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mardi 24 mai 2022

Serres à tomates. Le bourdon deviendrait-il une espèce invasive ?

Le bourdon terrestre (ou appelé aussi "cul blanc") deviendrait-il une espèce de substitution à d'autres pollinisateurs à proximité immédiate des serres industrielles ? Avec la pollinisation intensive par les bourdons sous serres pour la production de tomates hors-sol, devenue un leitmotiv du greenwashing des industriels des coopératives bretonnes, la question mérite d'être posée. 

Au chili, pour ne prendre que cet exemple, plusieurs centaines de reines ont été importées dans les années 80 pour mettre en place des colonies afin de polliniser des cultures sous serres comme l'avocat ou la tomate. Le phénomène a perduré dans le temps avec de plus en plus d'importation de spécimens du bourdon terrestre, jusqu'à 1 million sur les vingt dernières années (source : site consoglobe, article de mai 2019). A cause de sorties clandestines et répétées du bourdon européen, la compétition avec les autres espèces indigènes, dont le bombus dahlbomii, met en grave péril l'existence de ces bourdons d'Amérique Latine. Il parait donc très probable que la Bretagne n'échappe pas à ce phénomène de remplacement des pollinisateurs qu'ils soient sauvages ou mellifères, là où sont implantées massivement les serres à tomates. 

Un bourdon sur une fleur
de tomate industrielle

Pour répondre aux interrogations des producteurs québecois, une étude complète sur la pollinisation de la tomate par le bourdon a été menée en 2006 par le "Réseau d'avertissements phytosanitaires" puis mise à jour en 2015, et qui jusqu'à preuve du contraire n'a pas son équivalente en France. On peut tout de même s'accorder à penser que les pratiques, si elles ne sont pas exactement identiques, n'en sont pas moins éloignées. Cette étude peut donc apporter un éclairage manifeste concernant l'impact sur la biodiversité locale d'une telle pratique de pollinisation industrielle considérée comme incontournable par les coopératives de producteurs.

Que dit cette étude sur l'introduction de ruches à bourdons dans les serres ? En résumé 400 ouvrières sont nécessaires pour couvrir 1 ha de plants à butiner. Une ruche de type A (comprenant une reine très active) offre le plus grand potentiel avec au démarrage 70 à 100 ouvrières pour terminer à 250 individus. Pour une surface de 2000 m2 l'industriel aura besoin d'introduire 1 ruche de type A tous les 4 à 5 semaines durant tout le temps de la production, soit une production étalée sur 8-9 mois, avec un démarrage en fin novembre. Un passage de l'étude aborde le sujet de la sortie des bourdons vers l'extérieur des serres. Les recommandations apportées par les auteurs semblent faites pour limiter ces sorties et ne déterminent pas de solutions définitives d'empêchement. 

La haie de consoudes en floraison
Pour évoquer la situation dans la région brestoise, la consoude très mellifère, implantée par un adhérent de l'association "A quoi ça serre" de Plougastel (29) sur une parcelle en bordure de l'Elorn, attire tout type de pollinisateurs mais plus particulièrement le bourdon à "cul blanc". En effet, durant le temps passé à observer la haie de consoudes, il a remarqué une proportion bien plus importante de ces individus que d'abeilles mellifères et de leurs cousines sauvages réunies. A savoir que la parcelle est située à 600 m. à vol d'oiseau des premiers abords des serres industrielles du lieu-dit "Le cosquer Saint-Jean". Avec des serres régulièrement aérées, la probabilité que des individus s'échappent est donc extrêmement élevée. On peut assurément parier que cette invasion du bourdon s'exerce ailleurs dès que les serres à tomates s'enkystent dans le paysage. Il ne s'agirait pas alors uniquement d'un effondrement de la biodiversité locale mais bien plus encore d'une homogénéisation des butineurs dans le cas présent, avec un renouvellement de générations de bourdons plus prégnant encore. 

Pourrions-nous faire l'économie d'une étude d'impact d'un système économique qui révélerait que son modèle industriel de pollinisation est néfaste pour la biodiversité locale ? A l'heure des choix de sauvegarde impérieux des insectes pollinisateurs la réponse est évidemment non. "A quoi ça serre" ne manquera pas de saisir qui de droit.


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