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jeudi 11 novembre 2021

Montée des eaux. Quand Goulven deviendra Goulven-les-Bains

Montée des eaux. Quand Goulven deviendra Goulven-les-Bains ou comment le bourg sera englouti.

La vue la plus remarquable de la baie de Goulven est réservée à la colline de Plouider, d'une laideur sans équivoque, qui surplombe le bourg de Goulc'hen. Planquée entre les toits, se niche la flèche de l'église du XIème siècle. De ce panorama, elle perd de sa grandeur face à l'embouchure de la grève qui se moque d'elle par sa forme, nettement mise à son avantage dans une robe brunie par la végétation rase. Plus loin, de l'autre côté du bras de mer tortueux, se cale une des autres communes du pays Pagan, Plouneour-trez. On ne s'attarde pas car au creux de la vasière, l'extrémité de la langue des dunes de Keremma vient lécher la Manche toujours plus gourmande, à voir les premiers éboulis sableux dans les herbus. Sur la droite, en contrebas des prairies convoitées par le bétail, s'étale une roselière dense, stoppée nette par une ligne rectiligne témoignant de l'activité passée des hommes. 

En s'approchant de Goulven, l'église se dévoile maintenant pleinement. L'étalement urbain hideux a épargné cette paroisse léonarde, convoitée uniquement par la mer qui s'immisce sur la bordure côtière. Deux ou trois rangées de maison encerclent ce lieu de dévotion, si serrées qu'on eut l'impression qu'elles lui serviraient de remparts contre les éléments déchainés, le moment venu. Ce village semble avoir dérivé au gré des courants et avoir échoué dans un creux de dune. Une arche d'un autre temps ? Et si le déluge ne s'était pas encore annoncé ?  L'inspection du bourg est égale à ce que l'on ressent : les murs figés délavent les fenêtres blêmes. Le silence instinctivement, semble lui avoir déserté déjà face au péril encore invisible. Même le deuil, en ce jour de commémoration, a préféré déguerpir pour être célébré sur les hauteurs environnantes.

Pour l'instant, le badaud dans les dunes est fort à son aise. Tant de joggers soucieux de leur bien-être, tant d'ornithologues amateurs happés dans la recherche d'un oiseau d'exception. Tandis que les premiers dandinent sur les sentiers, les autres en vigie, scrutent avec leurs appareils télescopiques la frange de la roselière ou bien les chevelus de la vasière, sans se soucier, les uns comme les autres, de ce qu'il advient de leur lieu de loisirs. Car il ne faut pas attendre les prévisions dévastatrices de ce début de siècle pour mesurer les premiers dégâts occasionnés par la montée inéluctable des océans. A en croire la carte interactive conçue par l'Institut de recherche américain Climate Central (lien ci-dessous), le littoral breton sera profondément égratigné par la montée des eaux d'ici à 2100, avec une élévation progressive du niveau de la mer de 1 mètre. Cette projection n'est pas une prophétie biblique ni une vision burlesque d'un écologiste, elle est déjà tangible et bien visible quand elle s'effondre sous nos yeux. Et ce n'est pas un vulgaire cordon censé protéger la dune du piétinement humain qui endiguera ce phénomène; l'effacement des dunes ne viendra pas de la terre mais bien par la mer.



Ni le Conservatoire du littoral, propriétaire du site, qui se voyait comme le garant d'une nature sauvage préservée d'ici à 2050, ni la communauté de communes de la baie du Kernic qui en est le gestionnaire, ne pourront freiner l'ardeur d'une mer à jamais étal, jusqu'aux premières encablures de Goulven. Mais l'érosion dunaire ne sera pas la seule modification notable de la côte bretonne. Les réseaux routiers seront avalés. Les propriétaires d'habitats côtiers érigés dans l'avidité de s'octroyer un bout de mer, privilégiés par la capacité financière de leur famille, verront leurs biens se dévaluaient quand les vagues s'abattront, encore et encore, sur leurs toits délavés, troués par la puissance de tempêtes toujours plus ravageuses. En l'absence d'occupants ce sont les embruns qui s'inviteront dans les salons. Salinant les meubles, souillant les lits, ils grignoteront le portrait décrépi de leurs aïeuls. C'est une anomalie clinique que d'avoir autorisé à la construction sur le front maritime breton.

Le plus insolite dans tout ça, est que l'homme ingénieux Louis Rousseau avait déjà modifié au 18ème siècle les caractéristiques de la baie de Goulven en comblant 500 ha de marais inondables pour en faire de bonnes terres agricoles (comme si le Léon en manquait...). C'est ainsi que la digue sert de barrage aux marées montantes mais sera bien fragile et désuète devant les déferlantes futures, résultantes elles aussi des activités humaines.  A la décharge de Monsieur Rousseau, qui ne pouvait pas s'appesantir sur l'impact de ses décisions quelques centaines d'années plus tard, nous, nous savons ce qui se passe et ce qui se passera. Et que faisons-nous ? Et bien Nous continuons à nous aveugler dans l'horizon de nos jumelles et à lorgner nos chaussures de sport, en attendant de voir l'anse du Kernic se transformer en ilot. Tout comme le bourg de Goulven qui gouttera aux joies de baignades glaciales et océaniques. Ses murs finiront par s'affaisser, telle la ville d'Ys en son temps. Et si Goulven-les-Bains n'était pas un mythe mais une prédiction ?

https://www.francetvinfo.fr/monde/environnement/montee-des-eaux/carte-monteedeseaux-votre-ville-ou-votre-plage-sont-elles-menacees-par-le-rechauffement-climatique_4205309.html?utm_medium=Social&utm_source=Facebook&fbclid=IwAR3Sec8Uep3O_Ajf6aQ4zWg0ejOifgz_NHwvv-Hc6rixIc61h8BY1xAwA40#Echobox=1635348954-5

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