Après l'émancipation liée aux personnes (lire "La difficulté de l'émancipation": https://ddlabeillaud.blogspot.com/2022/08/la-difficulte-de-lemancipation.html), d'autres phénomènes revêtent un caractère similaire, d'ordres social, sociétal ou politique.
Sans surprise la première étape de l'émancipation sociale réside dans la didactique et la somme des connaissances dans leur diversité la plus éclectique dont l'enfant devrait bénéficier. A un stade précoce, cet apprentissage des savoirs technique, artistique, domestique, sportif... n'a rien à définir pour la suite mais bien plus à éveiller le sens critique, à offrir à l'enfant une âme qui s'épanouira dans l'affinité à se porter vers tel ou tel domaine puis à explorer encore davantage sa propre fascination de l'existence. L'émancipation se réalise également par rapport à autrui. Il faut accepter d'effacer les signes avant-coureurs de la désignation, de l'enfermement catégoriel; au lieu de favoriser la concurrence et la hiérarchisation, lancer déjà les bases de la coopération et de la mutualisation. A défaut, l'émancipation prend des formes de luttes sociales, involontairement supportées par les catégories les plus laborieuses, que Boaventura de Sousa Santos présente ainsi : "l'émancipation est un ensemble de luttes procédurières sans but défini." A part sûrement d'exploiter le plus grand nombre pour la richesse de quelques-uns. Quand le nouveau ministre de l'éducation Pap Ndiaye annonce que "L'école est injuste avec les pauvres" on voit que le chemin de l'émancipation reste comparable à un parcours de combattant pour nombre d'enfants.
Dans d'autres circonstances, très souvent liées à des situations conflictuelles, l'émancipation, ou autrement nommée la Liberté par des Français dévoués à leur sacerdoce républicain, à l'Autorité gouvernementale prend des allures de contestations asymétriques tant l'objet de la rupture semble confus à trop vouloir assembler ce qui ne peut l'être. La pandémie de la Covid-19 est très révélatrice de l'insupportable sentiment de confiscation de liberté ressenti par une part dispersée de personnes allant de l'extrême-gauche à l'extrême-droite et regroupant des complotistes de toute nature. Plus qu'une vaccination indésirable, c'est l'instauration du "Pass sanitaire" qui a agité les foules bigarrées. Et à bien observer les évènements, il est rare que des manifestations, dans leur cortège même, aient rassemblé des personnes politiquement opposées, pour ne pas dire antagonistes, au point de rendre contagieuse la haine ressentie des uns contre les autres. Certes, on doit refuser que l'espace public ou les lieux de convivialité deviennent des points de contrôles en obligeant des acteurs économiques à se substituer au représentant des forces de l'ordre. Néanmoins la liberté si chèrement choyée des "anti-vax" ne peut pas supplantée l'inaliénable contrainte à préserver la santé d'autrui et même de l'inconnu (dénoncer l'accumulation des profits par les laboratoires est un autre débat). Ce cri de liberté individuelle peut devenir une menace mortelle pour des personnes fragilisées par la vie, à trop vouloir s'éloigner de l'objet de la rupture. Autrement, ne devient-on pas un ennemi de la liberté en voulant imposer la sienne ? C'est de notre responsabilité collective de protéger les plus exposés.
Il y a pourtant dans l'idée d'émancipation des orientations plus nobles et plus existentialistes comme celle dédiée à l'émancipation des peuples, à commencer par celle du Peuple breton. Sans s'égarer dans une analyse historique, l'Emsav (Mouvement breton) démarre bon en mal an dans son aspect politique vers 1910. L'idée d'émancipation taraude déjà l'ensemble des courants existants qu'ils soient Fédéraliste ou Nationaliste, sans que cela émeuve davantage les Bretons, ignorants surement l'agitation intellectuelle qui gagne quelques jeunes bourgeois instruits, pourtant libertaires (Camille Le Mercier d'Erm, en autre) ou celle des notables plus enclin à maintenir des privilèges de classe que soutient de surcroît le clergé. Bien après la seconde guerre mondiale, les revendications des militants politiques s'orientent plus vers "un entre deux", en s'accaparant le principe d'autodétermination pour les mouvements de gauche, certes louable mais laissant le champ libre à l'extrême-droite qui si elle s'empare sans retenus du discours émancipateur c'est pour mieux justifier sa position intenable contre l'immigration dont elle rend responsable la France. Passer de l'autodétermination à l'autonomie chez des militants politiques dans les 50 années clôturant le 20ème siècle est un signe de féodalité qui les jettent dans les bras de la République française. Pire en ce qui concerne l'Emsav qui comme le relève très justement Yann Ollivier (juriste) "S'est laissé récupérer par le Parti Socialiste". Pour lui, la principale victime de ce clientélisme est l'émancipation. Rien que ça. Malgré tout, l'émancipation reste un sujet d'actualité qui traverse l'échiquier politique breton. Quant à l'autodétermination, elle s'exprime toujours dans les mouvements indépendantistes d'extrême-gauche qui ne se sont jamais séparés de cet objectif. Elle se manifeste notamment dans l'organisation d'un référendum pour consulter les Bretons et leur demander si l'indépendance est une option d'avenir pour la Bretagne, dont la première étape passe par la Réunification.
La conclusion revient au philosophe Jacques Rancière qui définit la politique comme une "Organisation et exercice du Pouvoir qui prend le pas sur son autre versant, c'est-à-dire le principe d'émancipation pour parvenir à l'égalité", que Yann Ollivier reprend en expliquant simplement que "La politique française nous prive (nous, Bretons) de la politique entendue comme la capacité d'affronter les véritables problèmes qui se posent à la société."
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire