Les tombes sont des fenêtres sur leurs visages, à tout jamais blanchis sur le papier. Seule, une plaque fine et transparente nous sépare et je pourrais presque toucher de la main leurs vêtements démodés, salis par la poussière ou leurs cheveux rabougris par la pâleur du soleil. Mes visites sentent le printemps mais de préférence l'automne. Les feuilles blafardes, piétinées par la pluie, ou cramoisies par le vent, ont tout d'un linceul.
Il se dégage de ce cimetière des odeurs de tendresses familiales, des effluves d'amour amical. Il est sain d'être aimé et de pouvoir aimer à en mourir, de sentir l'accolade d'un ami ou les baisers de mémé quel que soit son prénom, Marie-Véronique comme Eldegarde; je ressens encore sur moi l'attention de leurs yeux qui laissaient échapper des frissons affectueux. Mon dieu... Papa... Pourquoi partir si tôt ? Marc et Thierry pouvaient attendre encore un peu... Mourir à l'âge canonique de Pierre ou même de pépé François n'est pas un fardeau.
Le cimetière m'a concédé temporairement 5 cadres avec 7 défunts empaquetés. Car l'effroi me saisit déjà à l'idée d'élargir sa concession en calfeutrant de nouveaux portraits. Jusqu'à ce que, à mon tour, je vienne m'allonger auprès d'eux. Alors, je ne sentirai plus les fleurs du printemps ni les feuilles d'automne mais de nouveau les bras de ma mère, ceux sa mère avant elle et puis les mains de celles que l'on n'a pas connu.
Après que la mort ait agrippé ma carcasse, restera-t'il quelqu'un pour venir me voir au coin du cimetière ?
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