Par F. Oppermann. A quoi ça serre ?
Ce mardi 14 février "AQCS?" a invité à la Salle Frézier Tran To Nga a
venir nous parler tout simplement de sa vie. En préambule, David
Derrien, initiateur de cette rencontre a expliqué que c'est à travers ses luttes locales contre Monsanto et l'engagement d'André Bouny, qu'il a découvert le combat de Tran To Nga. Dés lors il lui
semblait naturel de tout mettre en œuvre pour que Tran To Nga puisse
faire partager au plus grand nombre son témoignage. C'est donc ainsi que
David Derrien a pu, grâce à la gentillesse et la disponibilité de Tran
To Nga, organiser une série de rencontres un peu partout en Bretagne.
Si à chaque fois, ces rencontres ont été l'occasion d'échanges très
riches, David Derrien a regretté que la demande qu'il avait faite auprès
du maire de Plougastel et de tous les élu(e)s d'organiser une réception
conviviale en l'honneur de Tran To Nga n'ait pas fait l'objet de la
moindre réponse, hormis celle d'un conseiller municipal d'opposition (voir courrier en bas de l'article).
David Derrien |
To Nga Tran |
Si l'indépendance met enfin un
terme à son supplice elle n'éprouve aucune haine à l'encontre de ses
geôliers et tortionnaires car avec sa mère elle a tellement rêvé à cette
paix qu'elle ne veut pas la gâcher avec une vengeance inutile. Très
vite elle s'applique à redonner confiance à son peuple en devenant
directrice d'école. Consciente que le pardon est indispensable, et
qu'elle peut être un trait d'union entre le Vietnam et la France, elle
multiplie les initiatives en ce sens. Elle organise notamment un voyage
pour les anciens combattants d'Indochine au Vietnam. Cela lui vaudra
d'être décorée de la Légion d'Honneur.
Plus tard, c'est en travaillant
sur un projet de construction de village que son passé va resurgir
brutalement lorsqu'elle se retrouvera face à des victimes de l'agent
orange, défoliant dispersé par l'armée américaine pour déforester la
jungle. Dés lors sa vie prend un sens nouveau, déjà parce que comme tant
d'autres, elle s'est retrouvée contaminée, comme ses enfants, par ce
poison, mais parce que surtout face à cette tragédie sanitaire, elle
sent que son pays veut tout faire pour étouffer ce scandale aussi bien
de santé publique qu'environnemental puisque aucun programme sérieux de
dépollution n'est mis en place par les autorités. C'est récemment, en
2009, lors d'une audience sur les effets néfastes des dioxines que Tran
To Nga a pu exposer à un auditoire attentif les ravages causés dans son
Vietnam. Dans l'auditoire deux avocats ont été touchés par le
témoignages de Tran To Nga et lui ont suggéré d'envisager une suite
judiciaire. Dans un 1re temps Tran To Nga s'y refuse catégoriquement
mais lorsqu'elle apprend que des victimes vietnamiennes de l'agent
orange ont été déboutés trois fois de suite aux Etats-Unis, ce qui
suspend définitivement tout chance de procès là bas, elle a accepté y
voyant une chance ultime de faire reconnaître la responsabilité des
firmes chimiques qui ont fourni à l'armée américaine ces produits.
Aujourd'hui 19 sociétés américaines sont assignées par un tribunal
français car Tran To Nga a la double nationalité. Comme à chaque fois
que l'on s'attaque à de grosses structures, les coups sont rudes
d'autant plus que Tran To Nag ne défend que son cas particulier, la
procédure lui interdisant de parler au nom des autres victimes. C'est un
combat long et douloureux et....coûteux. Même si ses avocats ne
réclament pas d'honoraires, la simple traduction de l'assignation a
coûté 16000€ à Tran To Nga, d'où ses efforts pour à travers son livre
récolter les sommes nécessaires pour aller au bout de sa démarche dont
bien évidemment nous vous tiendrons informés. Bien sûr ce moment fut
trop court, mais les échanges furent enrichissants et nous ne pouvons
pas nous empêcher d'admirer le parcours de cette femme qui a toujours su
surmonter des épreuves terribles sans jamais dévier du chemin tracé par
sa mère. Son sens du pardon et sa gentillesse en plus de son dévouement
pour les autres constituent une magnifique leçon de vie et il est bien
dommage que les élu(e)s n'aient pas souhaité en profiter.
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