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mercredi 27 octobre 2021

L'emploi agricole de migrants. Un mal nécessaire ?

 "On va avoir des besoins dans les serres de tomates", titrée la presse régionale bretonne en 2020, à propos des campagnes de recrutement pilotées par l'Anefa1 du Finistère. Et les besoins en saisonniers agricoles sont conséquents notamment dans les communes limitrophes de Brest, où l'implantation de serres industrielles s'est accélérée ces dernières années. D'après l'Insee (chiffres de 2018) les postes saisonniers dans les productions de culture de légumes (plein champ et hors-sol, en conventionnel ou en AB)  représentent plus de 25 % de la proportion des postes saisonniers disponibles dans les exploitations agricoles en Bretagne. L'Insee précise que ce fort recours dans cette main-d'œuvre se concentre entre avril et septembre de chaque année, majoritairement déployée dans le hors-sol, afin de répondre aux nécessités de récoltes de tomates ou de fraises. La région brestoise n'échappe pas à ce constat et notamment à Plougastel-Daoulas, siège de Saveol, principale coopérative industrielle sur ce secteur d'activité. 

Oui mais voilà, la pénibilité des tâches, les cadences de travail imposées par les gains de productivité, les pressions exercées sur les salariés par les exploitants agricoles, une rémunération inférieure à ce que cela induit de sollicitations physiques, l'opacité des conditions de travail en l'absence de syndicats, sans oublier les potentiels passages de fongicides impactant la santé des ouvriers, ont découragé plus d'un volontaire breton. Jusqu'à être qualifié de "fainéant" par un agro-industriel de la fraise, à force de ne pouvoir recruter sur le bassin d'emplois brestois. Sans remettre en cause la façon d'exercer leur métier, les agro-industriels se sont d'abord tournés vers l'Europe afin de palier à la forte pénurie en main-d'œuvre. Ils ont alors fait appel aux travailleurs détachés, essentiellement des femmes originaires de pays de l'Est. La mobilisation de ces ouvrières n'a toutefois pas suffit à répondre aux exigences du marché mondialisé de la tomate industrielle : il faut produire toujours davantage à cause de la concurrence, quitte à incinérer des tonnes de légumes qui ne pourront pas être écoulés sur le marché. On a donc vu arriver sur la région brestoise, depuis le milieu des années 2010, un nouveau profil de postulant, non caucasien, hors des frontières européennes, le migrant de l'Afrique subsaharienne. 

Jeunes migrants provenant des serres industrielles

A n'en pas douter ces centaines de jeunes africains déferlants à pied sur les routes étroites de Plougastel (et certainement sur d'autres communes en périphérie de Brest), sont en règle concernant leurs droits de séjour sur le territoire français, sinon à soupçonner Pôle emploi et l'Anefa de travail illégal  ! Il est dit que pour travailler en France : "tout ressortissant étranger doit être titulaire d'une autorisation de travail qui est comprise soit dans un titre de séjour, soit dans un autre document". Mieux, l'Etat français encourage l'insertion des réfugiés par l'emploi (communiqué de Murielle Penicaud, Ministre du travail, octobre 2018). Généralement francophones, ces nouveaux agents-serristes, hommes ou femmes, pourront profiter de ces conditions d'intégration, surtout si la pratique religieuse n'est pas pris en compte dans les critères d'embauche. La France doit donc garantir à cette nouvelle population la possibilité de pratiquer l'Islam, protégée en cela par la loi française et les codes dictés par la laïcité (d'après certaines sources l'Afrique compterait jusqu'à 45 % de Musulmans) et ignorer la propagande de la "préférence nationale".  

Quoiqu'on en pense, ces salariés, s'ils participent malheureusement à l'effort économique de cette activité, extrêmement présente dans le Finistère, arrosent également par leur pouvoir d'achat tout un ensemble de commerces et de services. Ils viennent qui plus est, se loger dans les complexes de l'HLM de Brest, palliant ainsi à la désaffection du Français préférant la maison pavillonnaire, assurant enfin en parallèle le maintien de la population brestoise qui avait tendance à décliner. On peut surement avancer, sans s'aventurer dans l'approximation, que grâce à ces emplois maintenus le consommateur local pourra encore bénéficier d'une offre appréciée pour ce type de produits devenus accessibles toute l'année, dont l'achat lui est proposé à grande échelle dans le secteur tout entier de la distribution. Ce renfort provenant de l'étranger n'est pas nouveau quand on se souvient des embauches dans les métiers inoccupés dans le tertiaire, possibles et consécutives aux vagues de migrations africaines qui se sont succédé après la seconde guerre mondiale. Cet emploi était très souvent associé à des métiers pénibles, dégradants et mal payés, que les Français dénigraient et très souvent à juste titre. 

Le recours aux travailleurs immigrés souhaitant s'intégrer et, éventuellement demander la citoyenneté française, dans le cas où elle reste une panacée, est-il un mal nécessaire ? Du point de vue de l'Etat et de ses services, des chambres d'agriculture, des collectivités territoriales qui s'organisent notamment dans le transport en commun, et des agro-industriels pourvoyeurs d'une main d'œuvre moins réfractaire, leur positionnement respectif semble acquis s'il n'est pas consenti, à voir comment l'Anefa communique sur l'état civil bien français des demandeurs d'emploi. D'un autre point de vue, c'est-à-dire de celui qui se focalise à la fois autour des droits du travail et du type d'activités décrié par nombre d'écologistes, la raison sociale et l'accueil des migrants très souvent malmenés prévaut en l'état sur  les obligations environnementales et sur ce mode de production énergivore. Alors pourquoi doit-on supporter, planqués dans un racisme franchouillard ordinaire, les commentaires d'une analyse mensongère qui consisterait à prétendre que ces nouvelles populations, au demeurant très croyantes, participeraient, à cette échelle locale, à ce que certains décrivent comme le "grand remplacement" ? Il est inconcevable de réclamer leurs retours à la case africaine sans que cela soit préjudiciable au maintien d'une puissance économique française à laquelle de surcroit ils appellent de leurs vœux, surtout dans l'agriculture si chère aux Français ! 

En tout état de cause, quelle que soit la population, son origine et sa croyance (ou pas), il faut avant tout mettre un terme à l'oppression sociale exercée dans ces secteurs d'activité afin d'aider à la libération des individus. D'autres perspectives sociales existent à travers la révolution des consciences libertaires. 

1- l'Anefa : Association nationale emploi et formation dans l'agriculture



La vidéo montre des salariés d'origine subsaharienne en provenance des serres industrielles à Plougastel

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