Arrivé à son terme au bout de 5 ans, la mairie de Plougastel-Daoulas lançait en octobre 2021 un nouvel appel d'offres émanant de la cuisine centrale des écoles communales. Il s'agissait aux fournisseurs de candidater sur un lot intitulé "légumes bio en circuits courts" couvrant 1000 repas par jour. Mais avant d'expliquer comment la municipalité a shunté les maraîchers AB de la commune pour cet appel d'offres, quelques dispositions réglementaires demandent à être éclaircies.
Le bio à la cantine c'est pour quand ? Mais surtout avec qui |
L'autre disposition à retenir est la notion de "circuits courts". Contrairement à ce que ce terme sous entend, l'aspect géographique n'entre pas en compte dans ce type de circuit. Le producteur et le consommateur peuvent être en effet éloignés l'un de l'autre. La condition du circuit court donne la possibilité de faire néanmoins intervenir un intermédiaire, qui s'apparente le plus souvent à un grossiste ou un distributeur. Dans le Finistère l'un des grossistes les plus en vue s'appelle "Le Saint" et après avoir diversifié en 20 ans sa gamme de denrées brutes (légumes, poissons puis viandes et produits frais ainsi qu'une gamme en bio), l'entreprise familiale finit par rayonner au-delà des étals et devient un mécène incontournable dans le sport, notamment au sein du stade brestois de football. Automatiquement leur influence se décuple auprès des décideurs et notamment des élus de Brest Métropole, instance où siège le maire de Plougastel, Dominique Cap.
A Plougastel justement, puisque le précédent fournisseur rompt le contrat qui le liait à la mairie, le service des Marchés publics sollicite les acteurs de la filière bio afin de répondre à l'appel d'offres du lot 18 susnommé d'un montant de 10000 euro HT par an. Pour les maraîchers AB la relation avec la municipalité est assurée par la Maison de l'Agriculture Biologique (MAB) de Daoulas. Un collectif de producteurs se forme alors, constitué d'une petite dizaine d'agriculteurs. Après leur formation supervisée par le Groupement des Agriculteurs Biologiques (GAB 29) sur l'approvisionnement dans la restauration collective, le contrat présenté par les maraîchers est approuvé par la MAB. Elle leur a suggéré d'ailleurs de conserver les prix pratiqués par le prédécesseur.
Les critères, établis par la mairie, afin de valider l'offre pour le marché des denrées alimentaires, sont confirmés par des notes et tiennent compte : du prix, des délais de livraison, d'un certain nombre de points sur la qualité et de garantie de fraicheur. A côté du groupement des producteurs locaux, la société Le Saint se positionne sur le marché. Après une analyse des deux offres par la mairie, le groupement apprend fin mars 2022 que la leur n'a pas été retenue. C'est la douche froide chez les agriculteurs locaux. Après avoir demandé des explications écrites, ils reçoivent le 04 avril 2022 un courrier signé par l'adjoint en charge des finances, Bernard Nicolas, qui détaille les raisons pour lesquelles ils ont rejeté leur offre. A la lecture des motifs on s'aperçoit que le premier critère qui leur a été défavorable est celui du prix, alors que ce critère n'est pas éliminatoire. Comme le souligne l'adjoint : "la formule retenue est celle qui est recommandée par la Direction des affaires juridiques". Comment peuvent-ils d'ailleurs écarter leur offre de prix alors qu'ils sont identiques à ceux du maraicher précédent ? Pire, ils sont disqualifiés sur les délais de livraison. Comment Le Saint peut-il être mieux indiqué alors que leurs entrepôts sont implantés à 20' de la cuisine centrale et que les producteurs se situent aux environs des 5-10' du point de dépôt ? Bernard Nicolas conclut sa lettre en précisant que "La commission d'appel d'offres a donc attribué ce lot au candidat présentant l'offre la plus avantageuse." Les maraîchers apprendront surtout que la mairie ne pouvait pas être déloyale envers l'entreprise Le Saint.
Le marché est donc confié au grossiste qui, selon la définition du circuit-court, représente l'intermédiaire. Sauf que, n'étant pas contraint par un critère géographique, Le Saint approvisionnerait la cuisine centrale en fruits et légumes hors de France et hors saison, afin de tenter d'être conforme à l'objectif des 20 % de bio à la cantine (en parcourant les menus, on devine que les légumes parviennent congelés). A ce stade, même bio, le coût carbone des produits s'envole au point qu'une augmentation du ticket-cantine est arrêtée à cause des tarifs de transport que répercute dorénavant Le Saint. Dans cette décision inique il n'y a aucune disposition prise pour s'engager vers l'achat de denrées au maximum décarbonées. La seule garantie pour y parvenir reste les productions de proximité. En fin de compte, en sus d'un mépris des élus pour les acteurs locaux, la municipalité de Plougastel se trouve vraiment à rebours d'engagements de sobriété économique.
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