être contre l'arasement des talus, c'est se positionner contre le développement de la spécificité économique locale : l'agro-industrie et c'est d'être, à son tour, accusé de "détruire l'emploi". A Plougastel, pour se faire entendre, il faut sortir des sentiers battus, quitte à ce que cela paraisse condamnable. Dans ce cas de figure, être condamné n'a rien d'indigne.
Si, en ce début 2016, le chemin de Kervenal focalise l'attention, de par la présence heureuse d'une biodiversité à protéger, si bien décrite dans le livret du CPIE de Loperhet, c'est bien plus symptomatique d'une fuite en avant de la manière dont beaucoup conçoivent la mobilité des biens et des personnes et le mode de transport adéquat pour faire avancer tout ça. Après tout, n'ont-ils pas trouvé en la personne du maire un modèle peu sourcilleux de l'entretien des chemins de la commune, qui ne s'enlise pas dans les détails quand il s'agit d'accueillir une course cycliste sur les pistes du Difroud ? Dont la nature du revêtement est digne de déchets et de gravats, limite polluants, à traiter dans des centres spécialisés ?
Mais à la décharge de Dominique Cap, il apparaît encombrant de réussir à maintenir, entretenir, élargir, diversifier les différents types de tracé qui maillent le territoire dont il a la charge. L'héritage est lointain. Il s'enfonce ombrageusement dans l'histoire des 180 hameaux et villages de la presqu'île. Longtemps isolés, ces îlots copieusement conservés dans l'intimité des mœurs, sous le regard bienveillant et détourné de la sainte mère église, doivent, en partie, leur salut vers la modernité prospère, au développement de la production maraichère. D'où, d'un côté, l'intérêt pour les générations suivantes de leur prévoir un cordon sanitaire de 200 km de routes bitumées et, d'un autre côté, l'intérêt économique de prolonger ces routes par la construction de ponts bétonnés, traversant la rade. Au Passage, ces ponts emprisonneront pour perpétuité Plougastel à la CUB.
A vrai dire, et si on regarde de plus près la situation des chemins de la commune, l'observation d'un désamour entre le gestionnaire, même natif, et l'usager, qu'il soit sur une selle, sur deux axes, au pire sur un quad, agaçant sérieusement le septuagénaire de Traoñ liorzh, est flagrant. L'exemple récent, et le plus emblématique, restera la volonté de déclasser deux chemins aux abords du Boulevard Filliger pour accueillir le fantomatique projet du centre de formation du stade brestois. Ces chemins, rendus invisible par la végétation, ont pour mission d'être le dépotoir des eaux d'écoulement du bourg. Volontairement impraticables, Dominique Cap n'avait-il pas alors déclaré qu'il y avait suffisamment de chemins à Plougastel ? Sûrement. Mais ceux-là avaient la particularité de figurer sur les contours d'une trame verte.
Au-delà des manquements du bon usage au code de l'environnement, la désaffection se déporte sur d'autres voies. Si d'un côté l'élu Cardinal ne s'embarrasse pas sur la façon de procéder pour défoncer le patrimoine naturel et rural que représentent ces chemins, afin de satisfaire au déploiement d'une course cycliste, médiatiquement locale, il semble moins concerné par les quelques pistes cyclables qui couronnent le bourg. Pour preuve, les ornières gorgées d'eau qui parsèment les pistes, qui obligent le cycliste vigilant à se déporter sur la route. En terme de sécurité, il se fera maugréer par l'automobiliste qui lui rappellera, d'un poing indicateur, qu'un tronçon de route lui est quand même réservé !
Puisque vient d'être évoquée la sécurité routière, c'est tout à l'honneur des élus de la majorité d'afficher une attention particulière à sa bonne maîtrise. Les moyens coercitifs pour maintenir le chauffeur dans les limites des vitesses, imposées par la configuration des routes, fleurissent un peu partout (réduction des voies, rehaussement de la chaussée, ronds-points, panneaux signalétiques,...). Oui mais voilà ce n'est que de l'affichage. Se souvenir des propos de ce même maire qui affirmait en off, dix ans en arrière, qu'il est difficile pour lui de respecter la limitation de vitesse sur la pente de Kerhalvez, fait penser que leur déclaration s'apparente à de l'inutilité publique; "la règle s'impose aux autres, pas à moi". Tout comme est inutile de respecter la largeur réglementaire de 5 mètres à l'entrée de Kervezingar Huella car l'écoulement des eaux de toitures des serres a nécessité la réalisation d'une cuvette spécifique, empiétant d'1 mètre sur la voirie. A ne pas trop médire, il est logique d'évoquer la sécurité.
Pour revenir au chemin, en dehors du décor cadavérique que représente l'abandon des bâches agricoles sur les talus, certains, propriétaires ou pas, s’accommodent bien de faire passer à la tronçonneuse les arbres qui surplombent les chemins de randonnée sur le haut de Linspern. Défigurés, dénaturés, rendus impraticables par l'affleurement des pierres, ou tout au moins tolérés par les chevaux, ces chemins, classés pourtant comme sentiers de randonnée, donnent une valeur certaine aux souvenirs de ceux et celles qui apprécient les balades dans un écrin de verdure complètement dévasté. Ces quelques visiteurs, certainement égarés, ne manqueront pas de faire savoir à leur entourage la perte de temps que représenterait leur passage dans la presqu'île. Et pour tous les autres touristes, l'attractivité du calvaire, le Musée de la fraise et les visites guidées dans les serres de Saveol, suffiront certainement à satisfaire leur curiosité estivale.
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