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jeudi 16 février 2017

Vietnam. Entre invitée d'honneur et déshonneur des élus

 Par F. Oppermann. A quoi ça serre ?

Ce mardi 14 février "AQCS?" a invité à la Salle Frézier Tran To Nga a venir nous parler tout simplement de sa vie. En préambule, David Derrien, initiateur de cette rencontre a expliqué que c'est à travers ses luttes locales contre Monsanto et l'engagement d'André Bouny, qu'il a découvert le combat de Tran To Nga. Dés lors il lui semblait naturel de tout mettre en œuvre pour que Tran To Nga puisse faire partager au plus grand nombre son témoignage. C'est donc ainsi que David Derrien a pu, grâce à la gentillesse et la disponibilité de Tran To Nga, organiser une série de rencontres un peu partout en Bretagne. 
Si à chaque fois, ces rencontres ont été l'occasion d'échanges très riches, David Derrien a regretté que la demande qu'il avait faite auprès du maire de Plougastel et de tous les élu(e)s d'organiser une réception conviviale en l'honneur de Tran To Nga n'ait pas fait l'objet de la moindre réponse, hormis celle d'un conseiller municipal d'opposition (voir courrier en bas de l'article).
David Derrien
To Nga Tran
Heureusement la vie de Tran To Nga est tellement plus passionnante qu'elle n'a même pas relevé ce manque à la plus élémentaire courtoisie républicaine ! Car passionnante, la vie de Tarn To Nga l'est. Au cours de ces deux heures et demie Tran To Nga nous a littéralement embarqués avec elle dans ce pays qu'elle adore, un pays le Vietnam qui depuis des millénaires a connu les guerres sans discontinuité. Née dans le delta du Mékong, le fleuve aux 9 dragons, dont elle tire son courage, elle a aussi vu le jour sous le signe du cheval, ce qui la prédestinait sans doute à porter le fardeau des autres. Toute jeune, comme tant d'autres elle a été confrontée à l'horreur de la barbarie, son jeune frère mourant sous les balles alors que son grand père était gravement blessé lors d'une embuscade. Ce grand père qui restera pour elle un exemple car jusqu'au bout malgré ses blessures, il n'exprimera ni haine ni colère, en restant humble et silencieux. Très vite sa jeunesse ne restera plus qu'un bon souvenir car dés son exil pour Hanoï, elle connaîtra les privations mais aussi le sacrifice des enfants du Nord Vietnam pour qu'elle puisse toujours manger à sa faim. A l'issue de ses études, non pas motivée par un embrigadement politique auquel elle ne comprend pas toujours grand chose, mais animée par le rêve de voir son pays indépendant qui ferait tout pour le bien être de son peuple, comme tant d'autres, elle va rejoindre le Sud via la piste Ho Chi Minh à coups de marches forcées, épreuves physiques terribles qui vont sceller à jamais l'amitié de ceux qui y participèrent car 50 ans après ils continuent à se voir comme frères et sœurs. Au milieu de ce chaos avec la montée en puissance de l'armée américaine, elle aura tout juste le temps de revoir sa mère avant que cette dernière ne disparaisse à nouveau. Elle même emprisonnée, Tran To Nga donnera naissance en prison à l'une de ses filles, rappelant que dans sa famille ce sont 4 générations qui ont connu la prison.
Si l'indépendance met enfin un terme à son supplice elle n'éprouve aucune haine à l'encontre de ses geôliers et tortionnaires car avec sa mère elle a tellement rêvé à cette paix qu'elle ne veut pas la gâcher avec une vengeance inutile. Très vite elle s'applique à redonner confiance à son peuple en devenant directrice d'école. Consciente que le pardon est indispensable, et qu'elle peut être un trait d'union entre le Vietnam et la France, elle multiplie les initiatives en ce sens. Elle organise notamment un voyage pour les anciens combattants d'Indochine au Vietnam. Cela lui vaudra d'être décorée de la Légion d'Honneur. 
Plus tard, c'est en travaillant sur un projet de construction de village que son passé va resurgir brutalement lorsqu'elle se retrouvera face à des victimes de l'agent orange, défoliant dispersé par l'armée américaine pour déforester la jungle. Dés lors sa vie prend un sens nouveau, déjà parce que comme tant d'autres, elle s'est retrouvée contaminée, comme ses enfants, par ce poison, mais parce que surtout face à cette tragédie sanitaire, elle sent que son pays veut tout faire pour étouffer ce scandale aussi bien de santé publique qu'environnemental puisque aucun programme sérieux de dépollution n'est mis en place par les autorités. C'est récemment, en 2009, lors d'une audience sur les effets néfastes des dioxines que Tran To Nga a pu exposer à un auditoire attentif les ravages causés dans son Vietnam. Dans l'auditoire deux avocats ont été touchés par le témoignages de Tran To Nga et lui ont suggéré d'envisager une suite judiciaire. Dans un 1re temps Tran To Nga s'y refuse catégoriquement mais lorsqu'elle apprend que des victimes vietnamiennes de l'agent orange ont été déboutés trois fois de suite aux Etats-Unis, ce qui suspend définitivement tout chance de procès là bas, elle a accepté y voyant une chance ultime de faire reconnaître la responsabilité des firmes chimiques qui ont fourni à l'armée américaine ces produits. 
Aujourd'hui 19 sociétés américaines sont assignées par un tribunal français car Tran To Nga a la double nationalité. Comme à chaque fois que l'on s'attaque à de grosses structures, les coups sont rudes d'autant plus que Tran To Nag ne défend que son cas particulier, la procédure lui interdisant de parler au nom des autres victimes. C'est un combat long et douloureux et....coûteux. Même si ses avocats ne réclament pas d'honoraires, la simple traduction de l'assignation a coûté 16000€ à Tran To Nga, d'où ses efforts pour à travers son livre récolter les sommes nécessaires pour aller au bout de sa démarche dont bien évidemment nous vous tiendrons informés. Bien sûr ce moment fut trop court, mais les échanges furent enrichissants et nous ne pouvons pas nous empêcher d'admirer le parcours de cette femme qui a toujours su surmonter des épreuves terribles sans jamais dévier du chemin tracé par sa mère. Son sens du pardon et sa gentillesse en plus de son dévouement pour les autres constituent une magnifique leçon de vie et il est bien dommage que les élu(e)s n'aient pas souhaité en profiter.

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