Bruxelles, mardi 27 septembre 2011. 10h30 rue de la loi
Je suis serein. J'enfile le déguisement de dédé l'abeillaud dans une rue étonnamment calme, adjacente au bâtiment de la commission européenne. Vanessa, ma logeuse bruxelloise, m'a fait savoir que ce mardi était pour les francophones une journée chômée. La ville elle aussi est au repos. Quelques passants, incrédules du spectacle qu'offre ma transformation au cul de la voiture, une autre logeuse improvisée, viennent interrompre l’immobilisme des lieux.
Je suis à Bruxelles depuis la veille. Après avoir quitté la Bretagne en début de matinée, je traverse la France durant la journée. Grâce au soutien financier d'associations, et parce que je suis seul dans la voiture, laquelle a déjà montré quelques signes de déliquescences, de fuites et de blocages je décide d'emprunter l’autoroute pour gagner 2 heures de conduite. Qui plus est une douleur me tiraille le bas du dos depuis quelques semaines quand je roule plus d'une heure. J'ai fini par voir mon toubib mais le traitement anti-inflammatoire qu'il m’a prescrit me donne des maux d'estomac. Donc pas de médocs. Tant pis. Je supporterai les lancements de ce nerf vicieux. Il faut d’ailleurs que je n’y pense plus quand j’arrive en Belgique, car la quatre voies manque sérieusement de confort. Le macadam est jonché d’ornières plus ou moins entretenues. Les panneaux « ornières fréquentes » m’amusent follement car installer des indicateurs pour des trous me fait penser qu’ils seront là encore pour un bout de temps ! De chaque côté de cette route rectiligne, une rangée d’arbres ininterrompue, m’emmènera jusqu’à Bruxelles. J’arrive au bon moment. Il est 18 h. La circulation est à son summum et je n’ai pas réussi à joindre Vanessa car je ne m’en sors pas avec les indicateurs téléphoniques « bip bip bip bip… » « Allo Vanessa ? Ah non ce n’est pas Vanessa », me répond la voix d’un homme. La nuit s’installe et les clignotants de la voiture ont décidé à ce moment là de faire le service minimum. Pas de panique j’ai le GPS. Je finis par me prendre au jeu en me comportant comme un bruxellois (enfin j’essaye), une queue de poisson, parfois deux. Ah merde ! Le feu est rouge… Et je suis passé, je me faufile et me défile. Le tram lui traîne en longueur. Il dandine, à gauche puis à droite. Il s’arrête au feu rouge. Il prend son temps pendant que l’obscurité s’agglutine inéluctablement. Pas de panique, j’ai le GPS. 19 h. Je parviens enfin à ma destination, rue … chez Vanessa Crasset.
Vanessa est une jeune bruxelloise que j’ai croisée quelques semaines auparavant dans les Hautes-Alpes. Nous avons échangé quelque peu. Nous évoquons la Bretagne, et ses séjours chez un cousin des Côtes d’Armor. Je lui suggère de noter mon adresse au cas où son périple à pied l’emmènerait au pays. Elle promet de m’adresser une carte postale dès qu’elle arrive à Nice. Ce qu’elle fait. Sans la connaître j’ai alors senti que je pourrais compter sur elle lorsque j’organiserai mon voyage. Après lui avoir expliqué mes intentions par internet elle accepte de me recevoir chez elle. De visu, je m’aperçois en fait que nous partageons un certain nombre de valeurs et d’engagements. Ces 2 jours sur Bruxelles ont été denses grâce à sa disponible.
Mais en fait, pourquoi dédé l'Abeillaud est-il à Bruxelles en ce début d'automne ? Replay if you want.
Je ne m’attarderai pas sur le passage de dédé l’Abeillaud, fin avril à la Cecab de St Alouestre (voir actualité sur le site du CBSFVO). Mais je découvre que mon intervention improvisée a marqué les esprits, notamment le mien et celui de Dominique. Avec sa complicité heureuse, nous animons dédé l’Abeillaud. Dessins, discours pour les élections pesticilentielles de 2012, accessoires en tout genre (collant pas très opaque, kazoo, …) viennent donner à ce personnage une dimension populaire que j’expérimente debout sur ma ruche, dans les fêtes bretonnes ou rassemblements militants, dans la rue à voltiger de personne à personne. Mais je ne veux pas me contenter d’apparitions publiques et festives. Je pressens que je ne me sens pas complètement armé pour soutenir l’abeille car c’est de cela dont il s’agit. On me pose souvent maintenant la question : « Tu es apiculteur ? », je réponds, « entre apiculteur et abeille j’ai choisi abeille », ainsi je garde mon libre arbitre et je peux plus aisément me présenter comme individu de la société civile, sans partie prix, en tout cas visible, pour interpeller sur le sort de l’abeille. Sur une initiative personnelle, profitant de la présence de dédé l’Abeillaud fin septembre à Colmar pour le procès des faucheurs volontaires, je décide de l’inviter à la Commission européenne à Bruxelles, et au Parlement européen à Strasbourg. Je convaincs la Ffap (Fédération française des apiculteurs professionnels) représentée par son co-président Alain David de m’apporter un appui technique (argumentaires sur les pesticides…). Je sollicite un soutien politique d’élu(e)s de la région Bretagne que j’obtiens. L’adhésion militante est quasi immédiate. Plus inattendu (et inespéré, je l’avoue !) est le soutien financier que m’apportent l’association des dessin’acteurs et le Comité breton de soutien aux faucheurs volontaires. Dédé l’Abeillaud a maintenant une espèce de légitimité et je me sens pousser des ailes !
Alors que l’entretien que je sollicite auprès d’un membre du cabinet de John DALLI, en charge des questions de santé au sein de la Commission européenne, est assez rapidement acté, j’ai plus de difficultés à rencontrer des députés européens du groupe « les verts/ALE » au Parlement. J’y reviendrai plus loin. J’ai donc rendez-vous, enfin, je devrais plutôt préciser, dédé l’Abeillaud a rendez-vous avec Mr VASSALLO, collaborateur du commissaire. J’ai à peine quitté la rue où stationne le véhicule que des gens fumant la clope sur le trottoir, m’apostrophent et me soutiennent dans ma démarche. Je prends. Je prends leurs sourires et la sympathie qui se dégagent de ce bref échange. Je prends car je dois lever la tête pour apercevoir le sommet du bâtiment. Je n’ai pas ma ruche aujourd’hui. Elle m’aurait été bien utile pour me sentir à la hauteur ! Dès l’entrée des regards amusés, indifférents, interloqués se posent sur moi. J’essaye de les oublier pour me fixer sur mon seul objectif : l’accueil ! « Dédé l’abeillaud ? Oui vous êtes attendu. Je vous prépare votre accréditation ». Le type à l’accueil engage la conversation. « Vous savez mon frère est apiculteur et il a énormément de perte d’abeilles. Ca devient vraiment problématique ! » souligne-t-il. « Je vous souhaite bon courage ». Je suis ravi de ce premier contact. Je dois patienter. Toujours les mêmes regards. Je fixe mon attention sur un écran géant qui diffuse les débats de députés au Parlement européen. Je n’ai pas vraiment regardé car j’essaye de me concentrer. C’est Catherine SAEREMANS-GALERNE, secrétaire de Mr VASSALLO, qui vient me chercher. Son empathie m’est agréable et c’est en plaisantant que nous déambulons dans un dédale de couloirs jusqu’à la salle où m’attend l’eurocrate. Je ne suis pas venu les mains vides et lui remet une bouteille de vin bio transporté par bateau à voile, et un bel ouvrage sur l’art en Bretagne. Après ces premiers instants déconcertants pour nous trois, la conversation s’engage. A leur demande je ne filmerai que la première partie des échanges. Quel contenu pour quel objectif ? L’entretien dure ½ heures. Les sourires sont de circonstance quand David fait dédé, toutefois les positions sont clairement définies. Ca ne fait rien, j’ai obtenu ce premier rendez-vous. Catherine me raccompagne jusqu’à la sortie et me confie : « C’est bien ce que vous faites. C’est une jolie cause que vous défendez là ». Je suppose qu’elle sait ce que nous savons. Arrivé dans la rue je me sens bien. Vivant. Souriant. Détendu. Je n’ai plus qu’à redevenir David pour m’embarquer jusqu’à la prochaine étape, Colmar, mais avant j’ai un crochet à faire à Strasbourg au Parlement européen, pour présenter dédé l’Abeillaud. Cette fois-ci je ne devrais pas être seul car Mélisandre, zabeille en costume, arrivée sur Colmar pour le procès de faucheurs volontaires, me confirmera sa présence. J’attends avec impatience son appel.
Mercredi
Je quitte Bruxelles au petit matin. Je viens à peine de traverser le Luxembourg que je reçois un appel de Mélisandre pour m’indiquer qu’elle prend le train pour rejoindre Strasbourg. Je sens que ça va être phénoménal même si je ne sais pas ce qui nous attend là-bas. Il y a des émotions euphorisantes à vouloir se confronter à l’inconnu, surtout quand il s’agit de se présenter dans un autre espace pour une cause qui apparaît juste. Et je ne le fais pas seul cette fois-ci. Arrivé à Strasbourg j’embarque Mélisandre qui attend à la gare. Nous élaborons très vite l’intervention de chacun, toi sur ton entretien de Bruxelles et les pesticides, toi sur la question des OGM. Il est déjà 11h00 et il faut faire vite car « on » a fixé un rendez-vous à 11h30, sans avoir de rendez-vous… Le « on » en l’occurrence c’est Michel DUPONT, attaché parlementaire de José BOVE. Courant septembre nous échangeons par téléphone et, me semble-t-il, nous arrivons à nous mettre d’accord pour un entretien le mercredi 28 septembre à 11h30. Il s’agit de choper les parlementaires en séance à Strasbourg. L’actualité est, qui plus est, brûlante autour de la question de la trace de pollen OGM retrouvé dans du miel en Allemagne et la décision de la Cour de justice européenne d’émettre un avis défavorable à la commercialisation de produits contaminés.
Nous arrivons à destination. Cette fois-ci je sors la ruche et mon chariot. Je nous sens animé d’une volonté ardente. A l’entrée la sécurité nous voit arriver. Il faut improviser quelque chose. Tant pis je bluffe. « Bonjour. Nous avons rendez-vous à 11h30 avec Michel DUPONT, attaché parlementaire de Mr J BOVE.
- Attendez ici un instant. Allo ? J’ai des abeilles qui ont rendez-vous, je les laisse passer ? … ok. C’est bon vous pouvez y aller !
- Ah ! Vous avez quoi dans votre ruche ?
- Oh quelques accessoires, des autocollants…, Vous voulez que je l’ouvre ?
- Non, non, ce n’est pas nécessaire ». J’aurais pu très bien dissimuler une bombe…
Nous passons sans encombres le premier niveau de sécurité. Pendant ce temps Zabeille, à son habitude, a déjà sympathisé avec un gars de la guérite. Première observation : les berlines sont légions et mieux traitées que les vélos que l’on a entassés en vrac à l’entrée. Nous pénétrons dans l’enceinte du Parlement. C’est un bâtiment cylindrique avec une énorme cour intérieure. Il doit s’élever sur bien 10 étages. Il faut maintenant trouver l’accueil, pendant que le kazoo fait des siennes et que nous virevoltons. Porte C nous annonce t’on finalement. Nous attendent 4 à 5 vigiles dans leurs vestons identifiables. Même topo qu’à l’entrée. Cette fois-ci je ne peux pas me soustraire aux obligations d’usage et passe la ruche sur le tapis de détection. Je dois rapidement repérer l’accueil pour gagner du temps. C’est fait.
« Bonjour. Nous avons rendez-vous à 11h30 avec Mr Michel DUPONT ». Un homme consulte une liste. « Quel nom vous m’avez dit ? David DERRIEN pour dédé l’Abeillaud ? Je ne vois nulle part votre nom… attendez je vais appeler ». Il décroche le téléphone et attend. « Ça ne répond pas » me prévient-il, « oui ça c’est normal », pensais-je. « On va patienter un peu ? », lui dis-je. Nous profitons d’être là pour faire le show. Pendant ce temps ça tergiverse à la sécurité : oui puis « Non vous ne pouvez pas passer ». Et puis, « C’est bon à la condition que vous enleviez les déguisements ». Je ne sais pas ce qui est convenu mais je suis obligé de ressortir et laisser Mélisandre qui a gardé ses vêtements sous son costume. Je ne suis pas découragé car de toute façon nous n‘avions pas de rendez-vous. Je reviens dans la cour pour m’amuser en attendant ma comparse. Sourires. Poses pour les photos. Bourdonnement au kazoo dès que je croise un groupe, jusqu’au moment où je suis interpellé par un certain ROUCOU, attaché parlementaire du député ALFONSI pour le groupe « les verts/ALE ». Tiens ! Ca commence à bouger. J’explique ma présence quand arrive Michel DUPONT, suivi de près par un autre attaché parlementaire Bruno LE CLAINCHE : 3 POUR LE PRIX D’UN ! Je pense à Mélisandre qui cherche en vain un contact. S’en suit une conversation avec ces messieurs. La séance est quelque peu chahutée « Ca se prépare une intervention comme la tienne ! Et puis il ne faut pas oublier les médias ! Et puis on a des tas de dossier à gérer ! » Et puis et puis… « Je ne comprends pas qu’un citoyen ne puisse pas obtenir un entretien avec un député. On est ici au cœur de la démocratie européenne avec des représentants élus par les peuples… je voulais te parler de mon passage à Bruxelles et Mélisandre des OGM… et puis tu es en train de me donner des informations importantes que je ne suis pas en état d’entendre… Tu te rends compte que la ½ heures que je demandais tu l’a passes ici dans la cour avec moi… je n’ai pas besoin te faire rappeler qui est ton patron ?... Tu as des tas de dossiers à traiter ? Tu veux que je te parle de ma vie ? Je suis au RSA. La voiture que j’utilise est celle de mon père décédé il y a quelques mois ! Elle n’est pas en bon état ! Tu veux que je continue ? ». Je suis obligé d’en arriver là pour que l’atmosphère tombe d’un cran. C’est incroyable… Mélisandre est revenue et improvise un débat avec nous. Elle s’adresse à Michel « Le procès a commencé à Colmar ? Tu nous rejoins demain ?
-… J’ai des dossiers en cours… mais je tâcherais de venir. ». Il est venu. C’est bien.
Tout s’enchaîne très vite à Strasbourg. Zabeille essaye l’acoustique du lieu et son chant fait résonance. Une dame d’une soixantaine d’années avec un fort accent anglais me demande si elle peut me prendre en photo. J’accepte volontiers, quand nous sommes apostrophés par 1 femme et 3 hommes, dont le responsable de la sécurité, le grand chef quoi ! C’est sérieux pour le coup.
« Je vais vous demander de quitter les lieux. Les gens se plaignent car vous faites du bruit … Non, non ! Ne discutez pas ! Veuillez nous suivre s’il vous plait !
- Attendez s’il vous plait ! Intervient la dame à l’accent, ces personnes sont avec moi maintenant, ils vont sortir, je les accompagne ».
Lui baisse d’un ton et change d’attitude. Il sait à qui il a affaire. Pas nous. Nous sommes ravis Mélisandre et moi et nous apprenons à l’extérieur que notre protectrice est une députée du nord-est de Grande Bretagne, Fiona HALL, , en charge des questions… sur les abeilles. Le sort nous est extrêmement favorable. Les coordonnées sont échangées. Mélisandre obtient une signature pour les élections pesticilentielles d’un des gardiens avec qui elle avait échangé quelques mots. De retour à la voiture nous nous promettons de revenir et peut-être encore plus nombreux !
Je suis à Bruxelles depuis la veille. Après avoir quitté la Bretagne en début de matinée, je traverse la France durant la journée. Grâce au soutien financier d'associations, et parce que je suis seul dans la voiture, laquelle a déjà montré quelques signes de déliquescences, de fuites et de blocages je décide d'emprunter l’autoroute pour gagner 2 heures de conduite. Qui plus est une douleur me tiraille le bas du dos depuis quelques semaines quand je roule plus d'une heure. J'ai fini par voir mon toubib mais le traitement anti-inflammatoire qu'il m’a prescrit me donne des maux d'estomac. Donc pas de médocs. Tant pis. Je supporterai les lancements de ce nerf vicieux. Il faut d’ailleurs que je n’y pense plus quand j’arrive en Belgique, car la quatre voies manque sérieusement de confort. Le macadam est jonché d’ornières plus ou moins entretenues. Les panneaux « ornières fréquentes » m’amusent follement car installer des indicateurs pour des trous me fait penser qu’ils seront là encore pour un bout de temps ! De chaque côté de cette route rectiligne, une rangée d’arbres ininterrompue, m’emmènera jusqu’à Bruxelles. J’arrive au bon moment. Il est 18 h. La circulation est à son summum et je n’ai pas réussi à joindre Vanessa car je ne m’en sors pas avec les indicateurs téléphoniques « bip bip bip bip… » « Allo Vanessa ? Ah non ce n’est pas Vanessa », me répond la voix d’un homme. La nuit s’installe et les clignotants de la voiture ont décidé à ce moment là de faire le service minimum. Pas de panique j’ai le GPS. Je finis par me prendre au jeu en me comportant comme un bruxellois (enfin j’essaye), une queue de poisson, parfois deux. Ah merde ! Le feu est rouge… Et je suis passé, je me faufile et me défile. Le tram lui traîne en longueur. Il dandine, à gauche puis à droite. Il s’arrête au feu rouge. Il prend son temps pendant que l’obscurité s’agglutine inéluctablement. Pas de panique, j’ai le GPS. 19 h. Je parviens enfin à ma destination, rue … chez Vanessa Crasset.
Vanessa est une jeune bruxelloise que j’ai croisée quelques semaines auparavant dans les Hautes-Alpes. Nous avons échangé quelque peu. Nous évoquons la Bretagne, et ses séjours chez un cousin des Côtes d’Armor. Je lui suggère de noter mon adresse au cas où son périple à pied l’emmènerait au pays. Elle promet de m’adresser une carte postale dès qu’elle arrive à Nice. Ce qu’elle fait. Sans la connaître j’ai alors senti que je pourrais compter sur elle lorsque j’organiserai mon voyage. Après lui avoir expliqué mes intentions par internet elle accepte de me recevoir chez elle. De visu, je m’aperçois en fait que nous partageons un certain nombre de valeurs et d’engagements. Ces 2 jours sur Bruxelles ont été denses grâce à sa disponible.
Mais en fait, pourquoi dédé l'Abeillaud est-il à Bruxelles en ce début d'automne ? Replay if you want.
Je ne m’attarderai pas sur le passage de dédé l’Abeillaud, fin avril à la Cecab de St Alouestre (voir actualité sur le site du CBSFVO). Mais je découvre que mon intervention improvisée a marqué les esprits, notamment le mien et celui de Dominique. Avec sa complicité heureuse, nous animons dédé l’Abeillaud. Dessins, discours pour les élections pesticilentielles de 2012, accessoires en tout genre (collant pas très opaque, kazoo, …) viennent donner à ce personnage une dimension populaire que j’expérimente debout sur ma ruche, dans les fêtes bretonnes ou rassemblements militants, dans la rue à voltiger de personne à personne. Mais je ne veux pas me contenter d’apparitions publiques et festives. Je pressens que je ne me sens pas complètement armé pour soutenir l’abeille car c’est de cela dont il s’agit. On me pose souvent maintenant la question : « Tu es apiculteur ? », je réponds, « entre apiculteur et abeille j’ai choisi abeille », ainsi je garde mon libre arbitre et je peux plus aisément me présenter comme individu de la société civile, sans partie prix, en tout cas visible, pour interpeller sur le sort de l’abeille. Sur une initiative personnelle, profitant de la présence de dédé l’Abeillaud fin septembre à Colmar pour le procès des faucheurs volontaires, je décide de l’inviter à la Commission européenne à Bruxelles, et au Parlement européen à Strasbourg. Je convaincs la Ffap (Fédération française des apiculteurs professionnels) représentée par son co-président Alain David de m’apporter un appui technique (argumentaires sur les pesticides…). Je sollicite un soutien politique d’élu(e)s de la région Bretagne que j’obtiens. L’adhésion militante est quasi immédiate. Plus inattendu (et inespéré, je l’avoue !) est le soutien financier que m’apportent l’association des dessin’acteurs et le Comité breton de soutien aux faucheurs volontaires. Dédé l’Abeillaud a maintenant une espèce de légitimité et je me sens pousser des ailes !
Alors que l’entretien que je sollicite auprès d’un membre du cabinet de John DALLI, en charge des questions de santé au sein de la Commission européenne, est assez rapidement acté, j’ai plus de difficultés à rencontrer des députés européens du groupe « les verts/ALE » au Parlement. J’y reviendrai plus loin. J’ai donc rendez-vous, enfin, je devrais plutôt préciser, dédé l’Abeillaud a rendez-vous avec Mr VASSALLO, collaborateur du commissaire. J’ai à peine quitté la rue où stationne le véhicule que des gens fumant la clope sur le trottoir, m’apostrophent et me soutiennent dans ma démarche. Je prends. Je prends leurs sourires et la sympathie qui se dégagent de ce bref échange. Je prends car je dois lever la tête pour apercevoir le sommet du bâtiment. Je n’ai pas ma ruche aujourd’hui. Elle m’aurait été bien utile pour me sentir à la hauteur ! Dès l’entrée des regards amusés, indifférents, interloqués se posent sur moi. J’essaye de les oublier pour me fixer sur mon seul objectif : l’accueil ! « Dédé l’abeillaud ? Oui vous êtes attendu. Je vous prépare votre accréditation ». Le type à l’accueil engage la conversation. « Vous savez mon frère est apiculteur et il a énormément de perte d’abeilles. Ca devient vraiment problématique ! » souligne-t-il. « Je vous souhaite bon courage ». Je suis ravi de ce premier contact. Je dois patienter. Toujours les mêmes regards. Je fixe mon attention sur un écran géant qui diffuse les débats de députés au Parlement européen. Je n’ai pas vraiment regardé car j’essaye de me concentrer. C’est Catherine SAEREMANS-GALERNE, secrétaire de Mr VASSALLO, qui vient me chercher. Son empathie m’est agréable et c’est en plaisantant que nous déambulons dans un dédale de couloirs jusqu’à la salle où m’attend l’eurocrate. Je ne suis pas venu les mains vides et lui remet une bouteille de vin bio transporté par bateau à voile, et un bel ouvrage sur l’art en Bretagne. Après ces premiers instants déconcertants pour nous trois, la conversation s’engage. A leur demande je ne filmerai que la première partie des échanges. Quel contenu pour quel objectif ? L’entretien dure ½ heures. Les sourires sont de circonstance quand David fait dédé, toutefois les positions sont clairement définies. Ca ne fait rien, j’ai obtenu ce premier rendez-vous. Catherine me raccompagne jusqu’à la sortie et me confie : « C’est bien ce que vous faites. C’est une jolie cause que vous défendez là ». Je suppose qu’elle sait ce que nous savons. Arrivé dans la rue je me sens bien. Vivant. Souriant. Détendu. Je n’ai plus qu’à redevenir David pour m’embarquer jusqu’à la prochaine étape, Colmar, mais avant j’ai un crochet à faire à Strasbourg au Parlement européen, pour présenter dédé l’Abeillaud. Cette fois-ci je ne devrais pas être seul car Mélisandre, zabeille en costume, arrivée sur Colmar pour le procès de faucheurs volontaires, me confirmera sa présence. J’attends avec impatience son appel.
Mercredi
Je quitte Bruxelles au petit matin. Je viens à peine de traverser le Luxembourg que je reçois un appel de Mélisandre pour m’indiquer qu’elle prend le train pour rejoindre Strasbourg. Je sens que ça va être phénoménal même si je ne sais pas ce qui nous attend là-bas. Il y a des émotions euphorisantes à vouloir se confronter à l’inconnu, surtout quand il s’agit de se présenter dans un autre espace pour une cause qui apparaît juste. Et je ne le fais pas seul cette fois-ci. Arrivé à Strasbourg j’embarque Mélisandre qui attend à la gare. Nous élaborons très vite l’intervention de chacun, toi sur ton entretien de Bruxelles et les pesticides, toi sur la question des OGM. Il est déjà 11h00 et il faut faire vite car « on » a fixé un rendez-vous à 11h30, sans avoir de rendez-vous… Le « on » en l’occurrence c’est Michel DUPONT, attaché parlementaire de José BOVE. Courant septembre nous échangeons par téléphone et, me semble-t-il, nous arrivons à nous mettre d’accord pour un entretien le mercredi 28 septembre à 11h30. Il s’agit de choper les parlementaires en séance à Strasbourg. L’actualité est, qui plus est, brûlante autour de la question de la trace de pollen OGM retrouvé dans du miel en Allemagne et la décision de la Cour de justice européenne d’émettre un avis défavorable à la commercialisation de produits contaminés.
Nous arrivons à destination. Cette fois-ci je sors la ruche et mon chariot. Je nous sens animé d’une volonté ardente. A l’entrée la sécurité nous voit arriver. Il faut improviser quelque chose. Tant pis je bluffe. « Bonjour. Nous avons rendez-vous à 11h30 avec Michel DUPONT, attaché parlementaire de Mr J BOVE.
- Attendez ici un instant. Allo ? J’ai des abeilles qui ont rendez-vous, je les laisse passer ? … ok. C’est bon vous pouvez y aller !
- Ah ! Vous avez quoi dans votre ruche ?
- Oh quelques accessoires, des autocollants…, Vous voulez que je l’ouvre ?
- Non, non, ce n’est pas nécessaire ». J’aurais pu très bien dissimuler une bombe…
Nous passons sans encombres le premier niveau de sécurité. Pendant ce temps Zabeille, à son habitude, a déjà sympathisé avec un gars de la guérite. Première observation : les berlines sont légions et mieux traitées que les vélos que l’on a entassés en vrac à l’entrée. Nous pénétrons dans l’enceinte du Parlement. C’est un bâtiment cylindrique avec une énorme cour intérieure. Il doit s’élever sur bien 10 étages. Il faut maintenant trouver l’accueil, pendant que le kazoo fait des siennes et que nous virevoltons. Porte C nous annonce t’on finalement. Nous attendent 4 à 5 vigiles dans leurs vestons identifiables. Même topo qu’à l’entrée. Cette fois-ci je ne peux pas me soustraire aux obligations d’usage et passe la ruche sur le tapis de détection. Je dois rapidement repérer l’accueil pour gagner du temps. C’est fait.
« Bonjour. Nous avons rendez-vous à 11h30 avec Mr Michel DUPONT ». Un homme consulte une liste. « Quel nom vous m’avez dit ? David DERRIEN pour dédé l’Abeillaud ? Je ne vois nulle part votre nom… attendez je vais appeler ». Il décroche le téléphone et attend. « Ça ne répond pas » me prévient-il, « oui ça c’est normal », pensais-je. « On va patienter un peu ? », lui dis-je. Nous profitons d’être là pour faire le show. Pendant ce temps ça tergiverse à la sécurité : oui puis « Non vous ne pouvez pas passer ». Et puis, « C’est bon à la condition que vous enleviez les déguisements ». Je ne sais pas ce qui est convenu mais je suis obligé de ressortir et laisser Mélisandre qui a gardé ses vêtements sous son costume. Je ne suis pas découragé car de toute façon nous n‘avions pas de rendez-vous. Je reviens dans la cour pour m’amuser en attendant ma comparse. Sourires. Poses pour les photos. Bourdonnement au kazoo dès que je croise un groupe, jusqu’au moment où je suis interpellé par un certain ROUCOU, attaché parlementaire du député ALFONSI pour le groupe « les verts/ALE ». Tiens ! Ca commence à bouger. J’explique ma présence quand arrive Michel DUPONT, suivi de près par un autre attaché parlementaire Bruno LE CLAINCHE : 3 POUR LE PRIX D’UN ! Je pense à Mélisandre qui cherche en vain un contact. S’en suit une conversation avec ces messieurs. La séance est quelque peu chahutée « Ca se prépare une intervention comme la tienne ! Et puis il ne faut pas oublier les médias ! Et puis on a des tas de dossier à gérer ! » Et puis et puis… « Je ne comprends pas qu’un citoyen ne puisse pas obtenir un entretien avec un député. On est ici au cœur de la démocratie européenne avec des représentants élus par les peuples… je voulais te parler de mon passage à Bruxelles et Mélisandre des OGM… et puis tu es en train de me donner des informations importantes que je ne suis pas en état d’entendre… Tu te rends compte que la ½ heures que je demandais tu l’a passes ici dans la cour avec moi… je n’ai pas besoin te faire rappeler qui est ton patron ?... Tu as des tas de dossiers à traiter ? Tu veux que je te parle de ma vie ? Je suis au RSA. La voiture que j’utilise est celle de mon père décédé il y a quelques mois ! Elle n’est pas en bon état ! Tu veux que je continue ? ». Je suis obligé d’en arriver là pour que l’atmosphère tombe d’un cran. C’est incroyable… Mélisandre est revenue et improvise un débat avec nous. Elle s’adresse à Michel « Le procès a commencé à Colmar ? Tu nous rejoins demain ?
-… J’ai des dossiers en cours… mais je tâcherais de venir. ». Il est venu. C’est bien.
Tout s’enchaîne très vite à Strasbourg. Zabeille essaye l’acoustique du lieu et son chant fait résonance. Une dame d’une soixantaine d’années avec un fort accent anglais me demande si elle peut me prendre en photo. J’accepte volontiers, quand nous sommes apostrophés par 1 femme et 3 hommes, dont le responsable de la sécurité, le grand chef quoi ! C’est sérieux pour le coup.
« Je vais vous demander de quitter les lieux. Les gens se plaignent car vous faites du bruit … Non, non ! Ne discutez pas ! Veuillez nous suivre s’il vous plait !
- Attendez s’il vous plait ! Intervient la dame à l’accent, ces personnes sont avec moi maintenant, ils vont sortir, je les accompagne ».
Lui baisse d’un ton et change d’attitude. Il sait à qui il a affaire. Pas nous. Nous sommes ravis Mélisandre et moi et nous apprenons à l’extérieur que notre protectrice est une députée du nord-est de Grande Bretagne, Fiona HALL, , en charge des questions… sur les abeilles. Le sort nous est extrêmement favorable. Les coordonnées sont échangées. Mélisandre obtient une signature pour les élections pesticilentielles d’un des gardiens avec qui elle avait échangé quelques mots. De retour à la voiture nous nous promettons de revenir et peut-être encore plus nombreux !
Direction maintenant Colmar où se déroule depuis ce mercredi matin le procès d’une soixantaine de faucheurs volontaires. C’est Mélisandre qui conduit car j’ai gardé mon déguisement de faux bourdon. Après un passage au Tribunal d’assises, où se sont retrouvés plus de 300 personnes en soutien aux prévenu(e)s, j’enquille pour 3 journées de représentation de dédé l’Abeillaud. Aux quatre coins de la ville j’installe la ruche pour le discours aux élections pesticilentielles, je distribue des tracts, récolte des signatures pour parrainer ma candidature et « kazouille » de jeunes filles en jolies fleurs. Je m’invite même dans un lycée privé où, malgré l’accueil exalté d’adolescentes me mitraillant avec leur portable, je me fais virer par un professeur parce que « Monsieur, vous n’avez rien à faire ici, c’est illégal ! ». Tant mieux si c’est illégal Madame, je voulais seulement prendre quelques minutes pour expliquer ce qui se passait au tribunal.
L’expédition de dédé l’Abeillaud s’arrête là. David lui a continué son chemin vers la Franche-Comté puis Genève pour la vigie devant l’OMS. Au retour j’ai rendu visite aux occupants du site de ND des Landes pour leur remettre un chèque, recette généreusement redistribuée par Gilles (crêpier à la crêpe agile) suite à une prestation au port de Brest.
Remerciements infinis à Celia et James, Cathy et Guy, Mélissa et mon ami Nicolas (et ses parents) ainsi qu’Odile puis Serjio, enfin Hervé et Cath’ woman qui m’ont accueilli.
A bientôt… pour de nouveaux essaimages !
Colmar, procès des Faucheurs volontaires (1)
L’expédition de dédé l’Abeillaud s’arrête là. David lui a continué son chemin vers la Franche-Comté puis Genève pour la vigie devant l’OMS. Au retour j’ai rendu visite aux occupants du site de ND des Landes pour leur remettre un chèque, recette généreusement redistribuée par Gilles (crêpier à la crêpe agile) suite à une prestation au port de Brest.
Remerciements infinis à Celia et James, Cathy et Guy, Mélissa et mon ami Nicolas (et ses parents) ainsi qu’Odile puis Serjio, enfin Hervé et Cath’ woman qui m’ont accueilli.
A bientôt… pour de nouveaux essaimages !
Colmar, procès des Faucheurs volontaires (1)
Colmar, procès des Faucheurs volontaires, discours pour les élections pesticilentielles (2)
Genève, OMS, accident de Tchernobyl
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