Témoignage de Luc1, 50 ans, finistérien, chômeur en fin de droits.
Actuellement l'offre de centres de formation qualifiante en langue bretonne pour adultes ne manque pas. L'un de ces centres de formation situé à Landerneau s'appelle "Stumdi". Fort de ses 35 ans d'existence, la réputation du centre n'est pas à remettre en cause, quand on voit le nombre de stagiaires qui le fréquente tous les ans et le soutien apporté par la région Bretagne. Sauf que la conseillère, qui doit se prononcer via les directives de sa hiérarchie, déconseille prudemment à Luc de s'inscrire à Stumdi car la possibilité de trouver un emploi à l'issue de la formation est mince. Sur quelles données se basent-ils pour soutenir un tel positionnement ? Ne sont-ils pas au service des desiderata des demandeurs qui aspirent à trouver un emploi conforme à leur volonté (plus qu'à leur cursus scolaire qui arrivait à un âge ne signifie plus grand chose), et non pas, à l'inverse, orienter leurs recherches vers des métiers sous qualifiés ou en pénurie chronique de main d'œuvre, corvéable selon les exigences des employeurs ?
Selon la dernière étude de l'Observatoire de l'Office public de la langue bretonne, il existe près de 1300 emplois ETP2 (Equivalent Temps-Plein) nécessitant la maîtrise du breton aujourd'hui. La plupart de ces métiers ont trait à l'enseignement (près de 80 %), d'autres secteurs tendent à se développer tels que les médias et la gestion de structures et d'associations. De nouveaux postes sont à pourvoir dans le secteur de la petite enfance en lien avec la création de lieux d'accueil bilingues pour les tout-petits (source : office public de la langue bretonne).
Avec 8 millions d'euro d'investissement de la région Bretagne dans la langue bretonne, le montant reste en deçà de 1% de son budget total de 2020. Il est évident que ça ne suffit pas à consolider et développer les différentes filières capables de proposer des métiers qualifiés. On se doute bien que l'offre d'emplois, et donc leur attractivité, exploserait si les investissements étaient à la hauteur de la nécessité de maintenir le breton, autant d'ailleurs dans le privé que dans le public.
Même si le premier choix de Luc d'une formation universitaire se confirme, il reste néanmoins dubitatif quant à la position de Pôle emploi face à ceux qui forment les adultes à l'apprentissage de la langue bretonne. Il sera alors moins surpris de constater que sa demande de prise en charge du coût de formation par Pôle emploi obtiendra un avis défavorable, soulignant une forme de mépris envers ces acteurs de la langue bretonne.
En parallèle, Pôle emploi continue d'adresser à Luc des annonces de formation dans le secteur de la production de tomates sous serres. Le marketing déployé pour le recrutement est offensif et favorise particulièrement cette activité, à lire leurs argumentaires du type : "Vous recherchez un emploi sans travailler les week-ends ? Vous aimez les produits locaux, vous avez le sens du respect de l'environnement ? Ce secteur d'activité est peut-être fait pour vous !!!", ou encore : "Les producteurs du bassin de Brest mettent un point d'honneur à respecter la nature au cœur de leurs activités." Il s'agirait presque d'une publicité intempestive, quasi mensongère, illustrée par de jolies photos de tomates industrielles. Luc songe à demander à Pôle emploi qu'ils cessent de lui envoyer ces annonces, non conformes à ses choix initiaux. En attendant, Il est facile de comprendre où se concentrent les efforts de recrutement de Pôle emploi sur le bassin brestois : vers plus d'emplois sous-qualifiés et non vers des métiers attrayants potentiellement innovants, à condition évidemment d'y mettre des moyens en les associant à une réelle volonté politique linguistique.
1 Le prénom a été changé pour garantir l'anonymat du témoin
2 Ce chiffre est contesté par la Coordination des travailleurs de la langue bretonne qui avance plutôt 1600 emplois répartis sur les cinq départements bretons
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