Dans
les viscères obscurs du sol, au milieu de l’agrégat de boyaux microscopiques, uniquement
fissurés par le silence du schiste, croît une occlusion tuberculeuse, pareille
à deux testicules, l’orchis, ou de façon plus raffinée appelée
l’orchidée.
Voici
donc que l’une des espèces les plus évoluées du monde floral se voit engourdie
du genre masculin qui calamine son aura fantasmagorique. Étrange attribut que
celui de bouffir une beauté absolue par un insignifiant sac génital, ballotté
par des croyances qui lui confèrent des vertus bien trop précieuses de
fertilité. Il en faut une dose d’abnégation pour expulser de ces bulbes
androgènes la magnificence d’une tige accrescente, dès l’aurore gonflée de
ferveur. Dociles, les buissons mellifères et les quelques arbustes hybrides, abrutis par les bons soins promis aux pelouses acryliques, se sont écartés pour que s’éventre, dans
l’allégorie des croûtes, cette grossesse craquelée aux forceps végétalisé.
A sa
base, pour dégriffer ces globules régénérant, se pose un geyser de feuilles à
la forme de langues languides. A moins que la pudeur n'exige un semblant de
diplomatie pour tresser, devant l’indécente virilité, à la fois courroucée et
calfeutrée, une culotte caulinaire.
Déjà,
à ce stade, l’instinct d’émancipation du cloaque coagulé d’un coït issu de
grumeaux grenus agit comme un spermicide, car le subterfuge de mimétisme de l’orchidée abeille,
dès lors systémique, se dresse sans vergogne, pour bourdonner à
son sommet des bourgeons d’eucères. L’ophrys
apifera peut alors disséminer cette duperie dans une inflorescence orgasmique,
graduée d’autant d’orgie que de bourdons bernés par l’originalité de cette
contrefaçon sexuée.
Qu’en
est-il vraiment ? En soupirant, l’ophrys
déploie son berceau voilé de sépales rose-pourpre et sa nasse en labelle
dont deux aisselles latérales, au soutien en gibbosité, gorgées de poils tactiles.
Le lobe médian, lui, fanfaronne dans la candeur ponctuée de jaunes éteints et de
marrons cramoisis. Ainsi pourvue, l’orchidée s’affuble d’une toilette féline, à
l’affût du moindre dépourvu. Quant au gynostème, sa coiffe en alcôve attache une
vague où se noient démêlés les pollinies et le stigmate qui s’effleurent à
peine.
Au
fond, a-t-on bien agité les coupelles du surnaturel ? A-t-on apprivoisé la connaissance à quelques cendres
de certitudes ? Car l’assemblage fantasmatique de la capsule se frotte à
la vision d’un être spatial, moitié animal, moitié végétal.
Grâce
à la mutation sempiternelle de ses gènes, maintes fois combinés, le leurre de l’orchidée est presque parfait. La
fascination du bourdon pour cet extravagant alliage s’égare dans l’hypnotique
opulence des odeurs aphrodisiaques, maintenant qu’il s’approche. La secousse
frénétique de l’insecte, agrippé à l'ongle incarné par Eros, segmente le léger filament des
pollinies, larguant les nombreuses facettes fécondes. Exclues de l’étroitesse des
orbites capitonnés du dulcicole, elles prolongeront l’énigmatique facétie de
tromper l’œil hagard du visiteur.
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