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samedi 18 mars 2023

Le soft power de la Constitution française

Avec la décision de déclencher le 49.3, inscrit dans la Constitution française, pour favoriser le passage de la réforme des retraites, le président de la République, Emmanuel Macron, montre une nouvelle fois que le régime parlementaire, sénateurs et députés confondus, n'a plus de légitimité pour conduire le pays. Pire, on a affaire à une faillite complète de la démocratie représentative. 



Déjà fragilisée par la faible mobilisation de la population pour les élections législatives de 2022, la voix du parlementaire se fait entendre qu'à la condition d'obtenir une majorité absolue et de facto être inféodée au bon vouloir de l'exécutif. Dans le cas d'une majorité relative, basée sur le compromis avec des groupes de sensibilité proche pour légiférer, l'objectif d'accords de circonstances est hypothétique mais donne quand même l'impression que la démocratie représentative fonctionne à minima. Or là aussi, c'est un échec.

Avec la réforme des retraites, la lecture d'une loi au Sénat n'a jamais été autant médiatisée ces dernières décennies. On expliquait que les sénateurs adopteraient une attitude républicaine, laissant la place à l'exposition des amendements de l'opposition et aux débats courtois entre sénateurs mesurés, et que les votes sur les articles iraient jusqu'à leur terme, en échangeant principalement autour du fameux article 7 sur l'âge légal de départ à la retraite à 64 ans. Que nenni, que nenni ! Afin d'accélérer "le débat démocratique", le ministre du Travail, Olivier Dussopt, utilisait l'article 44 alinéa 3 de la Constitution. Cet outil législatif permet que "l'assemblée saisie se prononce par un seul vote sur tout ou partie du texte en discussion, en ne retenant que les amendements proposés ou acceptés par le gouvernement." Cette procédure est aussi appelée "vote bloqué", obligeant les sénateurs à se positionner sur la globalité du texte ou toute partie indiquée par le gouvernement, afin, non pas de raccourcir la discussion parlementaire comme on voudrait le faire croire, mais bien de bâillonner la démocratie représentative. Alors, in fine, à quoi sert la chambre sénatoriale si elle-même est muselée ? 

Dans ce premier passage de la loi au Sénat, le pouvoir exécutif confirme qu'il étouffe toute concertation politique, et avant tout sociale, et que ce n'est pas le débat démocratique que le gouvernement a voulu accéléré mais bien la décision politique de l'exécutif. Autrement dit, Elisabeth Borne et son gouvernement n'ont fait qu'exécuter l'ordre partial d'Emmanuel Macron de recourir à l'autocratie constitutionnelle. Certains prendront exemple sur d'autres premiers ministres qui ont dans leur temps utilisaient le 49.3 pour garantir l'application de la loi. Est-ce qu'une loi sur la création du CSA par Michel Rocard a autant d'incidences sur la vie des français que le prolongement obligatoire de leurs carrières professionnelles afin de réserver une valeur ajoutée au seul grand capital ?

Après avoir transité par une commission mixte paritaire, dont l'issu pouvait encore garantir un vote par les députés, le texte de loi est retourné à l'Assemblée nationale. L'incertitude du choix de quelques députés du groupe "Les républicains" n'ont fait qu'accentuer la fébrilité du gouvernement. Et quand un pouvoir a peur de son peuple, même par l'intermédiaire de ses représentants, il utilise le passage en force pour asseoir son autorité et prolonger son maintien aux commandes de la République. l'article du 49.3 devenait donc inéluctable et confirme ainsi que la France, menée par Emmanuel Macron, ne se trouve non plus seulement dans une république monarchique mais davantage encore dans un régime autocratique car cette loi, rejetée par un grand nombre, n'est ni faite pour maintenir un droit social ni pour le bien être du peuple laborieux, mais bien plus pour satisfaire à la vigilance des marchés financiers. C'est donc bien la démocratie, s'exprimant en partie dans rue, qui est bloquée par une minorité politicienne, nuisible à la paix sociale.

Alors certes, il reste encore un certain nombre de droits en France pour protéger socialement le peuple, que la Justice parvient à conserver, bon an mal an, et que les manifestants, syndiqués ou pas, arrivent parfois à améliorer ou à prolonger tels quels. Mais pour ne pas aboutir fatalement à la seule violence de rue, qui ne fera qu'accentuer le déploiement des forces de l'ordre et donc de légitimer le pouvoir autoritaire d'Emmanuel Macron, ou au mieux à une insurrection citoyenne comme les Communards, la contestation à un régime doit prendre avant tout d'autres formes de démocratie plus abouties, plus ordonnées et plus directes. L'une d'elles réside dans le municipalisme libertaire si bien exposé par Murray Bookchin et avant lui, sous d'autres appellations, par Elisée Reclus et Emile Masson, tous trois brillants anarchistes.


1 commentaire:

  1. Intéressant. Présentement .... place à l'action.... hélas sans moi ! Trop tard ! J'ai toujours voté centre-gauche et ils n'ont jamais été élus !

    Bon courage et félicitations pour ta ténacité. A.M.

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