Tapie dans la mousse gorgée d’humidité péninsulaire, la
fougère des chênes jouit de l’aire de Bretagne pour satisfaire la souche
épaisse de ses rhizomes qui s’immiscent au pied de ces mastodontes séculaires. Bien
peu sont ses sœurs qui se hasarderaient dans l’Armorique diluvienne pour
s’enraciner dans une proximité aussi massive. Cependant, semblable à un
envahisseur déployant sa crosse, Dryopteris
aemula tient à honorer de ses frondes la famille dont elle porte le nom,
les Filicinées.
Dryopteris aemula |
Venir se frotter à l’écorce du puissant, revêt une toute autre manœuvre pour la fougère : si le polypode impétueux dévoile avec si
peu de pudeur ses prothalles c’est, prétendument, dans la seule présomption
d’égaler le chêne pédonculé, faire de lui un émule devant ses premières émulsions
en forme de triangle. A défaut de floraison et d’abeilles pour la courtiser, ce
subterfuge de flagornerie se conçoit, « S'il n'y a pas de rival, l'amour
languit » louait Ovide.
En tout état de cause, l’apparence gracile du pétiole de pteris
se prête plus à une parade, afin qu’aucun infortuné ne se dresse devant elle. A ce
stade, rien ne l’obligera à s’astreindre de sa lubie invasive. Attendri, l'arbre ne peut que se soumettre à cette effervescence en arborescence. Dès lors, sous
la chape bienveillante de la chênaie, la fougère peut dérouler, sans
flétrissure, sa tige grêle, croissant au rythme de la préfoliaison circinée.
Force est de constater que la fougère en impose dans
l’originalité quand il s’agit de faire valoir son mode de reproduction pour fructifier
la fougeraie. Sur la face cachée des segments fixés au rachis, au revers des
feuilles pennées, éclot une excroissance, un amas de sphères, les Sores. Ces
citadelles amoncelées, embastillées de tâches abandonnées à l’inclusion, ou,
accouplées selon une science suivant la sinuosité du segment, abritent des granules
ou sporanges qui, à leur tour, protègent un peuple orgasmique unicellulaire,
les spores. Les sporanges, sensibles à la variation de l’humidité, s’assèchent et
expulsent les occupants de la forteresse en déchirant leur anneau. Soixante
quatre sujets, pas plus ni moins, batifoleront au gré des courants d’air, courtisés
par l’espoir sans conscience de parvenir à s’extraire du silence funeste du
granit.
Prothalle |
De proche en proche, d’une toiture
au talus, d’une rue à un ru, d’autres l’imiteront dans le seul souci de procréer
une parcelle de vie et répandre, à l’âge venu, leur effluve de foin.
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